« Nous aimerions déménager dans une nouvelle demeure avec plus de chambres », soulève Hugo Roy.

La maison familiale actuelle n’en compte que six – un problème relatif à la taille de la famille.

Hugo Roy et Marianne Tremblay ont 10 enfants de 11 mois à 19 ans, qui commencent à s’y trouver à l’étroit.

« Ma question : quelle est la valeur maximum de l’achat d’une nouvelle maison que nous pouvons nous permettre sans diminuer le rythme que nous avons ? »

Hugo est ingénieur.

« Je suis le seul salarié dans la maison, indique-t-il. J’ai quand même un excellent salaire. »

Il gagne 71 500 $ après impôts et autres prélèvements.

Marianne a la lourde charge de la maisonnée.

« Les prestations sociales, qu’elles soient fédérales ou provinciales, sont quand même assez élevées, indique Hugo. Pour les deux ensemble, on parle de pas loin de 60 000 $, net d’impôts, dans nos poches. »

En 2022, la famille a touché 21 500 $ en allocations famille du Québec et 44 500 $ en allocations canadiennes pour enfants.

Selon le budget établi dans le compte bancaire, les dépenses de la famille ont totalisé 101 600 $ pour les 12 derniers mois.

« L’alimentation, pour un budget comme le nôtre, ça joue énormément », souligne Hugo. La bouchée dans le budget est énorme : l’alimentation a accaparé 40 % des dépenses depuis un an.

Reste-t-il de l’espace budgétaire pour un agrandissement de leur espace de vie ?

« On regardait ça pour voir ce qu’on est capable de faire comme projet, ce qu’on est capable de se permettre », formule le père de famille.

Il est difficile d’agrandir leur logis actuel.

« L’idéal serait de faire construire une maison neuve pour mettre nos besoins sur la table. Mais j’ai regardé ça un petit peu, et pour des grosses maisons, on parle de 600 000 à 800 000 $, plus le terrain, plus les taxes. »

Le marché de la revente ? Son cousin a repéré une maison en vente à Sainte-Foy.

« Une grosse maison, évidemment. On parle encore de 850 000 $. Mon barème, c’est : qu’est-ce que je suis capable de me permettre ? Est-ce que je dois, est-ce que je peux aller vers ça ? »

Les allocations familiales sont pour l’instant généreuses, mais diminueront avec chaque enfant qui atteint 18 ans.

« Tu ne peux pas, à long terme, considérer ce revenu-là », souligne Hugo. « Si tu vas à la banque et que tu mets ça sur la table, je ne pense pas que la banque accepte. Ils ne peuvent pas se fier là-dessus. »

Bref : « Est-ce que je me lance là-dedans ou pas ? »

Les chiffres

Hugo, 50 ans
Marianne, 42 ans

  • Salaire d’Hugo : environ 71 500 $ net (après impôts)
  • Allocations familiales :
    Québec : 21 500 $
    Fédéral : 44 500 $
  • Dépenses courantes : 101 600 $
  • Valeur de la propriété : 650 000 $
  • Solde hypothécaire : 91 250 $
  • Mensualité hypothécaire : environ 700 $

La réponse

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Le planificateur financier David Truong, conseiller au centre d’expertise Banque Nationale Gestion privée 1859

Le planificateur financier David Truong, conseiller au centre d’expertise Banque Nationale Gestion privée 1859, confirme que les familles (très) nombreuses ne sont pas si rares. « J’ai eu un collègue qui avait lui aussi 10 enfants, observe-t-il. Ce qui m’impressionne le plus, c’est la gestion quotidienne de tout ça ! »

C’est justement l’enjeu qui nous occupe.

Hugo et Marianne peuvent-ils acquérir sans trop de risques budgétaires une maison plus grande, et par conséquent plus coûteuse ?

« La bonne nouvelle, c’est qu’ils ont une maison qui vaut près de 650 000 $, sur laquelle ils ont une bonne équité », souligne le planificateur.

Avec un solde hypothécaire de 91 000 $, l’actif net s’établit à environ 560 000 $.

Le cas des allocations

Par acquit de conscience et pour fixer les limites, David Truong a d’abord sondé la profondeur des habituels critères de qualification : l’amortissement total de la dette (ATD) et l’amortissement brut de la dette (ABD).

