Depuis la faillite de la Silicon Valley Bank et la chute brutale de l’action de Credit Suisse, on assure aux épargnants sur toutes les tribunes que le système bancaire canadien est solide. Or, savez-vous lesquels de vos placements sont protégés en cas de faillite et qui s’en occupe ?

De façon étonnante, La Presse s’est heurtée à un labyrinthe en tentant d’obtenir auprès des institutions concernées des réponses à des questions de base à ce sujet. L’Autorité des marchés financiers (AMF) nous a d’abord dirigée vers le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), qui, lui, a dit de nous adresser à la Société d’assurance-dépôts du Canada (SADC), tandis que le secrétariat des Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) a redirigé La Presse vers le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) et l’Autorité des marchés financiers (AMF). Retour au point de départ. L’AMF et la SADC ont finalement communiqué des informations par courriel.

Antoine Chaume, planificateur financier et conseiller en gestion de patrimoine chez Assante Capital Ltée Équipe Major, a finalement débroussaillé pour nous les assurances, les montants et les différents organismes qui interviennent dans le cas « peu probable d’une faillite », doit-on le rappeler.

Suis-je protégé seulement jusqu’à 100 000 $ comme on l’entend souvent ? Non.

L’AMF protège les dépôts faits auprès de chacune des caisses Desjardins du Québec et de la Fédération des caisses Desjardins du Québec. La SADC s’occupe des banques et des institutions financières fédérales.

Les dépôts sont assurés jusqu’à 100 000 $ par catégories de dépôt.

Les 8 catégories de dépôt

  • Comptes non enregistrés (compte d’épargne, compte chèques, compte d’opérations, dépôt à terme ou certificat de placement garanti ou CPG)
  • Régime enregistré d’épargne-retraite (REER), compte de retraite immobilisé (CRI)
  • Compte d’épargne libre d’impôt (CELI)
  • Régime enregistré d’épargne-études (REEE)
  • Régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI)
  • Fonds enregistré de revenu de retraite (FERR), fonds de revenu viager (FVR)
  • Dépôts conjoints
  • Dépôts faits en tant que fiduciaire ou administrateur du bien d’autrui

Le client d’une succursale bancaire ou d’une caisse qui possède chacune des catégories de dépôt pourrait donc être assuré pour un total de 800 000 $. Si le client possède les huit catégories dans deux institutions différentes, il est assuré jusqu’à 1 600 000 $.

Suis-je assuré pour mes fonds communs de placement ? Ça dépend où.

Les actions, fonds communs de placement, fonds négociés en Bourse, obligations, bons du Trésor, cryptoactifs et cryptomonnaies ne sont pas inclus dans la protection de l’AMF ni dans celle de la SADC.

En revanche, ils sont assurés jusqu’à 1 million de dollars lorsqu’ils sont achetés chez votre courtier en valeurs mobilières inscrit à l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM).

À titre d’exemple, BMO Nesbitt Burns, BMO Ligne d’action, Valeurs mobilières Desjardins, B2B Banque Service de valeurs mobilières, Financière Banque Nationale, Valeurs mobilières Crédit Suisse (Canada) et Gestion de capital Assante ltée en sont membres.

Si le courtier membre devient insolvable, vos placements sont assurés par le Fonds canadien de protection des investisseurs (FCPI), connu sous le nom de Fonds canadien de protection des épargnants (FCPE) jusqu’au 1er janvier dernier.

La question à 1 million de dollars : pourquoi les fonds communs de placement sont-ils assurés jusqu’à 1 million de dollars lorsqu’un client les achète chez un courtier en valeurs mobilières, mais pas à sa succursale bancaire ? Cette situation laisse à penser qu’il vaut mieux acheter ses fonds communs chez un courtier en valeurs mobilières. Aucune des institutions contactées n’a voulu s’avancer. « Je n’ai pas la réponse à votre question. Notre champ d’expertise et notre mandat se limitent aux dépôts chez nos institutions membres », soutient par courriel le porte-parole de la SADC.

Sans surprise, les cryptoactifs ne sont pas couverts.

Chacun des comptes de retraite enregistrés (REER, FERR, FRV), des comptes généraux (CELI, comptes au comptant et sur marge) et les régimes enregistrés d’épargne-études (REEE) sont garantis jusqu’à 1 million de dollars. Ce qui peut signifier une couverture de 3 millions de dollars pour le client qui a ces trois comptes.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Antoine Chaume, planificateur financier et conseiller en gestion de patrimoine chez Assante Capital Ltée Équipe Major

« La garantie ne protège pas contre l’insolvabilité du produit final dans lequel on investit. Ça vient protéger l’insolvabilité du courtier qui est la courroie de transmission », explique Antoine Chaume.

