On prévoit que plus de 34 000 entreprises québécoises vont être mises en vente au cours des 10 prochaines années en raison principalement du départ à la retraite de leur fondateur-opérateur. L’ampleur de cette vague massive de transactions affectera la pérennité d’un nombre important de plusieurs de nos PME qui risquent de passer sous contrôle étranger. Il faut mobiliser les repreneurs et sensibiliser les cédants à cette réalité.

Cela fait des années que l’on voit le phénomène se dessiner et des années qu’on en parle. Le départ massif à la retraite d’entrepreneurs de la génération des baby-boomers – dont bon nombre ont activement contribué à l’édification du Québec inc., que l’on connaît aujourd’hui – allait induire une vague sans précédent de ventes d’entreprises et de transferts de propriété.

On est rendu en plein dedans, et le hic, c’est que, selon l’indice entrepreneurial québécois, seulement 4 propriétaires d’entreprise sur 10 qui se préparent à vendre ou à céder leur entreprise ont un plan de relève. Pour les six autres, on en est encore au stade de l’improvisation.

Ce qui fait que plus de 20 000 entrepreneurs ne savent pas ce qu’ils vont faire de l’entreprise à laquelle ils ont pourtant souvent consacré l’entièreté de leur vie.

« Il faut que les cédants [ceux qui prévoient vendre ou transférer leur entreprise] se posent les vraies questions, qu’ils se sensibilisent à l’importance d’assurer la pérennité de leur entreprise », observe Isabelle Leber, la PDG de l’École d’entrepreneurship de Beauce (EEB), située à Saint-Georges.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Isabelle Leber, PDG de l’École d’entrepreneurship de Beauce

L’EEB vient de se faire confier un mandat ambitieux, soit celui de former 1000 repreneurs et cédants d’entreprise au cours des cinq prochaines années. On veut mieux outiller ceux qui s’apprêtent à vendre leur entreprise tout autant que ceux qui aspirent à en acquérir une, notamment via un rachat par l’équipe de direction en place.

Ce blitz autour d’une formation accélérée en vue du rachat de PME québécoises a été amorcé par le Fonds de solidarité, qui est aux premières loges de cette réalité à titre de partenaire financier de centaines de PME québécoises qui devront opérer prochainement un changement de propriété.

« Le Fonds est venu nous voir cet été pour discuter de la faisabilité de mettre sur pied un programme pour les repreneurs, pour leur donner des outils prétransactionnels qui vont les aider dans leur démarche.

« On a créé le mouvement Propulsion repreneurship, composé d’un parcours pour les repreneurs, baptisé EntReprendre, et d’un parcours Pérenniser, qui s’adresse plus particulièrement aux cédants pour les soutenir dans la préparation de la vente de leur entreprise », résume Isabelle Leber.

Classes de maître

Depuis sa fondation en 2010, l’EEB participe à la formation et au perfectionnement d’entrepreneurs émergents (les entrepreneurs-athlètes) grâce à une équipe de plus de 150 entrepreneurs chevronnés (les entrepreneurs-entraîneurs) qui animent des ateliers et des classes de maître.

« Là, on aimerait doubler le nombre d’entrepreneurs-athlètes que l’on forme chaque année avec ce nouveau programme. On est capables de le faire », assure Isabelle Leber.

Outre le Fonds de solidarité qui s’est engagé à financer le nouveau programme à raison de 100 000 $ par année pour les cinq prochaines années, le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie accorde une subvention de 1 million pour les deux prochaines années.

« On est un OBNL, on finance nos activités avec les frais d’inscription de nos entrepreneurs-athlètes, mais là, pour favoriser un plus grand nombre de participants, on va réduire les frais du parcours EntReprendre de 2450 $ à 1550 $, et de 9500 $ à 8000 $ pour le parcours Pérenniser », précise Isabelle Leber.

Il faut noter que les séjours à l’EEB impliquent des résidences de deux jours – tous frais payés – pour les repreneurs, et de trois sessions de deux jours pour le parcours Pérenniser.

Chose certaine, les nouvelles formations intéressent déjà d’ex-entrepreneurs-athlètes qui ont fréquenté l’EEB, notamment Marie-Ève Drouin, PDG d’Interbois, une entreprise qui fabrique des moulures, des cadres de fenêtre et d’autres profilés de revêtement.

À 44 ans, la jeune PDG prépare déjà la suite des évènements. Impliquée dans l’entreprise depuis une vingtaine d’années, elle en est devenue la PDG il y a deux ans, à la suite du décès de son père, Benoit Drouin, qui avait démarré cette activité pour donner du travail aux gens du village de Saint-Odilon.

« Mon père était actionnaire, mais il n’a jamais opéré l’entreprise, il m’a laissée faire, j’ai tout appris sur le tas. Là, j’ai des enfants qui s’intéressent à l’entreprise. Il n’y a pas d’urgence, mais d’ici 10 ans, ça ne me prend pas juste un plan de relève, mais un plan qui soit déjà en marche », tranche la PDG.

Elle qui a déjà fait les parcours d’entrepreneur-athlète à l’EEB va participer au parcours Pérenniser, parce qu’il n’est pas question pour Marie-Ève Drouin de laisser tomber les 130 employés du village de Saint-Odilon qui travaillent à l’usine.