(Bromont) Si les pièces du puzzle tombent en place comme prévu, le Québec accueillera des investissements de quelque 10 milliards dans les prochaines années dans le domaine de l’électronique, notamment l’électronique de puissance, spécialité liée aux véhicules électriques.

Ce qu’il faut savoir

  • Des usines de semiconducteurs se construisent dans le nord-est des États-Unis depuis l’adoption du CHIPS and Science Act en 2022.
  • Le Québec, qui dispose à Bromont d’un pôle en électronique, s’insère dans la chaîne régionale d’approvisionnement des micropuces.
  • L’électronique de puissance, des puces fonctionnant à voltage élevé, est un créneau porteur en raison de ses applications dans l’électrification des véhicules.
  • Jusqu’à 10 milliards d’investissements pourraient y voir le jour d’ici 5 à 10 ans.
  • Les premières annonces d’envergure sont attendues d’ici 24 mois.

C’est en partie à Bromont, chef-lieu de l’électronique dans la province et siège de la zone d’innovation en technologies numériques Technum Québec, que l’action va se passer.

« Nos plans indiquent que des investissements pourraient atteindre près de 10 milliards dans les 5 à 10 prochaines années au Québec ou au Canada », précise Normand Bourbonnais, PDG de la zone d’innovation, lors d’une rencontre avec La Presse dans les locaux du C2MI, Centre de collaboration MiQro Innovation de l’Université de Sherbrooke.

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Normand Bourbonnais, président-directeur général de Technum Québec

Le but de l’activité médiatique était d’expliquer pourquoi la filière électronique deviendra la prochaine filière des batteries pour l’économie québécoise.

Avec son écosystème en électronique, Bromont a beaucoup à offrir. Elle a de grands industriels sur place (IBM et Teledyne Dalsa), des chaires de recherche au C2MI, des étudiants et un bassin de main-d’œuvre important. Bromont dispose aussi de 12 millions de pieds carrés prêts à bâtir, et la Ville a investi 4,5 millions dans les infrastructures.

Selon M. Bourbonnais, un ancien d’IBM, le Québec est bien positionné pour s’insérer dans la chaîne d’approvisionnement des semiconducteurs en Amérique du Nord, comme il a su tirer son épingle du jeu de la démondialisation de la fabrication de la batterie lithium-ion.

Les semiconducteurs sont des composants qu’on retrouve dans les équipements électroniques modernes, comme les cellulaires et les ordinateurs.

« Jusqu’à maintenant, la chaîne d’approvisionnement était globale et les usines étaient locales, concentrées en Asie. Dorénavant, la chaîne sera régionale, mais les usines seront installées un peu partout, en Asie, en Europe et en Amérique du Nord », explique M. Bourbonnais.

À quand les annonces ?

« Il devrait y avoir de belles annonces d’ici deux ans de la part de sociétés d’importance qui viendraient s’installer ici. Ce sont des implantations de 100 millions à plusieurs milliards. On parle d’usines de 500 000 pieds carrés avec des salles blanches comptant environ un millier d’emplois », dit-il, sans s’avancer sur aucun nom.

Mais, convient-il, le Québec n’attirera probablement pas d’usines de semiconducteurs. Celles-là sortent de terre aux États-Unis, convaincues par les 52 milliards US du CHIPS and Science Act, adopté en 2022.

Depuis l’adoption de la loi, on y dénombre plus de 23 annonces de nouvelles usines et 9 agrandissements dans l’industrie des semiconducteurs, pour des investissements totalisant 293 milliards.

Dans l’État de New York, l’un des deux pôles de l’industrie aux États-Unis avec le Sud-Ouest, Micron construit une usine de semiconducteurs à Syracuse au coût initial de 20 milliards US (100 milliards en 20 ans). Global Foundries agrandit la sienne à Malta, près de Saratoga Springs, pour 1 milliard US. Un peu plus à l’ouest, à New Albany, en Ohio, Intel consacre elle aussi 20 milliards US à une manufacture de puces électroniques.

Grâce à Albany NanoTech, plus grand centre de R-D sur les micropuces intelligentes, la capitale de l’État de New York est sur les rangs pour accueillir le futur Centre national de technologie sur les semiconducteurs (NSTC) de plusieurs milliards. M. Bourbonnais y part d’ailleurs en mission en novembre.

Ce n’est pas le fruit du hasard si le président Joe Biden et le premier ministre Justin Trudeau ont parlé en mars dernier du corridor Albany-Bromont dans l’électronique, à l’image du corridor Detroit-Windsor dans l’automobile.

« Les Américains fabriquent des puces. La portion senseurs [chez Teledyne Dalsa] et la portion de l’assemblage [IBM Bromont] sont deux portions sur lesquelles on travaille ici à Bromont et qui complémentent les efforts américains, d’où l’idée de corridor », explique Marie-Josée Turgeon, PDG du C2MI.

C2MI, plus grand centre de R-D en électronique au Canada
  • Marie-Josée Turgeon, présidente et directrice générale de C2MI

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    Marie-Josée Turgeon, présidente et directrice générale de C2MI

  • Visite de la zone d’innovation dans les microprocesseurs à Bromont

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    Visite de la zone d’innovation dans les microprocesseurs à Bromont

  • Bromont dispose de la plus grande concentration de salles blanches au Canada.

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    Bromont dispose de la plus grande concentration de salles blanches au Canada.

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Pareille complémentarité existe dans le secteur des batteries. Les usines de batteries et de véhicules électriques sont en Ontario, tandis que le Québec se concentre dans les composants de batterie.

Électronique de puissance

Un exemple de cette complémentarité est l’électronique de puissance. « Il y a des firmes spécialisées dans l’électronique de puissance. Ça peut être intéressant pour le Québec et le Canada, dit M. Bourbonnais. L’électronique de puissance est requise pour les batteries. Chaque fois qu’on fait la conversion du courant électrique d’alternatif à direct, on a besoin d’électronique qui fait cette conversion. On appelle ça des puces de puissance qui vont fonctionner à des voltages beaucoup plus élevés. C’est en plein en lien avec la filière batterie. On s’en va dans la filière batterie en même temps qu’on s’en va dans la filière de l’électronique. C’est un gain pour tout le monde. »

Ça va être un travail de longue haleine, mais on travaille avec Investissement Québec et Investir au Canada. On a identifié déjà un paquet de sociétés ayant un intérêt à venir s’installer en Amérique. Il y a énormément de pression sur les fabricants de puces qui alimentent les véhicules automobiles pour qu’ils rapatrient leur production sur le continent nord-américain.

Normand Bourbonnais, PDG de la zone d’innovation en technologies numériques Technum Québec

« Les firmes japonaises investissent rarement à l’extérieur de leur pays. Aujourd’hui, il y a une ouverture. Une délégation se rend prochainement au Japon. On va rencontrer tous les joueurs du segment de marché. On pense avoir de l’intérêt. Des compagnies taïwanaises sont également venues nous visiter dernièrement. Elles sont très intéressées, mais on parle là aussi d’un délai de 24 à 36 mois », fait savoir le patron de la zone d’innovation Technum.

C’est dire qu’après Bécancour et la filière des batteries, les multinationales étrangères apprendront prochainement à situer Bromont sur une carte.

En savoir plus
  • 165 000
    Population combinée des MRC de la Haute-Yamaska, avec Granby, Shefford et Waterloo, et de Brome-Missisquoi, avec Cowansville, Bromont, Farnham et Lac-Brome
    Source : ministère des Affaires municipales et de l’Habitation du Québec