Le ratio ATD stipule que les frais de logement mensuels (mensualité hypothécaire, impôts fonciers, coût de chauffage et 50 % des charges de copropriété), plus le remboursement des autres dettes, ne doivent pas excéder 40 % des revenus bruts.

Le ratio ABD fixe la capacité d’emprunt hypothécaire. Ici, les frais de logement mensuels ne doivent pas dépasser 32 % des revenus bruts.

La question qui se pose pour Hugo et Marianne est de savoir si les institutions financières, en sus du revenu brut d’Hugo, vont tenir compte des allocations familiales.

« La réponse est que ça dépend de l’institution financière », informe notre conseiller.

Certains prêteurs les acceptent sans condition, d’autres considèrent la moitié des allocations, en les plafonnant à 25 % des revenus totaux.

« D’autres retiennent 100 % des allocations et jusqu’à 30 % du revenu total du dossier, à condition que les enfants soient âgés de 12 ans ou moins. »

C’est le critère utilisé par notre planificateur, qui n’a considéré que les allocations versées aux enfants de 12 ans et moins. Pour notre famille, c’est le cas de sept enfants. Aux fins de son estimation, il a retenu 46 000 $ sur les 66 000 $ touchés en 2022.

En reprenant les impôts fonciers (4600 $ par année) et les coûts d’électricité actuels (360 $ par mois), les calculs hypothécaires montrent que notre couple pourrait obtenir un prêt maximal de 841 000 $, avec un versement mensuel de 5157 $, basé sur un taux de 5,54 % et un amortissement de 25 ans.

En déposant en mise de fonds l’actif net de leur propriété actuelle, Hugo et Marianne pourraient en théorie acquérir une propriété de 1 400 000 $.

C’est bien entendu farfelu.

Pour se qualifier, il n’y aura pas de problème. Mais ce sont des critères de qualification. On ne devrait jamais emprunter au maximum de sa capacité, parce qu’on peut toujours avoir des imprévus. Et dans leurs cas, l’imprévu est assez prévisible à court terme, sachant que les allocations vont se terminer à 18 ans.

David Truong, planificateur financier et conseiller au centre d’expertise Banque Nationale Gestion privée 1859

Le test du budget

« Même si leur capacité d’emprunt est élevée, le budget est limité, soulève le planificateur. Il est très important de respecter le budget, et déterminer le montant qu’il serait possible d’allouer au versement hypothécaire. »

Or, Hugo et Marianne ont bien précisé qu’ils ne voulaient pas « diminuer le rythme » qu’ils ont.

Dans leur budget actuel, Hugo et Marianne réservent 8400 $ au poste du paiement hypothécaire, soit 700 $ par mois. Aux conditions actuelles du marché, cette mensualité correspond à un emprunt de 120 000 $ amorti sur 25 ans.

Avec la vente de leur maison pour un actif net de 560 000 $, ils pourraient en principe acquérir une propriété de 680 000 $. Ce qui laisse peu de place à un progrès par rapport à la situation actuelle.

En supposant qu’ils dénichent une maison de 850 000 $ – une maison de sept chambres à coucher est présentement à vendre à ce prix à Sainte-Foy –, il faudrait qu’ils consacrent environ 1740 $ à la mensualité hypothécaire, soit 1000 $ de plus qu’actuellement.

Avec 10 enfants et leur discipline de vie, on peut penser que leurs revenus équilibrent sensiblement leurs dépenses et qu’ils ne peuvent absorber un surcoût de 12 000 $ par année.

Les données budgétaires qu’ils nous ont fournies soulèvent toutefois un doute. Le budget tiré de leur compte bancaire montre des dépenses de 101 600 $. Face à des revenus nets de 130 000 $, il semble y avoir une marge de manœuvre.

Mais sur un autre relevé bancaire, le total des transactions annuelles avoisine 130 000 $.

Ce n’est qu’avec une analyse approfondie de leurs dépenses que Marianne et Hugo pourront confirmer qu’ils dégagent – ou non – une marge pour une plus grande mensualité hypothécaire.

« Il faut déjà prévoir que des revenus vont s’estomper, prévient David Truong. Il faut faire attention au surendettement. »

Lisez notre dossier sur la famille