Avec le nouveau taux d’imposition sur le gain en capital des résidences secondaires, une jeune famille se demande si elle doit vendre son triplex.

La situation

Jean-François* et Marie-France*, 32 ans, ont acheté un triplex en 2018 pour y vivre au rez-de-chaussée. Lorsque la famille s’est agrandie, ils ont déménagé dans une maison de banlieue en 2022.

Jean-François et Marie-France sont en grand questionnement : devraient-ils ou non vendre ce triplex ?

Avec l’augmentation des taux hypothécaires, leurs versements mensuels ont doublé, parce qu’ils ont pris le taux variable sur cinq ans. Quant aux revenus locatifs nets, ils ont fondu et frôlent le zéro.

« Le triplex a pris beaucoup de valeur à la suite des rénovations que nous avons faites, mais aussi à cause de la hausse du marché, explique Jean-François. Si on le vend maintenant, avec nos salaires respectifs, l’impôt que nous devrons payer sur le gain en capital sera très élevé.

« L’idée de devoir payer l’équivalent de mon salaire annuel en impôt me chicote et je me demande quelles sont nos options, poursuit-il. Je comprends qu’il n’y a pas d’option parfaite. »

Selon Jean-François, la deuxième option serait d’attendre à la retraite pour avoir un revenu moins élevé et payer moins d’impôt. Cependant, patienter encore une trentaine d’années l’enchante moins, car il devra gérer des locataires durant toute cette période.

Avant l’arrivée de son enfant, le couple aimait bien la gestion de locataires et l’entretien des immeubles. Or, force est d’admettre que leurs priorités ont changé. Les imprévus reliés au triplex génèrent du stress, constate Jean-François. Ensuite, il y a les grands-parents qui seront bientôt tous à la retraite. Jean-François et Marie-France veulent avoir du temps libre pour profiter de tout ce beau monde pendant qu’il est encore en santé et veulent aussi agrandir la famille.

« Une troisième option serait de prendre une année sabbatique, de réduire nos revenus et de vendre dans cette année-là, avance Jean-François. Mais est-ce une stratégie faisable ? Le concept de l’année sabbatique n’est ni un rêve ni un objectif pour moi. J’adore travailler », précise-t-il.

Jean-François est aussi copropriétaire, avec son frère, d’un deuxième triplex hérité de leurs parents. Son frère souhaite le garder, mais il serait ouvert à le vendre si une bonne offre se présentait. La valeur marchande du triplex est estimée à 900 000 $ et le solde hypothécaire s’élève à 490 000 $. La partie de Jean-François est de 245 000 $.

Les revenus locatifs nets du triplex des frères frôlent aussi le zéro à cause de l’augmentation des taux d’intérêt.

Les chiffres

Jean-François*

Salaire : 120 000 $ avec un boni cible de 10 % CELI : 67 000 $
REER : 160 000 $
REER non utilisés : 23 400 $

Marie-France*

Salaire : 142 000 $ avec un boni cible de 20 % REER : 50 000 $
REER non utilisés : 52 400 $
CELI : 64 000 $
REEE : 4000 $

Maison, prix en 2022 : 480 000 $
Valeur actuelle : 700 000 $
Environ 150 000 $ investis en rénovations en 2022
Hypothèque : 642 350 $ (taux variable de 6,2 %)

Triplex, prix en 2018 : 460 000 $
Valeur actuelle : 850 000 $
Valeur des rénovations : 80 000 $
Revenus des loyers : 4500 $/mois

Triplex, avec frère prix en 2018 : 450 000 $
Valeur actuelle : 700 000 $

L’analyse

Pierre-Raphaël Comeau, conseiller principal, planification financière, Valeurs mobilières Banque Laurentienne, Cabinet de services financiers, a fait l’analyse du dossier.

D’entrée de jeu, le planificateur financier souhaite régler l’histoire de l’année sabbatique non désirée de Jean-François. Si plusieurs rêvent de ce projet et le planifient, Jean-François affirme plutôt qu’il aime travailler.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Pierre-Raphaël Comeau, conseiller principal, planification financière, Valeurs mobilières Banque Laurentienne, Cabinet de services financiers

« Notre argent doit être géré en fonction de nos objectifs de vie et non l’inverse », affirme Pierre-Raphaël Comeau, qui ne conseille pas de prendre une année sabbatique « de force » pour épargner de l’impôt.

