(Shawinigan) Combien et à quel endroit ? C’est ce que se demandent certains élus de la Mauricie concernés par le mégaprojet d’hydrogène vert de TES Canada, qui table sur la construction de 140 éoliennes un peu partout dans la région pour combler les besoins énergétiques de son complexe. Ils laissent la chance au coureur, mais rappellent que la balle est dans le camp du promoteur.

« Pour moi, c’est un beau projet, avec une grande question, lance le maire de Saint-Maurice, Gérard Bruneau, en entrevue vendredi à Shawinigan, en marge de la confirmation du projet. C’est de l’inconnu pour beaucoup de personnes. »

Cette municipalité d’environ 3700 âmes fait partie des endroits identifiés par TES Canada pour implanter la portion autoproduction de son projet – un parc éolien de 800 mégawatts (MW) combiné à un parc solaire de 200 MW. Cela s’ajoute au bloc de 150 MW – soit l’équivalent d’environ 30 fois la puissance du Centre Bell – obtenu par l’entreprise auprès d’Hydro-Québec.

Le thème de l’acceptabilité sociale s’est rapidement invité à la conférence de presse visant à confirmer les détails du projet de 4 milliards – déjà révélés par La Presse. Signe de l’ouverture des élus locaux, ils étaient présents à l’évènement, auquel participaient aussi le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, et le ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne.

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Certains politiciens ont néanmoins des questions et refusent d’être les seuls à convaincre les citoyens. L’apparition de plus d’une centaine d’éoliennes dans un rayon d’une trentaine de kilomètres de Shawinigan – où l’électrolyseur d’hydrogène de la société doit être installé – modifiera le paysage. TES Canada et son dirigeant Éric Gauthier devront faire la preuve que le jeu en vaut la chandelle si l’on dit oui à l’implantation d’éoliennes sur son terrain, dit M. Bruneau.

« Il ne faut pas que les gens se sentent floués avec cela, dit-il. Les gens doivent y voir un avantage et des compensations. »

L’hydrogène vert – qui nécessite énormément d’énergie – est considéré comme une solution de rechange dans l’industrie lourde (alumineries et aciéries), toujours dépendante du gaz naturel fossile. Le complexe de TES Canada se déclinera en deux facettes : la production d’hydrogène vert et de gaz naturel synthétique renouvelable. Énergir sera le principal client du deuxième volet.

D’un bon œil

À Saint-Prosper-de-Champlain, où l’on recense environ 500 personnes, la mairesse France Bédard affirme que son équipe voit d’un bon œil l’investissement privé, qui se fera sans prêt ou subvention, en Mauricie. À l’instar de ses homologues, la politicienne ignore, à ce stade-ci, où l’on voudrait ériger des éoliennes ou installer des panneaux photovoltaïques.

« Ils [les promoteurs] ont identifié des endroits et ils vont nous les présenter, dit Mme Bédard. On ira avec l’acceptabilité sociale. Je pense que le projet pourrait être bon pour tout le monde. Il faut aussi penser à l’avenir. »

Très enthousiaste, le maire de Shawinigan, Michel Angers, plaide pour un élargissement de la notion d’acceptabilité sociale. À son avis, ce concept doit aller au-delà du « pas dans ma cour ». Shawinigan devrait obtenir la part du lion de l’investissement – 2 milliards – avec l’implantation de l’électrolyseur d’hydrogène.

« L’acceptabilité sociale, c’est aussi participer à la décarbonation, a lancé le maire Angers, en lever de rideau de la conférence de presse. C’est de penser à nos enfants et petits-enfants. C’est aussi changer nos mentalités si on veut un jour sauver la planète. »

TES Canada n’a pas encore toutes les réponses aux questions des élus et des citoyens préoccupés. L’entreprise espère pouvoir en rassurer certains lors de trois séances d’information publiques qui doivent avoir lieu à Shawinigan (21 novembre), à Saint-Adelphe (27 novembre) et à Saint-Narcisse (28 novembre).

M. Gauthier peut déjà offrir certaines garanties. La société qu’il dirige a déjà déterminé les endroits « où on ne peut pas mettre » les éoliennes.

« En zone humide, près des routes, des maisons, résume-t-il. Ça ne sera pas dans la cour arrière des gens. Ça sera plus loin. C’est primordial. Les prochaines étapes, ça sera d’informer la population. Selon la réceptivité, on sera en mesure d’identifier les emplacements des éoliennes. »

Bonnes relations

Filiale de la firme belge Tree Energy Solutions, TES Canada a été cofondée par la femme d’affaires France Chrétien Desmarais, fille de l’ex-premier ministre Jean Chrétien et femme d’André Desmarais, président délégué du conseil de Power Corporation du Canada. C’est Mme Chrétien Desmarais et l’entreprise européenne qui agiront à titre de bailleurs de fonds du projet.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Éric Gauthier, directeur général de TES Canada (gauche), François-Philippe Champagne, ministre fédéral de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie (centre), et France Chrétien Desmarais (droite)

Comment TES Canada a choisi Shawinigan ? Les racines de la famille Chrétien avec la Mauricie ont pesé dans la balance quand Marcel Van Poecke et Paul Van Poecke, cofondateurs de Tree Energy Solutions, regardaient en Amérique du Nord.

« Les frères Van Poecke sont des amis, a dit Mme Chrétien Desmarais. C’est un peu un concours de circonstances. Quand le Canada est arrivé sur leur radar, […] ils se sont adressés à nous et là le projet voit le jour. »

La femme d’affaires a concédé qu’il y avait un « petit côté affectif » qui jouait en faveur de Shawinigan, en ajoutant que tous les éléments, comme l’espace disponible, « étaient là ».

L’hydrogène vert, qu’est-ce que c’est ?

À l’heure actuelle, 95 % de l’hydrogène dans le monde est produit à partir d’énergies fossiles. L’hydrogène peut être produit par électrolyse de l’eau. Ce procédé consiste à faire passer un courant électrique dans l’eau. Cela permet de décomposer ses molécules pour ensuite en extraire l’hydrogène. On parle d’hydrogène vert quand le courant utilisé provient d’une source d’énergie renouvelable, comme l’hydroélectricité.

Source : gouvernement du Québec

En savoir plus
  • 70 000 tonnes
    Quantité annuelle d’hydrogène vert que l’entreprise veut produire à Shawinigan
    TEs canada
    2028
    Année de mise en service prévue du projet
    tes canada