« On ne parle pas d’une perte de valeur marchande, précise-t-il. On parle d’une insolvabilité de la firme avec laquelle on travaille. »

Si tu fais un mauvais choix d’investissement soit par méconnaissance, soit parce que c’est une fraude, ce n’est pas la responsabilité du FCPI. Le Fonds n’est pas responsable si la valeur marchande du placement est plus basse.

Antoine Chaume, planificateur financier et conseiller en gestion de patrimoine chez Assante Capital Ltée Équipe Major

Suis-je assuré pour mes CPG ? Parfois oui, parfois non.

La situation est ici inversée : les CPG ne sont pas assurés quand vous les achetez chez votre courtier en valeurs mobilières avec qui vous avez un compte. Ni pour les comptes de courtage en ligne.

« Disnat et Market Q ne sont pas membres de la SADC. En ce qui concerne les produits financiers offerts sur Disnat ou Market Q, seuls les CPG émis par des institutions membres bénéficieraient de la protection de la SADC », indique Mathieu Larocque, de la SADC.

Les CPG sont protégés jusqu’à 100 000 $ lorsqu’ils sont achetés dans les caisses Desjardins du Québec et de la Fédération des caisses Desjardins du Québec, ou encore dans les 86 institutions membres de la SADC, que ce soit les banques, des sociétés de fiducie et de prêt et des coopératives de crédit fédérales.

Le CPG est un produit qui peut être détenu notamment dans un REER, un CELI et un REEE.

« Cela signifie qu’un déposant peut bénéficier d’une protection bien supérieure à 100 000 $ auprès d’une seule institution, et qu’il peut encore accroître sa protection en plaçant des dépôts assurables auprès de n’importe quelle autre institution membre », précise par courriel Mathieu Larocque, de la SADC.

« Ainsi, un déposant détenant un CPG de 100 000 $ dans un compte d’épargne de base et un solde de 100 000 $ dans un REER serait assuré jusqu’à concurrence de 200 000 $. Toutefois, si un déposant détient deux CPG de 100 000 $ – de la même institution membre – dans un REER, il serait assuré à hauteur de 100 000 $ puisque les deux types de dépôts appartiennent à la même catégorie et sont à la même institution », explique par courriel Mathieu Larocque.

« Dans cet exemple, le particulier pourrait augmenter son niveau de protection à 200 000 $ en plaçant le deuxième CPG de 100 000 $ dans une autre institution membre », précise-t-il.

Un consommateur pourrait donc détenir 10 CPG de 100 000 $ dans 10 institutions différentes et avoir une couverture de 1 million de dollars.

Depuis ce samedi 1er avril, les dépôts dans le compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP) bénéficient aussi d’une protection distincte pouvant aller jusqu’à 100 000 $.

En cas de faillite, vais-je recevoir un chèque ? Pas tout à fait.

Si une institution de son ressort fait faillite, l’AMF remboursera les dépôts protégés, écrit-elle sur son site, dans les sept jours ouvrables suivant la faillite.

Toutefois, l’AMF exige des institutions québécoises qu’elles se dotent d’un plan de redressement en vue d’une éventuelle crise majeure et ce plan contient entre autres les stratégies que les institutions mettraient en œuvre pour continuer leurs activités et demeurer viables, le cas échéant, indique l’AMF par courriel.

Tout comme le font les autres régulateurs d’institutions systémiques, les interventions visent à éviter la faillite puisqu’une telle situation dépasserait la capacité à rembourser la totalité des sommes en jeu.

Sylvain Théberge, porte-parole de l’AMF

« Le remboursement des dépôts assurés n’est qu’une des options à notre disposition », indique de son côté la SADC, qui est financée par les primes versées par ses institutions membres. En cas de faillite d’une institution, la SADC a recours à son portefeuille de placement et à son pouvoir d’emprunt.

La SADC peut également faciliter une transaction avec une autre institution financière, mettre en place une banque relais ou fournir une assistance financière.

Dans de tels scénarios, l’institution membre continuerait à fonctionner et les déposants continueraient à avoir accès à leur épargne.

« Depuis 1967, il y a eu 43 faillites d’institutions financières au Canada, rappelle Antoine Chaume. Aucun client n’a perdu d’argent. La plupart du temps, le “ repreneur ” des activités compense les capitaux en jeu. »