L’économie américaine est en voie de réussir un atterrissage parfait après avoir affronté les turbulences pandémiques. C’est en bonne partie la performance des États-Unis qui a conduit l’OCDE à relever ses prévisions concernant la croissance économique mondiale de 2,9 % à 3,1 % pour 2024, la semaine dernière.

Les États-Unis ont une économie qui fait des envieux même et peut-être surtout parmi les autres pays dits riches. C’est vrai actuellement, et depuis longtemps. Les Américains ont-ils une recette ? Que font-ils mieux que les autres ? Ils travaillent plus, a dit récemment le grand patron du fonds souverain multimilliardaire de la Norvège, dans une entrevue au Financial Times.

C’est certainement un facteur qui explique que les États-Unis sont des champions de l’innovation et des progrès technologiques, selon Nicolai Tangen, qui gère un formidable actif de 1600 milliards US constitué des revenus pétroliers de la Norvège. Le fonds investit partout dans le monde, mais au fil des ans, il a augmenté ses investissements sur le marché américain. Actuellement, près de la moitié de tous les investissements de Norges Bank Investment Management – nom officiel du fonds – sont aux États-Unis.

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Nicolai Tangen, grand patron du Norges Bank Investment Management

Les chiffres tendent à lui donner raison. Les Américains travaillent plus que les Européens, disent les statistiques de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Dans quelle mesure ? La différence est de 15 % entre les heures travaillées annuellement aux États-Unis et les heures travaillées dans les pays de l’Union européenne. Les Américains travaillent une demi-heure de plus par jour que les Français et les Allemands, par exemple.

Aux États-Unis, on travaille aussi plus qu’au Canada, selon la même source qui calcule le nombre total d’heures travaillées divisé par le nombre moyen de personnes ayant un emploi. Les jours de congé et les vacances sont exclus.

Les données de l’Institut de la statistique du Québec montrent que les Québécois travaillent moins que la moyenne canadienne et moins que les Ontariens. Lucien Bouchard l’avait souligné en 2006 dans une déclaration restée célèbre, et c’est toujours vrai aujourd’hui.

En une semaine, le travailleur canadien travaille en moyenne 35,5 heures, comparativement à 35,7 heures pour le travailleur ontarien et à 34,4 heures pour le travailleur québécois.

S’il suffisait d’allonger un peu la semaine de travail pour réduire l’écart de richesse entre le Québec et l’Ontario, ce serait simple. Mais c’est plus compliqué que ça.

Les populations qui travaillent le plus dans le monde ne sont pas les plus riches. C’est le cas du Mexique et de la Grèce, par exemple, où le nombre d’heures travaillées par année est parmi les plus élevés dans le monde.

De même, l’Allemagne, première économie d’Europe, est le pays où on travaille le moins d’heures. Moins qu’en France, moins qu’au Royaume-Uni et moins qu’en Suède.

Que peut-on en conclure ? Que le nombre d’heures travaillées dans une année n’explique ni le succès ni la richesse d’un pays.

Il y a d’autres ingrédients dans la recette, à commencer par la géographie et les ressources dont un pays est doté, qui peuvent faire pencher la balance entre richesse et pauvreté. On peut ajouter beaucoup d’autres facteurs plus difficiles à mesurer, comme la réglementation ou le niveau des impôts.

Le patron du fonds norvégien a d’ailleurs aussi mentionné un de ces ingrédients intangibles qui explique la performance de l’économie américaine : l’ambition. « Nous ne sommes pas très ambitieux », a-t-il dit en parlant des Européens en général.

La performance de l’économie américaine des dernières années a contribué aux très bons rendements de ses investissements, dont celui de 16,1 % enregistré en 2023. Mais parions que son patron ne déménagera pas aux États-Unis. Il préfère probablement vivre en Norvège.