Notre petit dossier explicatif sur les nouvelles règles d’imposition du gain en capital, paru dimanche dernier, a suscité de l’intérêt, donc des questions et commentaires.

Lisez « L’impôt sur le gain en capital pour les nuls »

La planificatrice financière et fiscaliste Josée Jeffrey, du cabinet Focus retraite & fiscalité, y expliquait les notions fondamentales dans un échange fictif évoquant la vente d’un chalet d’une valeur de 450 000 $ en 2024 et payé 100 000 $ 12 ans plus tôt.

Elle reprend le dialogue, cette fois-ci avec nos lecteurs.

Dans votre exemple, on peut rajouter 31 310 $ au prix d’achat de 100 000 $ pour tenir compte de l’inflation entre 2012 et 2024, soit 31,31 %.

B. Laporte

Josée Jeffrey : Non, vous ne pouvez pas actualiser vos dépenses ou votre coût d’achat, c’est-à-dire les indexer selon l’inflation. Il faut tenir compte des chiffres réels. J’ajoute un détail important : il ne faut pas confondre la valeur marchande et la valeur municipale d’un bien immobilier. Vous aurez recours aux services d’un évaluateur agréé ou immobilier pour établir la juste valeur marchande.

Il me semble qu’avant de mettre une résidence secondaire en vente, on peut la désigner comme résidence principale, cela afin d’éviter de déclarer un gain de capital. Pourriez-vous en donner l’explication ?

L. Côté

Josée Jeffrey : Oui, vous avez entièrement raison.

Rappelons que la notion de résidence principale s’applique à plusieurs biens immobiliers que détient un contribuable. Une propriété peut être désignée résidence personnelle pour une année donnée, pourvu que son utilisation soit personnelle et qu’elle ait été « normalement habitée » ne serait-ce qu’une seule journée à un moment donné durant l’année. Il est donc possible que votre chalet ou résidence secondaire soit désigné à titre de résidence principale. Toutefois, vous ne pouvez désigner qu’une seule résidence principale par année. Lors de la disposition de l’une ou l’autre de vos résidences principales, vous aurez à choisir les années de désignation pour chacune, selon la plus-value réalisée. La désignation se fait année par année.

Une résidence habitée normalement par un enfant mineur ou majeur, un conjoint ou un ex-conjoint est admissible à titre de résidence principale, même si vous avez obtenu des revenus locatifs de ces personnes.

De plus, au sens fiscal, il existe une règle très importante qui permet d’ajouter une année aux années désignées à titre de résidence principale sur chaque bien, ce qu’on appelle la « règle du +1 ». Mais n’entrons pas trop dans ces subtils détails…

Conseils aux propriétaires. No 1 : conservez vos factures d’amélioration et ne payez pas au noir. No 2 : regardez l’évolution de la valeur marchande de votre chalet au cours de vos 12 dernières années avant de penser à vendre avant le 25 juin. C’est peut-être votre meilleur placement pour l’avenir.

G. De Bellefeuille

Josée Jeffrey : J’abonde dans ce sens. Une vente précipitée pourrait faire perdre plusieurs milliers de dollars sur la plus-value potentielle du chalet.

Vos conseils sont judicieux. Pour minimiser le gain en capital lors d’une vente, il est essentiel d’établir correctement le prix de base rajusté du chalet et de la résidence principale où vous vivez régulièrement. En effet, pour déterminer laquelle des deux profitera de l’exemption de résidence principale, vous devrez comptabiliser les dépenses de toutes vos propriétés à usage personnel.

Pour chacune, incluez le prix d’achat initial, ainsi que les dépenses pour rénovations majeures, par exemple l’ajout d’un garage ou d’un cabanon, l’installation d’une piscine ou d’une salle de bain. N’oubliez pas d’ajouter les frais d’acquisition tels que les droits de mutation, les frais juridiques et d’inspection, en conservant toutes les factures à l’appui.

J’ai présentement un condo qui me sert de chalet. Si je le vends, est-ce que je peux inclure mes frais de condo, mes taxes municipales et scolaires pour augmenter mon prix d’achat ?

N. Mongeau

Josée Jeffrey : Eh non ! Seuls les droits de mutation payés lors de votre acquisition seront ajoutés à votre prix d’achat. Habituellement, les frais de condo, aussi appelés charges communes, constituent des frais d’entretien et de gestion. Les impôts fonciers constituent eux aussi des coûts d’usage. Toutefois, si vous avez payé des sommes importantes à titre de cotisation spéciale, celles-ci pourraient s’ajouter à votre prix de base, selon la nature de la dépense.

Lors de la vente d’un immeuble locatif, est-ce que les coûts des améliorations sont aussi ajoutés au prix d’achat ? J’aimerais connaître la différence entre le taux d’imposition effectif et le taux marginal, et dans quel cas on utilise l’un ou l’autre.

Un lecteur

Josée Jeffrey : Oui, les coûts d’améliorations importantes s’ajoutent au prix d’achat.

Brièvement, le taux effectif d’imposition se calcule en divisant les impôts payés par le revenu total. Il vous donne un coup d’œil rapide sur le pourcentage de votre charge fiscale durant l’année. Le taux marginal d’imposition est le pourcentage d’impôt payé sur le dernier dollar gagné dans l’année. Il vous sera utile pour connaître l’impact fiscal de certaines stratégies, telle une cotisation à votre REER.

