Dans L’argent et le bonheur, notre journaliste Nicolas Bérubé offre chaque dimanche ses réflexions sur l’enrichissement. Ses textes sont envoyés en infolettre le lendemain.

Je parle souvent du pouvoir des intérêts composés dans cette rubrique, et des lecteurs me disent qu’ils aimeraient mieux saisir le concept.

Sonia écrit : « Dans un compte d’épargne, à la banque, on voit les intérêts qui sont déposés tous les mois. C’est clair. À la Bourse, les intérêts composés, c’est quoi ? »

C’est une excellente question, et je vais y répondre avec un exemple concret pour illustrer le titre appât à clics de ce texte : montrer comment un parent peut offrir des études postsecondaires à son enfant en déboursant moins d’argent que pour un abonnement au câble, une dépense que font 66 % des foyers québécois.

Comme l’université coûte généralement plus cher que le cégep, émettons l’hypothèse de ce parcours. À McGill, l’université publique la plus coûteuse de la province, et qui est dans l’actualité ces jours-ci, les droits de scolarité pour un résident du Québec peuvent atteindre 7500 $ par année, soit 22 500 $ pour trois ans. Donc, retenons l’hypothèse qu’on a besoin de 22 500 $ par enfant à partir de l’âge de 19 ans.

En tant que parent, je n’ai absolument pas l’intention de payer cette somme avec mon salaire. Je vais donc laisser les intérêts composés régler le gros de la facture à ma place.

Comme le dit la citation souvent attribuée à Einstein (bien qu’on n’ait aucune preuve qu’il en est l’auteur) : « Les intérêts composés sont la huitième merveille du monde. Celui qui le comprend les gagne, et celui qui ne le comprend pas… les paie. »

Les intérêts composés sont tout simplement de l’intérêt que l’on fait sur de l’intérêt : leur pouvoir se multiplie avec le temps.

Cela fonctionne un peu comme une boule de neige que l’on roule pour faire un bonhomme. À mesure que notre boule grossit, sa surface augmente et peut attirer encore plus de neige. Et donc, au bout de quelques minutes, notre mini-boule est devenue une boule géante sans qu’on ait fait beaucoup d’efforts.

En finance, la même chose se produit, mais avec de l’argent plutôt qu’avec de la neige.

Les intérêts composés ne déploient pas leur pouvoir multiplicateur au bout de quelques minutes, mais plutôt au bout de quelques années, et surtout quelques décennies – d’où l’importance de commencer à investir le plus tôt possible, même si on n’a pas de grosses sommes pour débuter.

Imaginez qu’on achète un fonds qui vaut 100 $, et qui va vivre une hausse de 10 % par année en croissance totale, ce qui inclut les dividendes et l’augmentation de la valeur du fonds (j’ai choisi 10 % pour prendre un chiffre rond, pas parce que j’anticipe cette croissance).

Au bout d’un an, avec une croissance de 10 %, notre fonds vaut 110 $. Si on arrête là, on a fait 10 $.

Mais si on ne touche à rien, et que notre 110 $ croît de 10 % à nouveau l’année suivante, on est à 121 $. Ici, ce dollar supplémentaire provient de la croissance sur le 10 $ de croissance de l’année précédente. C’est le début des intérêts composés.

Ce qui est frappant, c’est que, comme avec la boule de neige, la prise de valeur s’accélère avec le temps.

À 10 % de croissance par année, il faut un peu plus de sept ans pour doubler nos 100 $ initiaux et arriver à 200 $.

Mais il faut ensuite moins de cinq ans pour passer de 200 à 300 $.

Puis trois ans pour passer à de 300 à 400 $.

Avec les décennies, ce phénomène s’emballe. Au bout de 50 ans, à 10 % par an, notre placement vaut 11 700 $. De ce montant, 100 $ proviennent du capital investi, et 11 600 $ sont de la croissance résultant des intérêts composés.

Investir tôt

Alors, comment régler notre facture de McGill sans effort ?

