Dans l’infolettre L’argent et le bonheur, envoyée par courriel le lundi, notre journaliste Nicolas Bérubé offre des réflexions sur l’enrichissement.

Le chroniqueur Pierre Foglia avait coutume de répondre aux lecteurs de La Presse dans une rubrique qu’il avait baptisée le « courrier du genou ». En cherchant un titre pour répondre aux lecteurs de cette rubrique, j’ai décidé de la reprendre ici et de l’adapter. Voici donc le « courrier de l’amygdale », nommé en l’honneur de la partie du cerveau qui régule la peur, le plaisir et la colère – bref, vous me voyez venir, des émotions qu’on associe souvent à l’argent.

Commençons avec Benoit, que j’ai agacé quand je me suis réjoui, au début de l’été, des hausses de la Bourse cette année. « J’aurais cru que vous seriez le premier à savoir que ça peut changer rapidement, m’écrit-il. Vu la hausse, avez-vous l’intention de vendre vos placements pour sécuriser votre gain ? Si oui, quand prévoyez-vous racheter ? »

Si je me suis réjoui, c’est parce que ça prend bien quelqu’un pour se réjouir… Avez-vous remarqué que les krachs boursiers accaparent l’attention, mais que les hausses passent inaperçues ?

N’entendre parler de la Bourse que quand elle chute crée une distorsion dans l’esprit des gens, et provoque de la peur (et la fameuse amygdale). Mentionner les gains depuis le début de 2023 était ma (petite) contribution pour tenter de corriger ce déséquilibre.

Quant à l’idée de vendre pour « sécuriser mes gains », je ne vends jamais rien dans mon portefeuille.

Cela dit, sur le fond de votre question, c’est vrai que les investisseurs ont toujours rêvé de vendre leurs actifs au sommet et de les racheter après une chute.

Malheureusement, toutes les études sur la question montrent que ce geste, qu’on appelle synchroniser les marchés, est impossible à réaliser de façon durable, et que tenter de le faire nous appauvrit à long terme.

La seule chose qu’on sait, c’est que sept années sur dix se sont historiquement terminées en hausse dans les marchés boursiers des économies développées.

Faire des gains est la norme ; ce sont les chutes qui sont l’exception. Au lieu de synchroniser les marchés, nous devrions concentrer nos efforts à rester dans les marchés, qu’ils soient en hausse ou en baisse.

Ensuite, un lecteur m’a envoyé un article intitulé : « Bank of America prévient que la stratégie de portefeuille 60/40, qui a fait ses preuves, est sur son lit de mort ». Comme il m’arrive de parler de cette stratégie, j’imagine qu’il voulait me prévenir.

C’est quoi, un portefeuille 60/40 ? Tout simplement un portefeuille composé à 60 % de fonds négociés en Bourse (FNB) qui suivent les marchés canadien, américain et international, et à 40 % d’obligations des gouvernements des pays développés. Bref, c’est la stratégie de placement de base pour un investisseur en milieu de parcours qui recherche de la croissance à long terme, mais qui veut aussi avoir une certaine protection lors des chutes des marchés.

Le problème avec les articles qui annoncent la mort du portefeuille 60/40, c’est qu’ils sont des appâts à clics publiés chaque année depuis longtemps. Par exemple, Bank of America a diffusé cet avertissement en 2013, en 2015 et en 2018.

Depuis 2013, un portefeuille 60/40 a connu un rendement annuel moyen de 7 %. Pas mal pour une stratégie à l’article de la mort… 

Dans ma boîte de réception, Denis demande : « Nous sommes un couple à la retraite de 70 et 69 ans. Nous voulons déménager dans deux ou trois ans après avoir vendu notre propriété actuelle. Nous nous questionnons à savoir si notre prochain toit devrait être un condo acheté ou un condo locatif. Le produit de la vente serait autour de 500 000 $, que nous pourrions investir en placements sûrs du style CPG et en tirer des chèques de loyer chaque mois. Qu’en pensez-vous ? »

Oui, certainement, c’est une idée. Les certificats de placement garanti (CPG) peuvent vous venir en aide. Actuellement, un CPG peut vous donner un rendement de 4,65 % par année pour deux ans. Si on y investit 500 000 $, les intérêts versés seront d’environ 23 000 $ par année, qui seront imposés à votre taux d’imposition marginal. Ce n’est pas énorme pour se loger, mais tout dépend de vos besoins et aspirations, et aussi de vos autres revenus.

Louer un condo vous donne une tranquillité d’esprit sur la question des coûts. Le condo prend l’eau ? L’édifice a besoin de réparations coûteuses ? Ce n’est pas votre problème.

Quant à l’achat, ça peut aussi être une bonne option, pourvu que vous comptiez y habiter pendant au moins 10 ans, car les frais d’achat et de vente d’un bien immobilier sont élevés.

Quoi qu’il en soit, le site Le Jeune retraité a créé un outil Excel qui permet de comparer l’achat et la location d’une propriété.

Consultez l’outil du site Le Jeune retraité

Parlant de propriété, je vous demandais en juin si vous viviez du stress lié à l’économie.

Hélène répond : « Oui, je vis du stress. On vient de signer notre renouvellement de contrat hypothécaire à taux variable sur 5 ans. ‟C’est le meilleur taux, madame ! Oui, oui ! Et c’est fini, la hausse des taux, madame. Oui, oui !” Mon hypothèque est de 200 000 $, mais je paie plus cher par mois qu’au début ! J’en ai assez de ne plus prévoir de beaux projets, mais de juste calculer le montant maximum qu’on va être capable de payer en intérêts pour vivre dans notre maison. »

Je compatis avec votre situation. Le fait est qu’au cours de la dernière décennie, les taux d’intérêt ont été anormalement bas. En anglais, ils étaient nommés les emergency rates (taux d’urgence).

Par définition, une urgence ne dure pas dans le temps. Pourtant, ces taux ont duré, duré, duré… Et plusieurs en ont conclu qu’ils dureraient toujours, incluant des professionnels qui auraient dû mieux aviser leurs clients.

L’endettement était sans douleur, donc l’appétit pour l’endettement a explosé. Et notre banque était notre amie, la grande et sympathique alliée de notre enrichissement immobilier.

Aujourd’hui, la banque semble manger notre salaire. Ce n’est pas agréable. Au moins, les masques sont tombés.

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