Les objectifs des jeunes trentenaires ont changé, comme c’est le cas de plusieurs couples au cours de la vie. La priorité est devenue la famille ? On fait des choix en fonction d’elle.

L’option de la vente

« Je ne suis pas expert en immobilier, rappelle le planificateur financier. Mon objectif n’est pas de débattre de ce qui est un meilleur placement à long terme.

« Car l’immobilier peut être un excellent placement, poursuit-il. Mais il a ses particularités, comme trouver le bon immeuble, des locataires, gérer les loyers, les réparations et l’entretien. Monsieur affirme que tout ceci le stresse et le prive de temps de qualité en famille. L’option de la vente semble alors s’imposer. »

Jean-François est aussi copropriétaire d’un deuxième triplex. Le risque de ses investissements est donc diversifié, souligne-t-il.

S’il vendait le triplex qu’il détient avec Marie-France, Jean-François n’aurait pas à payer son salaire annuel en impôt, estime le planificateur financier. « C’est plus près de la moitié de son salaire annuel. »

Le couple a investi 80 000 $ en rénovations lorsqu’il a acheté l’immeuble en 2018. Le planificateur financier suggère de vérifier auprès d’un comptable s’il est possible de rajouter ces 80 000 $ ou une partie de ce montant en coût en capital.

« Il y a des rénovations qui font en sorte que le prix que tu as payé pour ton immeuble augmente, comme ajouter une pièce, par exemple, et ça réduit ton gain en capital futur. Il y en a d’autres qui font diminuer le profit que tu fais sur les revenus locatifs, comme refaire la toiture », explique Pierre-Raphaël Comeau.

En fonction du montant des rénovations qui pourrait être ajouté ou non à la valeur d’achat du triplex, l’impôt à payer varierait entre 63 000 $ et 77 000 $, selon le planificateur.

Le nouveau seuil de 250 000 $ de gain en capital, qui fait grimper le taux d’inclusion à 66,7 %, est appliqué par année et par personne, rappelle Pierre-Raphaël Comeau. « Il faudrait un gain de 500 000 $ sur le triplex. »

Si les rénovations ne se qualifient pas pour faire augmenter le prix d’achat du triplex, l’immeuble devrait être vendu 1 090 000 $ pour défoncer le gain de 500 000 $ (250 000 $ chacun). Et ce n’est que la fraction qui excède les 1 090 000 $ qui serait incluse à 66,7 % au lieu de 50 %, précise le planificateur.

Le couple aura aussi une exemption pour résidence principale correspondant à 33 % du triplex, puisqu’il l’a habité de 2018 à 2022. Le gain en capital pour ces années sera calculé sur la partie qui était louée.

Et les autres options ?

Hormis l’année sabbatique, y aurait-il un moment fiscalement plus avantageux pour vendre ? Le planificateur a vérifié si la vente de l’immeuble survenait par miracle la même année que la naissance du deuxième enfant. En congé parental, Marie-France aurait alors un revenu moins élevé. Les économies ? De 2500 $ à 2700 $.

Chose certaine, Marie-France, Jean-François et son frère doivent éviter de vendre les deux triplex la même année, car le seuil de 250 000 $ par personne serait dépassé.

Si le couple va de l’avant avec la vente du triplex, le planificateur conseille de placer une partie du gain dans des REER. Avec des contributions de 23 400 $ pour Jean-François et de 52 400 $ pour Marie-France, les économies d’impôt s’élèveront respectivement à 11 750 $ et à 26 300 $.

Si l’immeuble était un investissement à long terme, les REER le seraient aussi en fructifiant à l’abri de l’impôt, estime Pierre-Raphaël Comeau.

Il suggère également au couple de maximiser le REEE à raison de 2500 $ par année, afin d’obtenir les subventions de 20 % et 10 % des deux gouvernements.

Les sommes restantes pourraient être mises dans un CELI en attendant d’autres projets.

La famille a de bonnes habitudes d’épargne, de bons revenus et a pris la bonne route pour sa retraite.

Il conseille toutefois de vérifier si leurs assurances vie et invalidité sont à la hauteur de leurs besoins, car leur actif le plus important, c’est leur capacité de travailler.

La version originale de ce texte a été modifiée pour corriger que c’est le taux d’inclusion et non le taux d’imposition qui passe de 50 % à 66,7 %.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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