(Québec) Le ministre de l’Énergie Pierre Fitzgibbon abolira le prix plancher sur l’essence pour stimuler la concurrence et réduire le prix payé par les automobilistes. Il a également déclaré qu’il faudrait hausser la taxe sur les carburants.

Ce qu’il faut savoir

  • Le ministre Pierre Fitzgibbon compte modifier la loi pour ainsi éliminer le prix plancher sur l’essence afin de favoriser la concurrence.
  • Dans quatre régions du Québec, le marché est « incohérent » et les marges de profit des essenceries trop élevées, selon une étude qu’il a commandée.
  • M. Fitzgibbon croit qu’il faudrait hausser la taxe sur les carburants, mais ce n’est pas l’intention du gouvernement Legault.

« Le prix plancher avait été mis en place à l’époque […] parce qu’on voulait empêcher qu’il y ait une consolidation, que des prédateurs baissent trop les prix pour éliminer la concurrence. C’est arrivé de toute façon. Ça fait que là, on va enlever le prix plancher et peut-être que des concurrents vont baisser les prix encore plus. […] Les Québécois, aujourd’hui, veulent avoir des prix les plus bas possibles », a dit le ministre de l’Énergie jeudi en conférence de presse.

M. Fitzgibbon a donc annoncé qu’il allait abroger un article de la Loi sur les produits pétroliers, qui impose un « prix plancher implicite pour les essenceries ». C’est une recommandation d’un rapport d’expert qu’il a commandé après avoir observé des prix très élevés dans plusieurs régions du Québec.

Le rapport, qui a été transmis au Bureau de la concurrence du Canada, démontre que « les tendances de prix sur certains marchés locaux sont tout simplement incohérentes avec ce qu’on voudrait voir d’un marché de l’essence compétitif ». « Clairement, ça me préoccupe », a dit le ministre.

PHOTO KAROLINE BOUCHER, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon

On note, on le savait, une concentration importante du marché, et les marges au détail sont élevées dans certaines régions. Au final, évidemment, ce sont les consommateurs qui payent. Le prix des marges sur certains marchés du Québec a augmenté significativement à la fin de 2021 et ils sont restés élevés depuis ce temps-là.

Pierre Fitzgibbon

Le ministre demandera également à la Régie de l’énergie de publier de façon quotidienne les hausses et les baisses de prix des essenceries partout au Québec. Il espère que ces deux actions vont permettre une baisse du prix de l’essence.

Différentes régions, différents prix

En septembre dernier, le gouvernement Legault avait demandé à la Régie de l’énergie d’observer les écarts de prix dans les régions de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches. Dans un avis daté du 18 octobre, la Régie de l’énergie fait part de plusieurs constats au ministre. Les marges de détail estimées dans les stations d’essence de la Capitale-Nationale sont au-dessus de la moyenne du reste du Québec depuis 2021. Elles sont passées de 4,37 cents le litre en 2018 à près de 15 cents le litre en 2023.

M. Fitzgibbon avait alors demandé au Bureau de la concurrence du Canada d’ouvrir une enquête. Puis il a chargé Robert Clark, professeur affilié à HEC, de proposer des pistes de solution. Il a finalement cité quatre régions où la concurrence laisse à désirer dans la vente d’essence : « C’est la Capitale-Nationale, Chaudière-Appalaches, la Côte-Nord et la Gaspésie. C’est les quatre régions, dans le rapport de M. Clark, où on dit : oups, c’est plus élevé qu’ailleurs ! », explique le ministre.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Le prix de l’essence a atteint 1,74 le litre jeudi, à Montréal.

En plus d’abolir le prix plancher et de favoriser la transparence, M. Clark recommandait également d’encourager la concurrence, une solution écartée par le ministre, car elle est en contradiction avec la transition énergétique. « Dans un contexte de transition énergétique, je vois mal comment le programme ESSOR que dirige le ministère de l’Économie donnerait des subventions pour ouvrir des essenceries. Je ne pense pas qu’on va aller là du tout », a dit M. Fitzgibbon.

Par ailleurs, le ministre a affirmé à la toute fin de la conférence de presse qu’il croit qu’il faudrait hausser la taxe sur l’essence.

Un (autre) pavé dans la mare

« Baisser les taxes sur le carburant ? Moi, je pense qu’il faudrait les monter si je faisais quelque chose », a lancé M. Fitzgibbon, avant de quitter la salle.

Sur les réseaux sociaux, M. Fitzgibbon a précisé par la suite que « le gouvernement n’a aucunement l’intention de hausser la taxe sur l’essence ».

Bien qu’il ait emboîté le pas au gouvernement fédéral en augmentant l’imposition des gains en capital, le premier ministre François Legault a cependant toujours affirmé qu’il n’était pas question d’augmenter davantage les taxes et les impôts au Québec. Mais ce n’est pas la première fois que le superministre jette un pavé dans la mare à ce sujet.

L’été dernier, il avait déclaré qu’il faudrait réduire de moitié le parc automobile du Québec pour atteindre les objectifs de transition énergétique et la carboneutralité en 2050. Puis, en entrevue avec Le Journal de Montréal en mars, il avait affirmé que la popularité croissante des gros véhicules était un problème, que la décision de ne pas imposer de surtaxe était « politique ».

M. Fitzgibbon n’est pas le seul à croire qu’il faudrait hausser la taxe sur les carburants. L’Union des municipalités du Québec demande au gouvernement Legault d’indexer la taxe pour mieux financer le transport collectif, par exemple.

Pierre-Olivier Pineau, titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal, a salué le courage du ministre. « Pierre Fitzgibbon dit plusieurs choses très vraies sur le parc automobile, le prix de l’essence, et il comprend parfaitement que nos prix de l’électricité n’ont pas de sens. C’est peut-être pour ça qu’il dit penser quitter la politique après deux mandats : les politiciens qui disent les vraies choses ont la vie trop dure », a-t-il affirmé.

La taxe sur le carburant en bref

Le taux courant de la taxe sur les carburants applicable à l'essence s’élève à 19 cents par litre. Dans certaines régions, cependant, la taxe s'allège. Ceux qui font le plein dans les régions qui touchent l’Ontario ou le Nouveau-Brunswick bénéficient d’une réduction de 8 cents par litre, ce qui allège la taxe à un taux de 11 cents. Dans les régions situées à moins de 20 km de la frontière américaine, on observe un taux encore plus bas, allant de 16 cents à 7 cents par litre, plus on s’approche des États-Unis. Sur le territoire de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), la taxe fait l’objet d’une majoration l’emmenant à 22 cents. Lorsque l’essence est livrée sur le territoire de la région administrative de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, une combinaison de majoration et de réduction la porte à 15 cents par litre. Des réductions du taux régulier de la taxe sur l’essence s'appliquent également au carburant vendu dans les régions éloignées, ainsi qu'en bordure de ces régions.

Appel à tous

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