Lorsque son partenaire de vie décide de rompre subitement, c’est souvent tout son monde qui s’écroule. En plus que l’on soit pris dans un tourbillon d’émotions, les questions financières arrivent rapidement. Surtout si ses arrières n’ont pas été bien protégés lorsque tout allait bien. Mais c’est étape par étape qu’on s’en sort.

La situation

Gilles* est tombé des nues lorsque sa conjointe a décidé de le quitter après 28 ans de vie commune, dont 7 en union civile sans qu’ils aient préalablement fait le bilan de leurs avoirs respectifs ni signé de contrat. Alors qu’il s’est toujours senti privilégié, il est maintenant rongé par le stress financier. Il ne sait pas ce qui lui arrivera considérant que son revenu annuel est plus important que celui de son ex-conjointe.

Comme ils ont deux enfants adultes, encore aux études, Gilles se demande aussi s’il devra payer une pension alimentaire. Puis, il se questionne à savoir s’il devrait racheter la moitié de la maison à sa conjointe. Alors qu’il a 58 ans, il se préoccupe également de sa retraite. Enfin, il tente d’évaluer son nouveau budget mensuel et de déterminer s’il sera soutenable. « C’est elle qui gérait tout », précise Gilles, désemparé.

Les chiffres

Âge : 58 ans

Enfants : deux adultes encore aux études

Maison : valeur de près de 700 000 $ avec prêt hypothécaire de 90 000 $

Régime enregistré d’épargne-retraite (REER) : 275 000 $, dont 110 000 $ datent d’avant l’union civile

Régime de retraite agréé (RRA) : 143 000 $, dont 15 % a été acquis avant l’union civile

Revenu annuel : environ 185 000 $, variant légèrement selon le bonus annuel

Coût de vie mensuel estimé : 5000 $, plus les frais liés la séparation, comme ceux de l’avocat et du notaire

Assurance vie : une de son employeur qui couvre son salaire annuel et qui le double en cas d’accident de travail, de même qu’une de 100 000 $

L’union civile

D’abord, Hadi Ajab, planificateur financier indépendant et représentant en épargne collective rattaché à Services en placements PEAK, tient à féliciter Gilles d’avoir eu le courage de demander de l’aide. « Et je l’encourage à continuer parce qu’il en aura besoin pour bien prendre soin de lui dans cette période difficile, que ce soit au niveau financier, juridique ou psychologique », indique-t-il.

L’expert souligne en premier lieu l’importance, lorsqu’on fait vie commune, de prévoir ce qui se passera si jamais une séparation survient. « C’est plus facile et plus simple pour tout le monde de déterminer des paramètres clairs lorsque les deux personnes ont une relation harmonieuse, explique Hadi Ajab. Mais, dans le cas de Gilles, c’est moins compliqué de retrouver ses données financières du début de leur union civile il y a 7 ans que si elle avait eu lieu il y a 28 ans. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Hadi Ajab, planificateur financier indépendant et représentant en épargne collective rattaché à Services en placements PEAK

Malgré certaines particularités, l’union civile est comparable au mariage dans le sens que les droits et obligations sont les mêmes pour les conjoints, notamment en matière de patrimoine familial, de pension alimentaire et d’héritage. D’ailleurs, l’union civile a été créée au Québec en 2002 alors que le mariage n’était pas accessible aux conjoints de même sexe pour leur offrir une protection pratiquement équivalente. « Avec l’union civile, on parle de dissolution et non de divorce comme avec le mariage », précise Hadi Ajab.

Comme ils n’ont pas choisi de régime matrimonial, c’est celui de la société d’acquêts qui s’applique. « Ce régime privilégie le partage de la valeur nette des biens accumulés pendant l’union, appelés acquêts, tout en permettant à chacun d’exclure certains actifs, appelés biens propres, comme un héritage, un don, ou des biens acquis avant l’union », explique le planificateur financier.

Mais, peu importe le régime matrimonial, les règles liées au partage du patrimoine familial ont préséance. « Tous les biens qui ont été utilisés pour répondre aux besoins de la famille pendant les années de l’union civile, comme la résidence, et ce, même si elle est au nom de seulement un des deux, les meubles et le véhicule en font partie, énumère Hadi Ajab. Mais il faut penser aussi aux régimes de retraite, aux REER, au Régime de rentes du Québec (RRQ). »

Ensuite, il faudra regarder la société d’acquêts. « Par exemple, indique-t-il, un compte d’épargne libre d’impôt (CELI) ne fait pas partie du patrimoine familial, mais dépendamment de leur provenance, les cotisations qui ont été faites pendant les années de l’union civile feront partie des acquêts. »

Les biens et les pensions alimentaires

Ainsi, Gilles et son ex-conjointe se retrouveront avec chacun une liste de différents biens et de leur valeur marchande qu’ils devront partager avec l’autre, ainsi que les dettes qui s’y rattachent. « Ils sépareront la valeur marchande des biens, moins les dettes qui ont permis de les acquérir, de les entretenir ou de les améliorer, précise Hadi Ajab. Donc, quand on saura combien madame doit à monsieur et combien monsieur doit à madame, on arrivera à un montant net qu’un des deux devra verser à l’autre. »

Gilles souligne aussi sa crainte de devoir payer une pension alimentaire. « En effet, comme il précise que son revenu est beaucoup plus élevé que celui de madame, il est possible qu’il ait un montant périodique à lui verser, ou une somme fixe, indique le planificateur financier. Le tout est évalué en fonction des besoins et de la situation des ex-conjoints, de même que du nombre d’années qu’a duré l’union civile. »

Il ajoute que pour les enfants, il est aussi possible qu’une pension alimentaire doive leur être versée même s’ils sont majeurs pour combler leurs besoins essentiels étant donné qu’ils sont encore aux études.

La maison, la retraite et la succession

C’est donc tout un travail qui doit être fait avant de pouvoir regarder l’avenir financier de Gilles. « Je l’invite à y aller étape par étape, indique M. Ajab. D’abord, il doit faire son budget actuel et considérer les dépenses associées à la dissolution, comme les frais d’avocat et de notaire. Puis, il doit savoir ce qui lui restera une fois le partage des biens réalisé avec son ex-conjointe. »

Ensuite, il devra décider de ce qu’il fera de la maison. « Considérant son revenu et le fait que la maison est déjà en grande partie payée, si son crédit est bon, il ne devrait pas avoir de difficulté à se qualifier pour le prêt hypothécaire, évalue le planificateur financier. Mais ce n’est pas qu’une question financière. Il devra aussi se demander s’il a envie de continuer d’y habiter, ou s’il préfère la vendre et repartir à neuf. »

Une fois que ces étapes seront derrière lui, il pourra planifier sa retraite. « Par exemple, pourra-t-il la prendre bientôt, ou devra-t-il retarder son projet, ou épargner davantage afin de la prendre à l’âge souhaité ? Ce sera à voir. »

Gilles devra aussi penser à sa succession. D’abord, il a ses assurances vie. « Il devra vérifier ses bénéficiaires, car la dissolution de l’union civile rend caduque toute désignation du conjoint », précise le planificateur financier.

Il ajoute que Gilles devra mettre à jour son testament et son choix de liquidateur, de même que son mandat de protection. « Il doit penser à qui s’occupera de lui et de ses finances si quelque chose lui arrive », précise Hadi Ajab.

Tous ces éléments sont bien sûr complexes. « C’est pourquoi il sera important que Gilles se fasse accompagner par des professionnels, ajoute-t-il. C’est comme ça qu’étape par étape, il finira par voir la lumière au bout du tunnel. »

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, le prénom utilisé est fictif.

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