Oh, je sens que certains d’entre vous ne vont pas m’aimer cette semaine. Mais je l’assume. Écrire dans le journal vient avec des privilèges. Ne pas se faire engueuler de temps en temps n’en fait pas partie.

Vous ne m’aimerez pas parce que je vais parler de votre véhicule. Oui, oui, celui-là même qui est entreposé dans l’entrée, dans le garage ou sur la voie publique, et qui vous appauvrit 24 heures par jour, 7 jours sur 7, 52 semaines par année.

En fait, je profite de la porte ouverte la semaine dernière par Pierre Fitzgibbon, le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, selon qui il va falloir réduire de moitié le nombre de véhicules au Québec pour cesser d’ajouter du CO2 dans l’atmosphère d’ici 2050.

Le nombre de véhicules augmente bien plus vite que la population au Québec depuis 20 ans, a remarqué le ministre. En plus de causer de la pollution, nos habitudes de transport nous coûtent excessivement cher, et cet argent pourrait servir à nous enrichir.

Beaucoup de citoyens disent être « pris à la gorge » depuis la hausse des taux d’intérêt. Je ne nie pas que ce soit vrai. Mais, dans au moins une partie des cas, si on recule d’un pas, on découvre que les mains qui leur serrent la gorge avec tant de force sont leurs propres mains.

En Amérique du Nord, l’un des coupables est notre choix de mode de transport.

Trou noir financier

J’ai longtemps eu du mal à mettre le doigt sur une règle à suivre pour le choix d’un véhicule. Cet achat est à l’évidence un trou noir financier. Chaque boîte de métal de 1900 kilos que j’ai possédée m’a donné un excellent point de vue sur la destruction de richesse que ces machines peuvent accomplir.

Assurances, dépréciation, nouveaux pneus, nouveaux freins, essence, changements d’huile, égratignures en tous genres, sans parler du stationnement, des frais d’immatriculation, des constats d’infraction…

Prise isolément, chaque dépense semble raisonnable. Mises ensemble, elles se transforment en une meute de chiens enragés lâchée dans nos finances.

J’ai longtemps eu du mal à trouver une bonne règle, mais je suis tombé récemment sur une vieille règle qui a permis à des milliers de personnes d’épargner collectivement des millions de dollars, règle que j’ai suivie dans ma vie sans m’en apercevoir.

D’abord, ce que j’aime dans cette règle, c’est qu’elle tient compte de la composition chimique du cerveau humain. Par exemple, on sait que l’effet d’euphorie de la possession d’un nouveau véhicule s’estompe au bout de six mois environ. Après cette période, nos niveaux de dopamine cessent de grimper lorsqu’on s’assoit au volant de notre machine. Notre véhicule n’est plus un cheval blanc, un vaisseau spatial du futur, l’ingéniosité du monde faite objet. Il devient à nos yeux ce qu’il n’a jamais cessé d’être aux yeux des autres : un véhicule de plus dans une province qui en compte déjà 5 200 000.

Les choix des millionnaires

Acheter un véhicule neuf est par conséquent un piège qui fait disparaître des milliers de dollars en dépréciation pour un peu de cuir rigide, et pas grand-chose d’autre. C’est d’ailleurs pour cette raison que les millionnaires américains ne conduisent généralement pas de véhicules neufs et préfèrent les Toyota et Honda aux marques de prestige1.

Alors, de quoi s’agit-il ?

La fameuse règle dit qu’on ne peut pas dépenser plus que 10 % du revenu annuel brut de son ménage pour l’achat d’un véhicule. L’objectif est de le garder pendant 5 ans au minimum, idéalement 10 ans.

En clair, un couple qui gagne la moyenne québécoise de 81 000 $ par année ne devrait pas dépenser plus de 8100 $ pour l’achat d’un véhicule.

La bonne nouvelle, c’est que le prix des véhicules usagés a beaucoup chuté depuis les sommets des dernières années. Kijiji et Marketplace débordent de petits et gros véhicules en bon état qui se vendent autour de 8100 $. On en retrouve actuellement plus de 7000 au Québec sur Kijiji, notamment une Honda Civic 2012, une Subaru Impreza 2009 et une Nissan Leaf 2012.

Ça, c’est pour le ménage moyen. Si votre ménage gagne la somme princière de 150 000 $ par année, vous pouvez vous gâter et dépenser 15 000 $ pour votre prochain véhicule. Près de 14 000 véhicules sont offerts à ce prix ou moins sur Kijiji au Québec.

Pour 15 000 $, vous pouvez vous procurer une valeur sûre comme une Toyota Corolla 2018 ou une Honda CRV 2017, une camionnette Ford F-150 2015, ou encore un luxueux VUS Audi 2014.

Ces véhicules ne sont pas assez opulents pour vous ? Le problème avec les véhicules, c’est qu’on les compare de façon horizontale, c’est-à-dire avec ceux de nos contemporains.

Ces derniers sont en majorité endettés et mauvais avec l’argent – le prêt auto moyen au Canada affichait un solde de plus de 26 000 $ au premier trimestre de 2023. Alors ça va biaiser notre comparaison.

Il est plus juste de comparer avec la vie de nos parents, de nos grands-parents et de nos arrière-grands-parents. Je ne crois pas me tromper en affirmant que 99 % des 10 000 générations qui nous ont précédés sur cette Terre perdraient connaissance si elles pouvaient revenir à la vie et se mouvoir à bord d’une Toyota Corolla 2018. Seulement activer l’air climatisé et les vitres électriques ferait de nous des quasi-dieux aux yeux de toute personne ayant vécu sa vie avant 1950, y compris les personnes les plus riches et les plus puissantes de la société.

Que faire si vous gagnez moins de 25 000 $ par année ? Selon cette règle, vous ne pouvez pas acheter un véhicule automobile sécuritaire. Parmi vos options, vous avez le covoiturage, le vélo, le vélo électrique, le scooter, les transports en commun, ou un mélange de tous ces modes de transport.

Notez que cette règle a pour but l’enrichissement, qui est une autre façon de dire sécurité, liberté, indépendance et baisse de stress. Si cela ne vous intéresse pas, ou si votre maison est payée et que vous avez 3 ou 4 millions en actifs financiers, sentez-vous bien à l’aise de l’ignorer.

D’ailleurs, je possède des actions de plusieurs constructeurs automobiles dans mes fonds indiciels. Je suis copropriétaire de Volkswagen, Mercedes, Toyota et Tesla, pour n’en nommer que quelques-uns.

Et je serais ravi de vous avoir comme client. Nos taux de financement sont imbattables.

1. Lisez « “Not living their life to impress others” : These are the top car brands that rich Americans earning more than $200K drive most — here's why you should steer toward them too » (en anglais)