Un portefeuille diversifié et équilibré (60 % d’actions canadiennes, américaines et internationales et 40 % d’obligations) a produit une croissance moyenne annuelle de 8,46 % au cours du dernier demi-siècle – ce qui inclut des krachs, des récessions, des crises, la COVID-19, Vladimir Poutine, Donald Trump et le débat sur le troisième lien.

Mais aux fins de notre exemple, imaginons que les rendements sont moins généreux, et se situent plutôt à 7 % – une croissance hypothétique, car personne ne sait de quoi l’avenir sera fait.

À la naissance d’un enfant, des parents peuvent aller dans leur compte de courtage en ligne et investir 50 $ par mois dans des unités des fonds négociés en bourse (FNB) indiciels diversifiés et équilibrés. Je pense par exemple aux fonds VBAL de Vanguard, XBAL de BlackRock ou ZBAL de BMO.

Après 19 ans à épargner et à investir 50 $ par mois à 7 % de croissance annuelle hypothétique, les parents réalisent que leur solde est à 24 000 $.

Succès. Ils peuvent faire un chèque à l’université et passer à autre chose.

De ces 24 000 $, 11 400 $ proviendraient des 50 $ investis chaque mois, et 12 600 $ proviendraient de la croissance.

Autrement dit, en commençant tôt, et avec de petites sommes, un baccalauréat peut coûter moins cher qu’un abonnement au câble.

En matière d’intérêts composés, 19 ans, ce n’est pas énorme.

Imaginez qu’un des parents commence à épargner et à investir en début de carrière, disons à 25 ans, dix ans avant de fonder une famille. Pas pour payer les études d’un enfant qui n’est pas encore né. Simplement dans le but général d’accroître son autonomie financière tout au long de sa vie.

Dans ce scénario, avec un rendement hypothétique de 7 % par année, ce ne sont alors pas 50 $ par mois qu’il est nécessaire d’investir, mais à peine 21 $.

Au moment de payer pour les études, ce sont 7250 $ en salaire qui auraient été investis au fil des ans. Les intérêts composés auraient généré le reste, soit 16 750 $.

Voyez-vous pourquoi l’idée voulant qu’on doive « se priver » pour s’enrichir est fausse ? Sur de longues périodes, de petites sommes sans conséquence sur notre qualité de vie peuvent donner des résultats qui ont des conséquences énormes sur notre qualité de vie.

À ceux qui disent que je rêve en couleurs avec un rendement de 7 %, je viens d’aller vérifier, et les rendements du compte de Régime enregistré d’épargne-études (REEE) duquel je m’occupe à raison de 10 minutes par année dans mon compte de courtage ont été de 11 % par année en moyenne depuis 10 ans – et je n’inclus pas ici les milliers de dollars reçus en subventions gouvernementales (je sais que la question des rendements boursiers vous intéresse. Je vais y revenir dans les prochaines semaines).

Ce qui est difficile avec les intérêts composés, c’est qu’au jour le jour, ils sont invisibles. Nos placements peuvent grimper de 1 % un jour, perdre 0,75 % le lendemain, puis perdre 0,51 %, et ainsi de suite pendant des mois. On a l’impression de faire du surplace. Ou alors qu’on s’appauvrit.

Il faut des années de recul pour voir le phénomène des intérêts composés à l’œuvre.

« La première règle des intérêts composés : ne jamais les interrompre inutilement », aime répéter le milliardaire américain Charlie Munger.

La personne qui investit régulièrement dans des fonds indiciels équilibrés et ne porte ensuite pas attention à ses placements peut même réaliser un jour que les intérêts composés génèrent plus d’argent qu’elle.

Imaginez comment votre vie serait différente si vous aviez à vos côtés un travailleur invisible qui gagnait autant d’argent que vous.

Trop beau pour être vrai ? Pour les gens qui connaissent le pouvoir des intérêts composés, c’est une réalité.

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