La Banque du Canada reste sur ses gardes et maintient son taux directeur à 5 %, même si l’inflation donne des signes d’apaisement et que l’économie faiblit.

Le ton du message de la banque centrale était plus attendu que la décision sur le taux, qui avait été largement anticipée par les économistes. Et ce ton est encore très prudent.

« La décision d’aujourd’hui a été prise parce que le Conseil estime qu’un taux directeur de 5 % reste approprié. Il est encore trop tôt pour penser à le baisser », a expliqué le gouverneur Tiff Macklem en conférence de presse.

Le gouverneur et la sous-gouverneure Carolyn Rogers se présentent maintenant en conférence de presse après chaque décision sur les taux, huit fois par année, plutôt que quatre fois, soit à chaque trimestre de l’année.

L’inflation a reculé à 2,9 % en janvier, ce qui ravive l’espoir d’une baisse prochaine des taux d’intérêt, mais la Banque du Canada veut voir l’inflation diminuer de façon durable avant de changer de cap, a réaffirmé son gouverneur hier.

Contrairement au directeur parlementaire du budget à Ottawa, qui prévoit que l’inflation reviendra à la cible de 2 % à la fin de l’année, le gouverneur de la banque centrale croit que ça prendra plus de temps. « Nos prévisions ont été publiées en janvier et il n’y a pas eu de grandes surprises depuis, a-t-il dit. Nous prévoyons un retour à la cible en 2025. »

La prochaine décision sur les taux est le 10 avril, soit avant le budget fédéral annoncé le 16 avril. Le gouverneur de la Banque du Canada a déjà alerté le gouvernement fédéral et les provinces sur l’importance de contenir les dépenses publiques pour lutter contre l’inflation.

Le taux directeur de la Banque du Canada est à 5 % depuis le mois de juillet et vient d’être maintenu à ce niveau pour la cinquième fois.

Selon le gouverneur, la politique monétaire a réussi jusqu’à maintenant à réduire l’inflation sans provoquer de récession et sans que le taux de chômage augmente de façon importante. « Nous pensons que nous pouvons continuer [à réduire l’inflation] sans dommage important à l’économie », dit Tiff Macklem.

La résistance de l’économie est probablement ce qui permet à la Banque du Canada d’attendre avant de baisser les taux, estime Dominique Lapointe, économiste et directeur de la stratégie économique chez Manuvie. « Ça se peut qu’elle ait raison, mais notre crainte c’est que l’économie s’affaiblisse trop et que la banque ait trop attendu et soit obligée de baisser les taux rapidement », dit-il.

Des inquiétudes

À ce stade de son combat contre l’inflation, la Banque du Canada marche sur ligne mince. Lors de sa décision précédente, en janvier la Banque du Canada avait entrouvert la porte à une baisse des taux en affirmant que la question n’était plus de savoir s’il fallait encore augmenter les taux, mais plutôt de décider combien de temps ils devraient rester à leur niveau actuel.

« La Banque du Canada a un choix difficile, a commenté David-Alexandre Brassard, économiste en chef de CPA Canada. Étant donné que les hausses ont débuté trop tard pour contrôler l’inflation, on peut se demander si on affichera le même retard pour baisser les taux », a-t-il dit.

Le temps n’est pas venu de baisser les taux, ni même de penser à les baisser, a fait savoir hier le gouverneur. Il s’inquiète du fait que la moitié des composantes de l’Indice des prix à la consommation augmente encore à plus de 3 %, et que les conflits internationaux risquent de faire flamber de nouveau les coûts de l’énergie et du transport.

Le prix du logement, sur lesquels la politique monétaire n’a aucun contrôle, continue d’augmenter. Malgré les taux d’intérêt élevés, le marché immobilier se réveille et pourrait rebondir, ce qui préoccupe aussi la Banque du Canada.

La Banque du Canada veut attendre que l’inflation montre des signes durables de recul. Ces conditions devraient être réunies en juin, selon Dominique Lapointe. « La banque n’a pas besoin d’attendre que l’inflation soit revenue à la cible de 2 % avant de commencer à baisser les taux, dit-il. »

Contrairement à la Réserve fédérale américaine, qui a donné des indications sur les baisses de taux à venir, la Banque du Canada garde son jeu caché. Son gouverneur a toutefois indiqué hier qu’il peut dire au moins une chose, soit que les taux d’intérêt ne baisseront pas aussi vite qu’ils ont augmenté.