Réformer l’assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA) pour une agriculture durable et sortir l’industrie de sa dépendance comme d’une drogue doit devenir une priorité.

Si mes calculs sont exacts, l’ASRA aura versé au cours de la dernière année plus de 240 millions de dollars aux producteurs de porcs du Québec, dont les deux tiers proviennent des contribuables. Et ce n’est pas tout. Avec la nouvelle formule adoptée par le programme pour faire face à la crise dans le secteur, cette somme risque d’augmenter dans les années à venir. Le schéma est simple : augmenter les frais de service, appelés dans le jargon de l’industrie les « cotisations spéciales », pour réduire les marges et ainsi augmenter le soutien du programme basé sur la différence entre le revenu de marché des producteurs et leurs coûts. C’est devenu une dépendance coûteuse, financée en partie par les contribuables québécois. L’ASRA est devenue un problème, un gros.

Initialement conçue pour soutenir les exploitations familiales avec une limite de 5000 porcs par année par entreprise, l’ASRA a vu cette limite totalement levée en 1992. Cette modification a permis aux grandes entreprises intégrées de bénéficier largement du programme, entraînant une croissance industrielle soutenue par d’importantes subventions publiques.

L’extension de l’ASRA à tous les producteurs de porcs, sans limitation de volume, a eu un impact direct sur les finances publiques. Certaines années, les coûts combinés du programme ASRA et des aides aux grandes cultures ont absorbé la totalité du budget du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) destiné au soutien agricole, laissant peu de marge pour d’autres initiatives.

Le programme a encouragé l’élevage porcin intensif et la monoculture maïs-soja, entraînant des conséquences environnementales négatives. Il a également découragé l’innovation et la diversification agricoles, car les subventions étaient orientées vers certaines productions au détriment d’autres, plus novatrices ou durables. Des entreprises comme duBreton qui travaillent dans le biologique et valorisent le bien-être animal se sentent abandonnées par ce modèle prédominant.

Un autre problème est que la structure de l’ASRA a créé une industrie très dépendante des marchés d’exportation, vulnérable aux fluctuations internationales. De plus, en indemnisant les producteurs indépendamment des prix en vigueur sur le marché, le programme les a isolés des signaux économiques, décourageant ainsi l’adaptation et l’innovation.

La garantie des coûts de production a encouragé une augmentation de l’endettement dans toute la filière, les entreprises comptant sur les compensations de l’ASRA pour maintenir leur activité économique. Une dépendance difficile à briser, comme une drogue.

Les critiques portent notamment sur la nécessité de réformer l’ASRA pour encourager une agriculture plus durable, diversifiée et moins dépendante des aides publiques, tout en étant mieux alignée sur les signaux du marché et les enjeux environnementaux actuels.

Pour relever les défis auxquels doit faire face le secteur porcin québécois, des solutions structurantes et à long terme sont proposées, destinées à rétablir le lien entre la production et le marché, à encourager une transition vers des pratiques plus durables et à stimuler l’innovation.

Il est crucial de développer une stratégie permettant aux producteurs de répondre de manière rentable et durable à la demande du marché. Cette approche nécessite de surmonter les défis posés par les relations parfois tendues entre les différents acteurs de l’industrie.

Les politiques actuelles, notamment l’ASRA, doivent être revues pour permettre aux producteurs de mieux comprendre les signaux du marché.

Une nouvelle politique devrait favoriser le développement de capacités de transformation à une échelle plus réduite et régionale, soutenir la diversification des productions et des modèles d’entreprise, stimuler l’innovation en matière de produits, de méthodes de production, de transformation et d’approches environnementales, et étendre les bénéfices des aides à toutes les régions.

Il est proposé de favoriser et de soutenir le développement d’entreprises de transformation à une échelle plus réduite et régionale, répondant à la demande croissante de produits caractérisés tels que les niches, les produits du terroir, le bio, etc. Cela contribuerait à dynamiser certaines régions et à compléter l’offre sur les marchés. Encourager une diversification des productions et des modèles de production est essentiel. De nombreux producteurs se sont tournés vers l’élevage porcin faute d’accès à d’autres types de production ou de soutien pour des initiatives innovantes. Il est donc suggéré de stimuler l’innovation dans les produits, les méthodes de production et de transformation, ainsi que dans les approches environnementales.

Enfin, une proposition spécifique vise à réduire la production de porcs de 25 % de manière stratégique, en commençant par les naisseurs, pour faire face aux surcapacités actuelles et aux défis du marché. Cette mesure peut être douloureuse, mais elle est nécessaire.

Ces solutions visent à créer un secteur porcin québécois plus résilient, capable de s’adapter aux demandes du marché tout en étant socialement responsable et respectueux de l’environnement. Leur mise en œuvre nécessite une forte volonté politique et la collaboration de tous les acteurs concernés.