Diane* et Claude* sont des conjoints de fait au début de la soixantaine qui préparent leur retraite d’ici quelques années.

La situation

Comme projet majeur de préretraite, ils souhaitent rénover et agrandir leur chalet afin d’en faire leur résidence principale une fois à la retraite.

Les coûts de ces travaux que Claude pourra superviser en tant que professionnel en aménagement de bâtiment sont estimés autour de 400 000 $.

Si tout se réalise sans encombre, une telle somme pourrait représenter une valeur ajoutée importante sur la valeur foncière du chalet, qui est inscrite à 400 000 $.

Ils rehausseraient aussi la valeur des actifs immobiliers de Claude, qui représentent déjà la majeure partie du patrimoine total du couple.

En contrepartie, leurs actifs financiers en comptes enregistrés (REER, CELI) qui serviront de principales sources de revenus une fois rendus à la retraite apparaissent encore peu garnis.

Évalués à un peu plus de 800 000 $, dont les deux tiers sont détenus par Diane, ces actifs financiers pourraient être insuffisants à eux seuls pour maintenir le train de vie du couple – environ 80 000 $ par an – au-delà de leur première décennie de retraite.

Dans ce contexte, Diane et Claude se questionnent sur leur capacité financière de réaliser leur projet de rénovation et d’agrandissement de leur chalet en résidence principale.

« À quelques années de la retraite, avons-nous les moyens d’un tel projet ? », résume Claude lors d’un entretien avec La Presse.

Leur première préoccupation : comment organiser le financement de ces travaux sans compromettre leur planification financière en vue de leur retraite ?

En second lieu, alors que Claude envisage la revente de sa maison lorsque le chalet aura été transformé en résidence principale, le gain net attendu de cette revente – autour de 500 000 $ après le solde d’hypothèque et les frais divers – pourrait-il servir à réduire les coûts de financement des travaux au chalet ?

Et ce, tout en permettant à Claude de renflouer ses comptes d’épargne enregistrés (REER, CELI) encore peu garnis à quelques années de la retraite ?

Les questions de Diane et de Claude ont été soumises pour analyse-conseil à David Paré, qui est planificateur financier et conseiller en placements chez Desjardins Gestion de patrimoine, à Québec.

M. Paré a été assisté par Alice Beaubien-Leblanc, conseillère hypothécaire chez Desjardins.

LES CHIFFRES

Claude, 61 ans

Revenus annuels : 82 000 $ (71 000 $ de travail autonome ; 11 000 $ de condos locatifs)

Actifs financiers : 158 000 $ (120 000 $ en REER [cotisations inutilisées : 131 000 $], 38 000 $ en CELI [cotisations inutilisées : 50 000 $]

Actifs immobiliers : 1,35 million (maison : 600 000 $ ; deux condos locatifs : 550 000 $ ; 50 % du chalet du couple : 200 000 $)

Passif : 212 000 $ (soldes hypothécaires sur la maison et les condos locatifs)

Diane, 62 ans 

Revenus annuels : 71 000 $ (d’emploi : 60 000 $ ; de rente de survivante : 11 000 $)

Actifs financiers : 649 000 $, 307 000 $ en REER, 20 300 $ en CELI [cotisations inutilisées : environ 78 000 $], 315 000 $ en compte de placements non enregistrés, en 7200 $ en en régime de retraite [cotisations déterminées]

Actif immobilier : 50 % du chalet du couple : 200 000 $

Aucun passif

Budget courant du couple

Revenus totaux : environ 142 000 $

Débours : environ 80 000 $ par an (25 000 $ liés à la résidence principale, 45 000 $ liés au style de vie, 10 000 $ en épargne-retraite)

Les conseils

D’emblée, David Paré constate que Diane et Claude ont un patrimoine total « en belle situation » avec une valeur nette d’actifs de l’ordre de 2 millions (après soustraction des dettes).

