Dans L’argent et le bonheur, notre journaliste Nicolas Bérubé offre chaque dimanche ses réflexions sur l’enrichissement. Ses textes sont envoyés en infolettre le lendemain.

Bienvenue à un courrier de l’amygdale, où je réponds à vos questions sur l’argent. Cette semaine, on parle des placements sous Donald Trump, des actions des banques, du décaissement à la retraite, et de l’achat d’un véhicule avec de l’argent comptant.

Accueillons Mireille, qui regarde aller nos voisins du Sud et qui n’est pas certaine d’aimer ce qu’elle voit.

« Si Trump était élu aux prochaines élections, est-ce que nous devrions diminuer ou augmenter nos placements en actions américaines ? demande-t-elle. Ou alors, ne pas y toucher ? L’économie américaine se porte-t-elle mieux historiquement sous les républicains ou sous les démocrates ? »

Merci, Mireille, je suis certain que vous n’êtes pas la seule à vous poser la question.

La réponse courte, sans chiffres ennuyants : on ne devrait jamais laisser le calendrier politique influencer nos choix de placements.

La réponse longue, avec chiffres ennuyants : la Bourse américaine a grimpé de 9,8 % en moyenne sous les présidents démocrates, et de 6 % en moyenne sous les présidents républicains depuis 1957, selon une analyse du site The Motley Fool. Un bilan dû au fait que George W. Bush était à la Maison-Blanche lors du krach de la bulle techno en l’an 2000, et aussi lors de la crise financière de 2008.

Bref, la croissance à long terme est positive, peu importe qui loge à la Maison-Blanche. Et, comme le souligne le gestionnaire de portefeuille Philippe Le Blanc dans son plus récent livre, Avantage Bourse, la Bourse américaine a grimpé de 62,5 % sous Trump, sans même tenir compte des dividendes.

Alors, oui, je vais être nerveux le soir du 5 novembre prochain. Mais pas pour mes placements.

Donnons ensuite la parole à Naomi, une milléniale capitaliste (ils existent) qui aime recevoir les beaux gros dividendes que lui versent TD et Banque Scotia.

« Je me demandais si je ne devais pas vendre mes actions de TD et Banque Scotia avec qui j’ai de bons dividendes et de bons rendements depuis que j’investis. J’avoue que le nuage de la récession qui rôde me fait un peu peur. Je me demande si je devrais mettre tout ça dans des fonds indiciels diversifiés et équilibrés. »

Ne vous laissez pas impressionner par le dividende, Naomi. Ce n’est pas parce qu’il y a un gros dividende que c’est un meilleur placement.

Regardez le résultat d’un placement à 50 % dans TD et à 50 % dans Scotia, comparé à un placement dans un fonds composé des plus grandes sociétés qui s’échangent à la Bourse de Toronto, en incluant le réinvestissement des dividendes, depuis 10 ans.

Vous laissez de l’argent sur la table en ayant un portefeuille aussi concentré : historiquement, la diversification a été plus payante. Et c’est encore plus vrai lorsqu’un portefeuille est diversifié à l’international.

Aussi, quand vous dites « le nuage de la récession me fait peur », ce que j’entends, c’est « je suis à deux doigts de vendre mes placements, car l’actualité m’inquiète ».

Acheter ou vendre un placement en fonction de l’actualité est l’équivalent de jouer avec une fourchette dans une prise de courant en ayant les pieds mouillés. Ne le faites pas. Genre, jamais. Les marchés ont toujours été imprévisibles à court terme, et le resteront toujours.

Vous avez des décennies devant vous. Vous devriez prier pour que les marchés chutent. Quand ça arrive, chaque nouveau dollar peut acheter davantage d’actifs. C’est contre-intuitif, mais un marché en baisse fait augmenter les rendements attendus dans l’avenir. Un marché en hausse les fait diminuer.

Ensuite, donnons la parole à Denise, qui est intriguée par la règle du 4 % pour le décaissement à la retraite dont j’ai récemment fait mention. Elle écrit : « J’ai 64 ans, je pense prendre ma retraite l’an prochain et je n’ai jamais entendu parler du décaissement de 4 %. Ça veut dire quoi ? »

Lisez l’article « Ce que 300 000 personnes ont appris sur l’argent »

Cette règle tente de répondre à une vieille question : combien d’argent puis-je retirer de mes placements pour en vivre à la retraite avant de ne plus avoir un rond et d’aller camper sous un pont ?

La règle nous vient d’une analyse réalisée en 1994 par le conseiller financier américain William Bengen. Elle montre qu’on peut décaisser chaque année 4 % de la valeur d’un portefeuille de placements, et ajuster le montant pour couvrir l’inflation, pour les 30 prochaines années avec des risques très faibles de manquer d’argent.

Pour prendre des chiffres ronds, la personne qui a 500 000 $ en placements peut en décaisser 20 000 $ la première année, 20 400 $ la deuxième année (si l’inflation est à 2 %), 20 808 $ la troisième année, et ainsi de suite.

Notons que cette règle a été établie à partir d’un portefeuille composé à 50 % d’actions américaines et à 50 % d’obligations américaines. Elle est sujette à débat, certains la trouvant trop restrictive, d’autres trop généreuse.

Une étude de 2023 de la Western Carolina University a montré qu’adopter un taux de décaissement variable en fonction de la valeur des placements serait optimal, et permettrait même de décaisser plus de 4 % certaines années. Bref, la règle de 4 % n’est pas une loi immuable, mais peut servir de guide pour savoir grosso modo quelles sommes peuvent générer nos investissements.

Consultez l’étude (en anglais)

Finalement, le texte intitulé « Ta retraite est dans ton driveway » a suscité beaucoup de réactions.

Lisez l’article « Ta retraite est dans ton driveway »

Jean-Pierre écrit : « Que pensez-vous de ceux qui paient leur véhicule en argent comptant ? En tout cas, le concessionnaire n’aime pas cela ! »

Quoi, êtes-vous en train de me dire que tout le monde ne paie pas son véhicule en argent comptant ? Que des gens s’endettent pour un bien de consommation dont la valeur diminue chaque jour ? J’ai du mal à vous croire !

Blague à part, une chose que je n’ai jamais comprise, c’est : pourquoi recourir à du financement pour conduire un véhicule de prestige ? Si on peut s’offrir un véhicule de prestige, c’est parce qu’on est riche. Et si on est riche, on n’a pas besoin de financement ! Tout ça est bien mystérieux.

Mais je m’égare. Je sais que faire financer un véhicule est le choix de beaucoup de gens. Je comprends la logique. Un véhicule : gros montant. Un paiement de véhicule : petit montant. On préfère le petit montant. Même si ça veut dire qu’on enrichit la banque.

Si c’est votre cas, je vous mets au défi d’épargner en vue d’acheter vous-même votre prochain véhicule neuf ou d’occasion. De le faire en fonction de vos moyens, sans le faux sentiment de richesse que procure l’accès au crédit, et sans les risques psychologiques et financiers qui accompagnent la création d’une dette.

Fini les « paiements de char » ! Le bonheur.

Et si vous faites le choix de continuer à faire financer un véhicule, aucun problème. Mais vous perdez alors le droit de vous plaindre que « tout coûte cher ».

On ne peut pas tout avoir.