La fin progressive de la subvention de 7000 $ pour les véhicules électriques était attendue. Sa facture annuelle est costaude et le gouvernement considère avoir donné l’allant nécessaire à ce marché pour lui permettre de vivre par lui-même.

La décision laisse toutefois craindre un ralentissement de ce créneau, à partir de 2027, quand la subvention tombera à zéro. Dans ce contexte, la suggestion d’Équiterre pour financer les véhicules électriques (VE) mérite qu’on s’y attarde. Je vous donne des détails pour 25 modèles de véhicules, dans quelques paragraphes, prix et gaz à effet de serre (GES) inclus.

Essentiellement, Équiterre propose d’exiger une redevance aux gros véhicules polluants et de se servir des fruits pour financer des rabais aux VE. Le coût pour les contribuables serait nul, au bout du compte.

Ce système de redevance-remise, terme équivalent au bonus-malus européen, fonctionnerait selon des paramètres inspirés du système français, selon ce que propose Équiterre.

En gros, les véhicules neufs se verraient imposer une redevance en fonction de leurs émissions de GES et de leur poids. Et inversement, les autos peu émettrices recevraient une remise, qui pourrait s’apparenter, en quelque sorte, à la subvention de 7000 $.

Le système aurait l’avantage de décourager l’achat de VUS polluants et d’encourager celui des autos peu ou pas polluantes.

J’ai jeté un œil sur le modèle français1 et, ma foi, il est typique des programmes de ce pays : fort louable, bien paramétré, mais hyper complexe. À mon avis, un tel programme doit être simple à administrer et doit donc éviter d’incorporer une forme de redistribution de revenus, par exemple en faisant varier le prix selon les revenus, le nombre d’enfants ou l’utilisation pour le travail. C’est le rôle de l’impôt sur le revenu de voir à la redistribution.

Avec cette idée en tête, j’ai analysé 12 modèles électriques, 4 modèles hybrides rechargeables et 9 modèles à essence pour voir comment pourrait s’appliquer un programme de redevance-remise au Québec. Mon unique critère : les GES émis sur la durée de vie des véhicules.

Selon les données du site d’Équiterre, les véhicules à essence représentatifs que j’ai choisis émettent 80 tonnes de GES durant leur vie de 15 ans, fabrication et énergie compris. Environ 20 % des GES sont émis à la fabrication et 80 % durant leur utilisation, avec l’essence consommée.

Parmi mes choix à essence, le champion est la Ford F150, qui tousse 107 tonnes de GES sur 15 ans et la plus frugale, la Totoya Camry Hybride, à 46 tonnes. Équiterre fait l’hypothèse d’une utilisation de 20 000 km par année2.

Les véhicules électriques émettent beaucoup moins de GES, comme on peut s’en douter (et malgré les incrédules de tout acabit). En moyenne, mes 12 modèles émettent 15 tonnes de GES sur leur durée de vie de 15 ans au Québec, fabrication et énergie comprises.

C’est 5 fois moins que les modèles à essence de ma liste. Au total, 88 % des GES sont émis à la fabrication et 12 % durant leur utilisation, avec l’énergie utilisée3.

Les 4 véhicules hybrides rechargeables de ma liste sont entre les deux, à 44 tonnes sur leur durée de vie.

Impossible d’estimer rapidement les montants globaux qui seraient collectés et remis. Néanmoins, selon ma grille d’analyse, on peut imaginer que les voitures qui émettent plus de 35 tonnes de GES paieraient une redevance, qui serait proportionnelle aux GES émis. À l’inverse, les voitures sous ce seuil recevraient une compensation.

Par exemple, au-delà du seuil de 35 tonnes, on pourrait fixer un prix de 250 $ la tonne. Ce prix avoisine ce que certains économistes considèrent comme le coût des GES pour la société.

La Ford F150 devrait ainsi payer environ 18 000 $ de redevances au moment de l’achat, la Subaru Outback, 10 500 $ et la Toyota Camry Hybride, 2700 $.

À l’inverse, les acheteurs de la Tesla Y – la plus vendue des VE – recevraient environ 5600 $, une somme semblable à celle de la Kona électrique de Hyundai. La F150 Lightning, tout électrique, mais davantage émettrice de GES, donnerait droit à 3600 $ de remise, environ.

On ne serait pas loin des 7000 $ de subventions perdues, du moins pour les modèles les plus économes. Et plutôt que de faire payer l’ensemble des contribuables, la facture reposerait sur les pollueurs.

Après tout, ce sont leurs GES qui obligent le gouvernement à prévoir une fortune pour réparer les dommages causés par le réchauffement, comme les incendies de forêt.

Ma suggestion inspirée d’Équiterre est absolument perfectible, j’en suis bien conscient. On pourrait moduler la formule selon le poids des véhicules, qui viennent user nos routes et alourdir les accidents.

On pourrait aussi diminuer le seuil des GES qui sert de calcul aux redevances et remises, dans ce cas-ci 35 tonnes, ce qui aurait pour effet d’accentuer la pression sur les véhicules gros et polluants. Et bien d’autres choses encore.

La beauté de la formule, toutefois, est qu’elle a pour effet de rétrécir considérablement l’écart de prix entre les véhicules à essence et les électriques. Par exemple, la populaire Mazda CX-30 deviendrait plus chère (43 000 $) que la Hyundai Kona électrique (40 150 $) et près de la Tesla 3 (46 700 $). La Honda Civic serait dans les mêmes eaux (37 000 $).

Les critiques diront que les voitures deviendront trop chères pour les petits budgets.

Ils diront aussi que les grosses cylindrées sont déjà pénalisées de diverses façons. Par exemple, leur facture de taxes sur l’essence est plus importante, vu leur consommation plus grande. Et la norme VZE oblige les constructeurs à assurer la disponibilité de véhicules électriques – moins rentables – sinon à acheter des crédits sur le marché, ce qui fait augmenter le prix des véhicules à essence.

Mais n’est-ce pas le transport routier qui est la principale cause du réchauffement climatique ? N’y a-t-il pas trop de voitures, comme l’a encore dit récemment Pierre Fitzgibbon ?

Et qui peut maintenant douter des énormes impacts du réchauffement, qui iront crescendo au cours des prochaines années ? Ne faisait-il pas 62 degrés à Rio, il y a quelques jours ?

1. Lisez une note sur le fonctionnement de la taxe malus sur les véhicules polluants en France 2. Consultez l’outil d’Équiterre pour comparer les impacts de deux véhicules

3. Mes choix ne sont pas scientifiques, mais l’écart de GES émis entre les VE et les voitures à essence correspond essentiellement aux principales études sur le sujet, à peu de choses près.

Lisez notre chronique « Inutiles, les véhicules électriques ?»