La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) estime que 2,2 millions de prêts hypothécaires feront face à un choc des taux d’intérêt en 2024 et en 2025. « C’est la première fois en plus de 40 ans que les taux montent à ce niveau aussi rapidement », rappelle Tania Bourassa-Ochoa, spécialiste principale, Recherche sur le logement de la SCHL.

Sur le terrain, Sophie Gélinas, courtière chez Centres hypothécaires Dominion, indique que 8 % de sa clientèle aura à renégocier son prêt hypothécaire avant la fin de l’été et qu’il faut en ajouter 6 % de plus avant la fin de l’année. En 2025, 34 % de ses clients auront aussi à le faire. Maxime Fortin, de Momentum Cabinet hypothécaire, estime pour sa part qu’environ 35 % de ses clients auront à renégocier leur prêt hypothécaire durant les 12 prochains mois.

Une économie plus faible

Les prévisions de nombreux experts sur les taux d’intérêt veulent que la Banque du Canada commence à baisser son taux directeur de 0,25 % en juin et qu’elle continue à le faire jusqu’à ce qu’il atteigne 2,5 %, soit une réduction de moitié du taux actuel de 5 %.

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La Banque du Canada marche sur des œufs en ce qui concerne la baisse de ses taux.

La courbe de rendement négative, soit le fait que les taux à court terme soient plus élevés que ceux à long terme, soutient l’idée que la croissance économique sera plus faible en 2024, explique Lorenzo Tessier Moreau, économiste, Desjardins, Études économiques. Cela incitera la banque centrale à baisser son taux directeur qui se rapprochera du taux neutre de 2,5 % à la mi-année 2025, juste à temps pour affronter la plus grosse part des refinancements hypothécaires.

Les prévisions de baisses de taux s’avéreront-elles ?

Toutefois, les prévisions de baisses de taux en ce début d’année ressemblent à s’y méprendre à celles du début de l’année dernière, rappelle Mathieu Lachance, gestionnaire du Fonds canadien d’obligations souveraines à rendement absolu chez Gestion Cristallin. Mais les taux n’ont pas baissé. « On repousse le début des baisses de taux depuis un an », dit-il. Selon lui, on pourrait très bien n’assister d’ici la fin de l’année qu’à trois baisses de taux par la Banque du Canada, ce qui ramènerait le taux directeur à 4,25 %.

Certains indicateurs économiques ne faiblissent pas aussi rapidement qu’on aurait pu le croire, si bien que la Banque du Canada se retrouve actuellement devant le risque de relâcher ses restrictions monétaires trop rapidement et de relancer la spirale inflationniste.

Par ailleurs, des hausses des taux aussi rapides que celles que nous avons connues au cours des deux dernières années ne peuvent qu’impacter lourdement l’économie, si bien qu’il ne faut pas écarter le risque d’un éventuel atterrissage brutal de l’économie, voire qu’elle tombe en récession, estime Mathieu Lachance. « Et si cela s’avère, les taux d’intérêt chuteraient alors rapidement », dit-il.

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Le manque de logements fera en sorte que la demande demeurera forte. Une baisse des taux de 1,5 % et plus risquerait de causer un effet de surenchère.

Que faire alors ?

Actuellement, les meilleurs taux hypothécaires 5 ans se situent entre 4,80 % et 5,00 % comparativement au taux 1 an qui avoisine 6,60 %. Maxime Fortin est de ceux qui croient que les baisses de taux de la Banque du Canada se feront de façon très graduelle. Le manque de logements fera en sorte que la demande demeurera forte. Une baisse des taux de 1,5 % et plus risquerait de causer un effet de surenchère, ce qui justifie une certaine patience de la part de la banque centrale, selon lui. Conséquemment, un taux hypothécaire fixe pour 5 ans en bas de 5 % constitue une offre fort attrayante actuellement, estime-t-il.

Sophie Gélinas suggère une approche différente qui pourrait s’avérer intéressante dans l’éventualité d’une baisse significative des taux. Elle opterait pour un terme de 5 ans à taux variable. Ce taux est actuellement à 6,25 %, soit le taux préférentiel des banques moins 95 points centésimaux (un point centésimal = 0,01 %), un taux qu’elle estime avantageux, qui pourra ensuite être converti en taux fixe pour le reste du terme lorsque les taux auront baissé suffisamment. Le gain sera fort intéressant si la baisse des taux se produit rapidement. Mais cela s’adresse à ceux et celles qui seraient à l’aise avec une telle stratégie, ajoute-t-elle.