Peu importe la taille et le secteur de l’entreprise, l’intelligence artificielle, déployée dans une ou plusieurs fonctions, peut créer de la valeur en générant de nouvelles solutions. Pour cela, la haute direction doit créer un contexte favorable pour que des « champions » émergent au sein de l’entreprise.

C’est la conclusion de l’allocution de deux experts de la firme QuantumBlack, une filiale du groupe McKinsey, tenue lors du Festival international de l’IA à Cannes en février.

Pour Nayur Khan et Stéphane Bout, tous deux spécialistes de l’IA et partenaires au sein de McKinsey, les équipes doivent être instruites et formées pour devenir à l’aise avec l’introduction et l’utilisation de l’intelligence artificielle dans leurs fonctions. Une fois cette étape passée, de nouvelles solutions, créatives et innovantes, vont émerger.

« Le point de bascule, c’est quand les employés sont engagés et stimulés, explique Nayur Khan, alors les idées vont venir d’eux et non des têtes dirigeantes. »

Objectifs et investissement

Comment commencer ? Par où débuter ? Pour certains chefs d’entreprise, l’intelligence artificielle est un monstre à trois têtes qu’on ne sait pas maîtriser.

« Tout part d’une problématique, soutient Stéphane Bout. Le premier pas, c’est de savoir comment l’IA ou l’IA générative comme celle qui alimente ChatGPT peut soutenir la stratégie et les objectifs de l’entreprise. Il vaut mieux se concentrer sur quelques objectifs à la fois et investir massivement, entre autres en soutenant le processus d’affaires et le management. »

Il rappelle que seulement 10 % des entreprises réussissent avec succès leur virage technologique vers l’IA. Parmi celles-ci, un dénominateur commun : elles dépensent de deux à trois dollars en soutien pour chaque dollar investi dans le développement du modèle d’IA lui-même.

« Généralement, les employés qui deviennent des “champions” en IA se concentrent davantage sur l’augmentation des capacités que sur l’automatisation, ajoute-t-il. C’est ce que nous démontrent nos récents audits. »

Politiques d’entreprise

Les deux collègues parlent ouvertement des risques de l’utilisation de l’IA en entreprise. M. Khan cite le célèbre physicien Stephen Hawking : « L’intelligence artificielle sera soit la meilleure chose qui soit arrivée à l’humanité, soit la pire. »

Tous les risques et dérives potentielles doivent être évalués et pris en charge par la direction, que cela concerne le droit d’auteur, la confidentialité, la vie privée, la sécurité, les biais, la discrimination ou les nuisances de toutes sortes, énumère-t-il.

« Les politiques de l’entreprise doivent inclure la gestion et l’atténuation des risques, l’adhésion à des principes éthiques et une réglementation évolutive ainsi que la gouvernance de l’IA, dit Nayur Khan. La responsabilité doit être établie au sein de l’organisation. »

Potentiel économique

Avec plus de 500 000 modèles d’IA générative selon Hugging Face, une plateforme qui fournit des outils pour construire des modèles d’IA en libre accès (open source), non seulement la technologie va « très vite », mais elle ne cesse de s’améliorer, souligne M. Khan. C’est d’autant plus crucial de sauter dans le train, croit-il.

« 92 % des entreprises qui font partie du dernier palmarès Fortune 500 disent utiliser un produit d’intelligence artificielle générative comme ChatGPT, précise l’ingénieur informatique et chercheur. Nous croyons que le potentiel économique de l’intelligence artificielle est actuellement de 17 à 25 trillions de dollars, dont 20 à 40 % seront générés par l’IA générative. »

Quatre secteurs seront particulièrement touchés, note-t-il : les ventes et le marketing, le génie informatique, les opérations liées aux clients ou aux consommateurs et la recherche et développement. Quant aux industries, celles des hautes technologies, des ventes, des banques, du voyage et du transport, des biens de consommation ainsi que les manufactures et le système de santé risquent d’être les plus transformés par l’intelligence artificielle ces prochaines années.

« Les opportunités sont là, indique Nayur Khan. Les membres de la direction doivent comprendre quelles sont leurs barrières et ce qui les retient de se lancer, que ce soient leurs capacités, l’alignement, l’état d’esprit, la confiance ou leur gestion du risque… »