Pour contrer le prix du cacao qui atteint un sommet inégalé, l’industrie du chocolat a choisi de réduire subtilement le format des produits ou de reformuler les ingrédients. À Pâques, pour se faire plaisir avec des friandises chocolatées, il faudra naviguer dans les réalités amères de la réduflation et de la déqualiflation, en obtenant moins pour le même prix.

À l’approche de Pâques, les familles et les amateurs de chocolat se réjouissent à l’idée de se régaler, une tradition qui marque cette saison festive. Cependant, les célébrations cette année se dérouleront sur fond de flambée des prix du cacao, représentant un défi important pour les consommateurs, mais aussi pour toute l’industrie du chocolat.

Un défi sans précédent

Le prix du cacao a grimpé en flèche, presque 40 % plus élevé que son record précédent établi il y a 47 ans. La semaine dernière, les contrats de cacao ont atteint un niveau sans précédent de 7060 $ par tonne métrique, excédant du double le prix de novembre et surpassant les sommets historiques de 3830 $ en 2011 et de 5100 $ en 1977. Cette hausse résulte d’une combinaison de facteurs, notamment l’augmentation des cas de maladie de la gousse noire dans les régions productrices importantes comme la Côte d’Ivoire et le Ghana, qui représentent ensemble près de 60 % de la production mondiale de cacao. De plus, de fortes pluies ont perturbé le transport des fournitures vers les ports pour l’expédition, tandis que la spéculation gonfle davantage les prix.

Malgré la forte augmentation des coûts, la demande mondiale de cacao reste inébranlable, en particulier parce que la classe moyenne des marchés émergents continue de désirer des produits au chocolat. De grandes entreprises comme Barry Callebaut réagissent en achetant massivemen à l’avance, anticipant une demande continue.

Réponse de l’industrie et répercussions sur le consommateur

Les géants de l’industrie, comme Hershey et Mondelez (la société derrière Cadbury), signalent la tension des prix élevés du cacao sur leurs activités. Hershey anticipe des répercussions éventuelles sur les profits, tandis que Mondelez rapporte une baisse du volume de ventes alors que les consommateurs se serrent la ceinture. Ce scénario suggère que les fabricants de chocolat, les détaillants et les chocolatiers devront probablement refiler ces coûts accrus aux consommateurs. Cependant, la stratégie va au-delà des simples augmentations de prix.

Réduflation : l’augmentation de prix invisible

Au Canada, le phénomène de la « réduflation » a conduit à des réductions appréciables du format de plusieurs barres de chocolat et produits bien-aimés, le tout dans le but de maintenir les points de prix existants. Au cours des 12 derniers mois, des changements notables incluent la réduction des célèbres œufs Cadbury de 12,9 %, passant de 39 à 34  g ; ; la barre Toblerone, autrefois de 400 g, pèse maintenant 360 g et la barre Oh Henry ! est passée de 62,5 g à 58 g, soit une réduction de 7,2 %. D’autres friandises populaires comme les Coffee Crisp et les Chipits de Hershey ont vu leur format réduit de 10 %. L’un des ajustements les plus frappants concerne les M&M’s, dont les sacs de 1 kg ne pèsent désormais que 800 g chacun – une réduction de 20 % – avec des prix qui demeurent constants. De nombreux autres produits ont probablement subi la réduflation, signalant une stratégie répandue pour contrecarrer les pressions économiques tout en maintenant les prix stables pour les consommateurs.

Déqualiflation : une stratégie plus sournoise

Au-delà de la réduflation, l’industrie adopte également la stratégie de « déqualiflation », où les fabricants reformulent les produits avec des ingrédients moins chers pour réduire les coûts. Cette stratégie consiste à remplacer le cacao par des arômes artificiels et d’autres ingrédients nouveaux, modifiant subtilement les listes d’ingrédients sans que la plupart des consommateurs s’en aperçoivent. La déqualiflation est plus difficile à détecter et, couplée à la fin du cycle de réduflation pour la plupart des produits, elle représente un nouveau défi pour les consommateurs avertis.

La réalité amère de la consommation de cacao

La crise actuelle du prix du cacao souligne une conversation plus large sur la durabilité, la sensibilisation des consommateurs et l’avenir de la fabrication alimentaire. Même si le chocolat n’est pas essentiel à la survie, il représente une gâterie, un petit plaisir coupable pour de nombreuses personnes. Les changements en cours dans l’industrie signifient que les consommateurs doivent redoubler de vigilance et se renseigner sur leurs achats, reconnaissant qu’ils pourraient recevoir une valeur amoindrie pour le même prix, en particulier en ce qui concerne les produits à base de cacao.

Alors que nous naviguons dans cette saison de Pâques, la joie de manger du chocolat s’accompagne d’une prise de conscience accrue des complexités derrière nos friandises préférées. La situation appelle à une approche équilibrée de tous les acteurs, notamment les producteurs, les consommateurs et les décideurs politiques, pour assurer la durabilité à long terme de la production de cacao et la préservation de nos traditions chocolatières chéries face à ces défis économiques.