Je crois qu’il est possible de reporter l’imposition sur le gain en capital en n’encaissant pas la somme immédiatement. C’est une réserve. Supposons un triplex vendu 1 000 000 $ avec un gain en capital de 600 000 $. On prend une deuxième hypothèque (balance de vente) de 500 000 $, soit une réserve de 50 %. Le gain en capital dans l’année de la vente est de 300 000 $, et lors de l’encaissement de la balance de vente, de 300 000 $.

A. Renaud

Josée Jeffrey : En effet, il est possible de répartir un solde de prix de vente à recevoir sur les quatre années suivant la vente du bien, en l’occurrence votre triplex. Vous demanderez alors une provision pour reporter votre gain en capital. Vous devrez être résident du Canada au 31 décembre de l’année d’imposition visée. Mais il faut vraiment qu’il y ait un solde à payer pour profiter de ce report.

On peut désigner une résidence secondaire à l’étranger comme résidence principale sur le fiscal au Canada.

C. Têtu

Josée Jeffrey : Je confirme qu’une propriété à usage personnelle détenue à l’étranger est admissible pour l’exemption de résidence principale. Il y aura peut-être de l’impôt à payer dans ce pays.

Que se passe-t-il avec le gain en capital si j’ai hérité d’un chalet que mon père a construit en 1976 ? Le chalet vaut maintenant environ 1,5 million.

Un lecteur

Josée Jeffrey : Vous êtes réputé avoir acquis ce chalet à sa juste valeur marchande à la date du décès de votre père. Par exemple, si son chalet valait 800 000 $ à son décès et que vous le vendez maintenant 1,5 million, vous aurez un gain en capital de 700 000 $. Le calcul du gain en capital imposable dépendra de tous les éléments mentionnés plus haut. Rappelons qu’avec les nouvelles règles fiscales qui entreront en vigueur le 25 juin prochain, le taux d’inclusion de l’impôt sur les gains en capital réalisés par les particuliers passera de 50 % à 66,67 %, mais seulement sur la tranche dépassant 250 000 $. Sur la première tranche de 250 000 $, le taux d’inclusion demeure à 50 %, ce qui signifie que 50 % de ce gain s’ajoute aux revenus imposables de l’année.

Attention ! Trois dates clés doivent être prises en compte dans le calcul du gain en capital pour le chalet de votre père. Avant 1972, le concept de gain en capital n’existait pas. Si votre père possédait le chalet à cette date, il est essentiel de déterminer sa valeur au 31 décembre 1971 pour l’exclure du calcul. De plus, avant 1982, chaque conjoint pouvait détenir sa propre résidence principale, chacun bénéficiant ainsi de l’exonération du gain en capital.

Le 22 février 1994, les contribuables ont pu utiliser leur ancienne exemption à vie de 100 000 $ sur leurs biens en immobilisations. Il est possible que votre père ait utilisé cette exemption en désignant son chalet, ce qui augmenterait son coût actuel.

Je n’arrive pas à me faire une idée claire en ce qui concerne les nouvelles normes pour le gain en capital. En 2006, mon conjoint et moi avons acheté un vieux chalet sur le bord de l’eau au montant de 130 000 $. En 2014, nous avons démoli entièrement le chalet pour construire une maison qui est devenue notre résidence principale depuis. L’évaluation à ce moment-là est passée à 350 000 $. En 2024, selon le nouveau rôle d’évaluation, notre propriété vaut maintenant 600 000 $. Nous n’avons pas d’autre propriété.

S. D’Amours

Josée Jeffrey : Nous supposerons que vous occupiez une autre résidence principale avant la construction de la nouvelle résidence de campagne en 2014.

Pour votre propriété, votre prix de base comprendra votre coût d’achat de 130 000 $ en 2006, plus tous vos autres coûts de construction, y compris les frais de démolition.

Je vous rappelle que dans le calcul du gain en capital d’une résidence, il faut tenir compte de la valeur marchande et non de l’évaluation foncière.

Voici un calcul rapide en supposant une valeur marchande de 650 000 $ d’une part, et d’autre part un coût de reconstruction de 320 000 $ (y compris les frais de démolition) plus votre coût de 130 000 $ en 2006.

Si vous la vendez en 2024 :

  • Gain en capital avant l’exonération pour résidence principale (650 000 $ - 130 000 $ - 320 000 $) : 200 000 $
  • Années de détention de la propriété : 19 (de 2006 à 2024)
  • Années désignées comme résidence principale : 11 + 1 (les années 2014 à 2024, plus un an en vertu de la « règle du + 1 »)
  • Exonération de gain en capital (12 années sur 19, soit 63,2 %) : 126 316 $ (200 000 $ * 12 / 19)
  • Gain en capital à déclarer : 73 684 $ (soumis au taux d’inclusion de 50 %) = 36 842 $ réparti entre les deux copropriétaires (18 421 $ chacun)

Plus vous conserverez votre résidence longtemps, plus le pourcentage de l’exonération augmentera. Bien entendu, la valeur marchande augmentera également ! Mais vous ne vous en plaindrez pas…