Vous arrivez au début de la cinquantaine sans avoir accumulé d’épargne et vous espérez prendre votre retraite à 65 ans. Est-ce la catastrophe ? Pouvez-vous vous rattraper ? Si oui, comment alors bâtir une épargne-retraite à grande vitesse ?

« Sans épargne-retraite personnelle ou sans un régime de retraite d’employeur, et en misant seulement sur les rentes gouvernementales [RRQ provincial et PSV fédérale] pour ses revenus de retraite, c’est un train de vie proche du seuil de la pauvreté – environ 28 000 $ par année – auquel vous pourriez être astreint une fois rendu à la retraite après 65 ans », avertit d’emblée Charles-Antoine Gohier, chef de pratique en planification financière chez Banque Nationale Gestion de patrimoine. Il est aussi membre du conseil d’administration de l’Institut de planification financière.

N’empêche, il est encore possible de renflouer cette absence d’épargne-retraite durant la quinzaine d’années de revenus d’emploi avant la retraite.

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Charles-Antoine Gohier, chef de pratique en planification financière chez Banque Nationale Gestion de patrimoine

« Il ne faut pas se décourager, même si cet effort de rattrapage d’épargne-retraite risque d’avoir un impact significatif sur les priorités budgétaires durant les années avant la retraite », ajoute M. Gohier. À quel point significatif ?

« Tout dépend du train de vie souhaité ou prévisible à la retraite. Par exemple, pour un récent cinquantenaire qui est à une quinzaine d’années de la retraite à 65 ans, les contributions requises pour se constituer un capital d’épargne-retraite peuvent varier d’environ 1500 $ par mois, pour un train de vie de 40 000 $ par année, jusqu’à un montant d’au moins 6000 $ par mois pour financer un train de vie de 80 000 $ par année. »

Quelques calculs

Afin d’y voir plus clair, La Presse a fait calculer par Charles-Antoine Gohier et ses collègues des montants d’actifs financiers en épargne-retraite qui seraient nécessaires à 65 ans pour soutenir différents niveaux de vie à la retraite.

Aussi, ces calculs permettent d’estimer les contributions mensuelles en épargne-retraite qui seraient nécessaires durant les 15 ans avant la retraite afin d’accumuler le capital suffisant pour le train de vie envisagé après 65 ans.

Ces calculs ont été faits sur une base individuelle avec ces caractéristiques de base :

– une personne âgée de 50 ans en 2024 qui prévoit la retraite à 65 ans ;

– une personne admissible à 65 ans aux rentes publiques aux montants maximaux prévisibles dans 15 ans (RRQ provincial et PSV fédérale, env. 28 000 $ par année) ;

– une personne sans régime de retraite d’employeur, et dépourvue d’actifs monnayables à la retraite (immobilier, placements, etc.)

Cela dit, comment faire pour renflouer l’absence d’épargne-retraite au cours des 15 prochaines années avant la retraite à 65 ans ?

En fait, rappelle Charles-Antoine Gohier, les réponses pertinentes à cette question dépendent de divers éléments du train de vie prévu à la retraite, et qui peuvent varier beaucoup d’une personne à l’autre.

Si un cinquantenaire se croit incapable d’un tel effort d’épargne afin de pouvoir financer le train de vie envisagé à la retraite dans une quinzaine d’années, il devrait déjà s’exercer à réduire son train de vie.

Charles-Antoine Gohier, chef de pratique en planification financière chez Banque Nationale Gestion de patrimoine

« Il devrait aussi se préparer à devoir décaler sa retraite après 65 ans afin de bénéficier de quelques années additionnelles de revenus d’emploi, en plus de bonifier les montants de rentes publiques [RRQ provincial et PSV fédérale] pour chaque année de report de demande après 65 ans. »

Dans le cas du RRQ provincial, par exemple, chaque année de report de demande rehausse d’un peu plus de 8 % le montant des futures rentes mensuelles qui seront versées jusqu’en fin de vie.

« C’est difficile d’obtenir pareil rendement en bonification de ses revenus de retraite avec des actifs financiers détenus dans un REER [régime enregistré d’épargne-retraite] ou un CELI [compte d’épargne libre d’impôt] », signale Christophe Faucher-Courchesne, qui est analyste en planification financière dans le groupe dirigé par Charles-Antoine Gohier à la Financière Banque Nationale.

Règles de base

Mais avant d’en arriver à un tel report de la retraite, rassure M. Gohier, il y a des règles de base en planification financière qui peuvent servir de toile de fond générale pour un cinquantenaire inquiet de ses futurs revenus de retraite.

En premier lieu, « il faut prioriser le règlement de toutes les dettes, à commencer par celles qui sont à plus haut taux d’intérêt » comme les soldes de cartes de crédit, de prêt-auto et de prêt personnel à la consommation.

En second lieu, un quinquagénaire en carence d’épargne pour son projet de retraite dans une quinzaine d’années devrait chercher à maximiser ses cotisations annuelles dans un REER pendant que ses revenus imposables d’emploi et d’autres sources approchent de leur sommet en carrière.

« C’est la meilleure façon d’optimiser le rendement du REER à long terme : cotiser au maximum de son allocation fiscale et de sa capacité d’épargne afin d’en optimiser les crédits d’impôt durant les années de travail à revenu imposable plus élevé, résume Charles-Antoine Gohier.

« Et une fois rendu à la retraite, on peut échelonner les retraits du REER – qui sont imposables – en fonction des autres revenus de façon à minimiser son taux d’imposition sur l’ensemble de ses revenus. »

Quant au CELI, M. Gohier estime qu’il s’agit aussi d’un bon moyen pour un cinquantenaire de renflouer son épargne-retraite encore déficiente à une quinzaine d’années de la retraite.

Mais comme l’avantage fiscal du CELI se résume à l’exemption d’impôt sur le rendement et l’appréciation des actifs détenus en CELI, M. Gohier considère qu’il s’agit d’une seconde priorité d’épargne après avoir optimisé les cotisations au REER.

« Après l’exemption d’impôt sur le rendement, le CELI a l’avantage particulier d’être plus flexible que le REER quand vient le temps d’effectuer des décaissements en guise de revenus d’appoint à la retraite, et qui ne seront pas comptabilisés comme des revenus imposables comme le seraient les retraits du REER », résume Charles-Antoine Gohier.

« C’est donc à considérer de façon individuelle en fonction du train de vie souhaité et de l’ensemble des revenus anticipés à la retraite. »