Un peu à l’image du temps maussade des derniers jours, le Baromètre industriel québécois nous apprend que nos manufacturiers devront encore manœuvrer dans un contexte de morosité en 2024 parce que le ralentissement de l’activité enregistré en 2023 ne s’est pas encore estompé. Ils s’attendent à un vent de reprise pour la fin de 2024 et prévoient tout de même une bonne année 2025.

Pour la quinzième année de suite, STIQ (Sous-traitance industrielle Québec), une association qui regroupe plus de 500 entreprises multisectorielles, publie son Baromètre industriel québécois réalisé auprès d’un bassin de 2900 entreprises manufacturières qui comptent de 10 à 500 employés.

Les chiffres colligés par STIQ nous indiquent que l’activité manufacturière a enregistré un ralentissement par rapport à 2022, le PIB manufacturier ayant reculé de 0,8 % en 2023 par rapport à une hausse de 2,8 % en 2022.

Et pour la cinquième année de suite, la part du secteur de la fabrication dans l’ensemble du PIB québécois est en légère baisse. En 2019, le manufacturier représentait 13,6 % du PIB, avant de tomber à 13,1 % en 2022 et à 12,9 % en 2023.

La croissance économique québécoise très faible de 2023 (0,1 % de hausse du PIB) a donc affecté l’activité des manufacturiers et ils estiment aujourd’hui qu’avec une croissance économique attendue de seulement 0,5 % en 2024, il faudra patienter jusqu’à la fin de l’année pour entrevoir un peu de lumière.

« Mais il faut aussi relativiser, estime Richard Blanchet, PDG de STIQ. L’activité a peut-être été au ralenti, mais 55 % de nos PME manufacturières affirment avoir enregistré une hausse d’au moins 5 % de leur chiffre d’affaires en 2023. Ce n’est pas 70 % comme en 2022, mais on a quand même une majorité de PME qui affichent une belle croissance. »

En 2022, seulement 9 % des PME ont encaissé une baisse d’au moins 5 % de leur chiffre d’affaires, alors que ce pourcentage est monté à 18 % en 2023, ce qui confirme le contexte de morosité évoqué par les manufacturiers.

La hausse des taux d’intérêt et de l’inflation a affecté les entreprises manufacturières qui ont, pour la deuxième année de suite, retardé les projets d’investissement en équipements alors qu’elles ont dû augmenter leurs prix et réduire leur marge bénéficiaire.

La croissance des revenus obtenus de la vente de biens fabriqués au Québec est restée neutre en 2023, à 213 milliards, soit le même niveau qu’en 2022, mais si on tient compte de l’inflation, les revenus ont reculé de 4,5 % en 2023, alors qu’ils avaient fait un bond de 15,7 % en 2022.

Si les manufacturiers sont responsables de 85 % de la valeur totale des exportations québécoises, celles-ci n’ont progressé que de 4,4 % en 2023 pour atteindre 118,4 milliards (en dollars courants), par rapport à des hausses de 16,4 % en 2021 et de 13 % en 2022.

Gains de productivité

Le dernier Baromètre industriel québécois nous révèle une donnée franchement intéressante qui devrait remplir de joie le premier ministre François Legault ainsi que son ministre de l’Économie, les deux hommes, on le sait, étant particulièrement préoccupés par la réduction de l’écart de richesse entre les Québécois et les Ontariens.

C’est que le secteur manufacturier québécois a réalisé un sérieux rattrapage au chapitre de la productivité de son secteur d’activité par rapport au reste du Canada et plus particulièrement à l’Ontario.

En 2022, la productivité du secteur manufacturier québécois était de 66,50 $ par heure travaillée, en hausse importante de 6,9 % par rapport à 2018.

L’écart négatif de productivité des entreprises manufacturières québécoises avec le Canada est passé de 8,9 %, en 2018, à 4,5 %, en 2022, tandis que l’écart avec l’Ontario est passé de 10,5 %, en 2018, à 4,9 %, en 2022.

Ces gains de productivité n’impressionnent pas outre mesure le PDG de STIQ parce que la comparaison avec le Canada n’est pas une référence très sérieuse.

« Oui, on a fait des gains de productivité par rapport au Canada, mais le Canada est en queue de peloton dans le domaine, se classant au 18rang des pays membres de l’OCDE et bon dernier parmi ceux du G7 », observe Richard Blanchet.

Autre source d’amélioration qu’il faut souligner, les PME manufacturières québécoises ont enregistré des gains notables au chapitre du recrutement de personnel et de la rétention des effectifs, alors que le taux de chômage dans le secteur manufacturier a légèrement augmenté en 2023 en raison notamment des mises à pied réalisées dans les grandes entreprises.

En 2023, une PME sur deux a augmenté ses effectifs d’au moins 5 %, alors que 12 % ont diminué leurs effectifs d’au moins 5 %.

« Des entreprises nous signalent qu’elles reçoivent maintenant quelques CV pour des postes affichés, ce qu’elles n’avaient pas vu depuis un bon moment », explique Richard Blanchet.

En 2023, le secteur manufacturier employait plus de 441 000 salariés au Québec, ce qui représente 11,1 % des emplois de la province et 28 % des emplois manufacturiers du Canada.

En 2022, 93 % des PME manufacturières avaient moins de 100 employés et 31 % avaient moins de 5 employés ; ces petites entreprises, comme celles de plus de 500 employés, n’ont pas été retenues pour la réalisation du Baromètre.