Toutefois, il note que la majeure partie de cette valeur nette est constituée des propriétés immobilières de Claude (résidence principale, deux condos locatifs et 50 % du chalet). Les actifs financiers, eux, sont très majoritairement détenus par Diane.

« Ce débalancement des types d’actifs entre Claude et Diane pourrait leur poser un défi d’accès aux liquidités durant leur retraite, alors que leurs revenus proviendront surtout de leurs décaissements d’épargne-retraite et des rentes des régimes publics [RRQ provincial et PSV fédérale] », signale David Paré.

Les quelque 400 000 $ en travaux d’amélioration au chalet en copropriété en parts égales entre les deux conjoints pourraient aussi accentuer ce déséquilibre entre les actifs immobiliers de Claude et les actifs financiers de Diane.

Par conséquent, avant de considérer l’impact de ces travaux au chalet sur leur planification financière, David Paré recommande à Diane et à Claude de se doter d’une convention de vie commune bien établie devant notaire afin de réduire le risque d’imbroglios financiers au fil de leurs années de retraite.

Cela dit, David Paré peut ensuite rassurer Diane et Claude sur la suffisance de leurs actifs financiers regroupés pour soutenir un train de vie de l’ordre de 80 000 $ par an jusqu’à un âge très avancé.

Financer les travaux au chalet ?

Quant au financement des travaux au chalet, et parce qu’il est déjà en copropriété en parts égales entre Diane et Claude, David Paré leur recommande de procéder par l’établissement d’une marge de crédit hypothécaire.

« Malgré ses coûts en intérêt beaucoup plus élevés qu’auparavant, le recours à une marge de crédit plutôt que de puiser dans l’actif financier de Diane serait préférable afin d’éviter de trop affecter la planification des revenus de retraite qui proviendront de ces actifs financiers », résume David Paré.

En outre, une marge de crédit hypothécaire permet plus de flexibilité de retrait et de remboursement des fonds disponibles selon l’évolution des dépenses de travaux au chalet, ainsi que les liquidités disponibles dans le budget commun de Diane et Claude.

Ensuite, pour optimiser ce financement temporaire par une marge de crédit hypothécaire, David Paré leur conseille de planifier la réalisation des travaux au chalet sur une période d’un an, au terme duquel Claude pourra revendre sa maison tout en bénéficiant de l’exemption d’impôt sur le gain en capital d’une résidence principale.

« Le montant net de la revente de la maison [après le règlement du solde hypothécaire et des frais transactionnels] leur permettra de rembourser toute la marge de crédit hypothécaire pour les travaux au chalet », indique M. Paré.

« De plus, il devrait en résulter un surplus de l’ordre de 100 000 $ que Claude pourrait alors utiliser pour réduire les montants de cotisations inutilisées dans ses comptes d’épargne enregistrés comme le CELI et le REER, rehaussant du coup ses actifs financiers d’où proviendront une bonne partie de ses futurs revenus de retraite. »

Prévention fiscale

Dans le même ordre d’idées, David Paré recommande à Claude de procéder à une planification fiscale de préretraite en ce qui concerne la revente éventuelle de ses condos locatifs.

Parce qu’il s’agit de deux actifs immobiliers à revenu, le gain en capital prévisible lors de leur revente viendrait alors gonfler le revenu imposable de Claude, rappelle M. Paré.

En guise d’exemple, un gain en capital de l’ordre de 150 000 $ lors de la revente de l’un des deux condos locatifs pourrait engendrer une note d’impôt additionnelle de l’ordre de 35 000 $ pour l’année fiscale de cette revente, estime David Paré.

« Par contre, en planifiant cette revente de condos au début de la retraite, alors qu’il serait encore admissible au crédit d’impôt pour des contributions REER conservées et décalées, Claude pourrait réduire sa facture fiscale de quelques milliers de dollars après la réalisation de ce gain en capital imposable. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.