Le projet d’autoproduction d’électricité de TES Canada à des fins commerciales contrevient à la loi qui protège le monopole d’Hydro-Québec et constitue un premier pas vers la dénationalisation de la société d’État, selon des groupes environnementaux.

« C’est René Lévesque qui doit se retourner dans sa tombe », a commenté Jean-Pierre Finet, porte-parole du Regroupement des organismes environnementaux en énergie. « Ce projet va bien au-delà de la simple autoproduction qui est permise par la loi, soutient-il. C’est un premier jalon dans la dénationalisation de l’électricité au Québec. »

Lors de l’annonce du projet à Shawinigan vendredi, le ministre de l’Économie, de l’Énergie et de l’Innovation a soutenu le contraire.

« Présentement, le cadre législatif d’Hydro-Québec permet l’autoproduction sur le site où une entreprise peut avoir ses éoliennes, son solaire, qui sont connectés directement sur l’usine, a dit Pierre Fitzgibbon. Ce projet-là est parfaitement en ligne avec la réglementation actuelle. »

Patrick Bonin, porte-parole de Greenpeace Canada, n’est pas d’accord avec le ministre. Il estime lui aussi que le projet de TES Canada crée une brèche dans le monopole d’Hydro-Québec et qu’il contrevient à la loi actuelle.

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Patrick Bonin, porte-parole de Greenpeace Canada

Ce qui n’est pas tant une surprise, car depuis longtemps, on s’attend à ce que le ministre change la loi pour permettre une plus grande ouverture à la production privée.

Patrick Bonin, porte-parole de Greenpeace Canada

À l’appui de leurs affirmations, tant Jean-Pierre Finet que Patrick Bonin pointent les articles 60, 61 et 62 de la Loi sur la Régie de l’énergie qui protègent le monopole d’Hydro-Québec.

L’article 60 précise que quiconque peut produire et distribuer de l’électricité à condition de la consommer pour ses propres besoins. L’électricité produite à partir de la biomasse forestière, exceptionnellement, peut être distribuée à un autre consommateur « sur un emplacement adjacent au site de production », indique la loi.

« Je ne vois pas comment une production d’électricité dans un rayon de 30 km autour de l’usine pourrait être interprétée comme provenant d’un “emplacement adjacent” à celle-ci tel que l’exige la loi », note Patrick Bonin.

L’article suivant de la même loi précise que « nul ne peut exploiter un réseau de distribution d’électricité sur le territoire d’un titulaire d’un droit exclusif de distribution d’électricité », ce qu’est Hydro-Québec.

De toute évidence, la Loi sur la Régie de l’énergie et la Loi sur Hydro-Québec devront être modifiées pour que le projet de TES Canada se réalise, renchérit Jean-Pierre Finet. « Nous nous y opposons fermement, dit-il. Aujourd’hui, on permet le harnachement du vent, une ressource publique, à des fins privées, demain, ce seront des rivières et ensuite, des petits réacteurs nucléaires modulaires. Et nous ne pourrons nous y opposer. Le Québec est désormais un buffet énergétique à volonté. C’est un bien triste jour. »

Moratoire réclamé

Le Regroupement des organismes environnementaux en énergie, Greenpeace Canada et une vingtaine d’autres organisations ont réclamé au début de la semaine un moratoire sur l’« octroi » de blocs d’électricité à des entreprises industrielles, ce qui nécessite des investissements massifs pour augmenter la production d’électricité.

Le gouvernement québécois risque de créer lui-même une pénurie d’électricité en garantissant à des entreprises énergivores des capacités électriques qui n’existent pas et qu’il n’est pas réaliste de tenter de construire, plaide le regroupement.

Selon les signataires de la requête, un moratoire devrait être imposé sur tous les projets industriels de plus de 5 MW, le temps pour le Québec de se doter d’une politique énergétique.

Le gouvernement du Québec a choisi d’accorder lui-même les 1000 MW disponibles à court terme sur le réseau électrique à 11 entreprises, dont TES Canada, qui étaient parmi les nombreuses entreprises qui avaient réclamé un approvisionnement en électricité.