Ceux qui riaient des magasins Dollarama et de leurs clients, à une certaine époque, sont maintenant forcés de se trouver une autre cible.

Le concept imaginé par le Montréalais Larry Rossy a fait ses preuves. Sa capacité à séduire les consommateurs continue de prendre de l’ampleur. Ses résultats financiers épatent les investisseurs les plus exigeants. L’entreprise vaut plus de 31 milliards.

Les chiffres sont sans équivoque : Dollarama profite de la hausse du coût de la vie qui a transformé la chasse aux bas prix en sport national. Ses clients sont plus nombreux.

Des études de marché montrent que le nouvel achalandage est composé de personnes dont le revenu annuel est supérieur à 100 000 $, ainsi que d’immigrés à faible revenu ou nouvellement arrivés au pays. Il faut dire que l’an dernier, 1,2 million d’immigrants se sont installés au Canada. Ce sont autant de personnes qui devaient forcément se procurer beaucoup de choses.

Nouveaux ou anciens, les clients fréquentent les Dollarama de plus en plus souvent. Résultat, le nombre de transactions a bondi dans la dernière année de 12 %.

Si on mettait bout à bout tous les articles vendus dans une année, je ne sais pas jusqu’à quel astre de la galaxie on pourrait se rendre. Mais on irait loin. Car les ventes ont bondi de 16 % pour atteindre 5,9 milliards de dollars, au cours de l’exercice clos à la fin de janvier. En supposant que le prix moyen des articles est de 3 $, on se retrouve avec une passerelle vers la Lune ou vers Mars contenant près de deux milliards de spatules, de balais et de crayons.

Cette popularité croissante a permis à Dollarama, pour la première fois de son histoire, d’engranger des profits nets de plus d’un milliard de dollars. Cela équivaut à 2,8 millions par jour. Mine de rien, c’est autant que Metro et Jean Coutu réunis.

Mais comme on le voit dans le tableau, les ventes des deux détaillants québécois sont loin d’être similaires. Traduction : les marges de profit de Dollarama sont largement supérieures à celles de Metro. Ironiquement, qui est accusé depuis plus d’un an d’ambitionner sur le dos des consommateurs ?

Ces commentaires acerbes et souvent injustifiés envers les supermarchés semblent avoir donné un bon coup de pouce à Dollarama. Sa haute direction a précisé jeudi que la catégorie de l’alimentation a été plus populaire qu’historiquement, tout comme celle des produits nettoyants.

Il faut dire que le web regorge de sites dressant le palmarès des meilleures aubaines dans l’allée de l’épicerie et que l’offre s’est beaucoup diversifiée et améliorée sur le plan de la qualité, incorporant du lait d’avoine, du quinoa et des noix.

D’ailleurs, la firme de recherche NielsenIQ constate une augmentation constante de la part de marché de Dollarama dans le secteur de l’alimentation. Tigre Géant gagne aussi du terrain, ce qui montre à quel point le contexte inflationniste a modifié les habitudes de consommation. Pas moins de 75 % des Québécois sont inquiets face à la hausse du prix des aliments.

Les choses devraient maintenant se calmer un peu. Dans les épiceries, les prix demeurent 22 % plus élevés qu’il y a trois ans, mais l’inflation s’atténue. Les fruits frais, la viande transformée et les poissons sont moins chers qu’à pareille date l’an dernier.

Dollarama a convaincu les Canadiens qu’ils faisaient de bonnes affaires en parcourant ses allées, et Desjardins vérifie si c’est exact.

Périodiquement, les prix de quelques centaines de produits sont comparés avec ceux de Walmart et d’Amazon. En mars, l’étude a démontré que Dollarama vend ses produits 45 % moins cher que Walmart et 50 % moins cher qu’Amazon, en moyenne. La statistique ne tient pas compte de la catégorie des aliments, dont les marges de profit sont beaucoup trop minces pour que de tels écarts soient possibles.

Les consommateurs peuvent quand même s’attendre à payer la nourriture 11 % moins cher chez Dollarama que chez Walmart.

L’écart s’est rétréci au cours des derniers mois, mais si l’on recule davantage dans le temps, on constate qu’il n’était « que » de 6 % en décembre 2022 et de 8 % en mars 2023. Autrement dit, Dollarama est encore plus avantageux pour le budget qu’il y a un an.

L’an dernier, une comparaison des prix entre Dollarama et Loblaws devenue virale sur les réseaux sociaux montrait que certains aliments comme le riz Ben’s Original étaient deux fois plus chers dans les magasins de l’enseigne ontarienne.

Expert de la vente au détail chez BMO, Nicholas Kim observe que la direction de Dollarama est concentrée à l’extrême (laser-focus) sur le maintien d’un écart de valeur par rapport à ses concurrents. À l’instar de ses confrères des autres institutions financières, il croit que l’entreprise montréalaise est en excellente position pour faire face à l’incertitude économique qui nous attend dans les prochains mois.

Les actionnaires partagent cet enthousiasme. À la Bourse de Toronto, le titre a bondi jeudi de 10 % à 110,37 $, un sommet historique. Depuis un an, la hausse est de 34 %.

Au printemps 2019, pendant l’assemblée des actionnaires, une dame était allée au micro pour se plaindre que la valeur de ses actions achetées 52 $ pièce avait « dramatiquement chuté », à environ 42 $. « Pourquoi est-ce qu’il y a autant de fluctuation ? avait-elle demandé. C’est un peu décourageant. Je suis un peu déçue… »

L’équipe de direction ne risque pas d’avoir à répondre à ce genre de question cette année.