Entrevue avec le PDG de Northvolt Amérique du Nord, Paolo Cerruti

Quatre mois après l’annonce officielle du lancement de son projet de méga-usine de 7 milliards, Northvolt a pu reprendre les travaux de déboisement après une courte interruption, mais son PDG pour l’Amérique du Nord, Paolo Cerruti, se dit surpris d’avoir été injustement attaqué sur les valeurs fondamentales que défend son entreprise. Il compte remettre la mission de Northvolt au centre du message.

« C’est la première fois qu’on est ainsi attaqués sur notre engagement environnemental. Notre mission est d’accélérer la sortie d’une société dépendante aux énergies fossiles en voulant fabriquer la batterie la plus verte au monde », m’a expliqué jeudi Paolo Cerruti.

Le PDG pour l’antenne nord-américaine de l’entreprise suédoise a demandé à me rencontrer parce qu’il souhaitait réaffirmer son engagement à faire du Québec un pôle de développement de la transition énergétique mondiale, malgré le fait que Northvolt a fait les manchettes au cours des derniers mois pour son manque de sensibilité environnementale.

« La réaction de certains environnementalistes nous a pris par surprise. On s’implante à McMasterville sur un site de 170 hectares qui a une lourde histoire industrielle de 120 ans et qui a été laissé à l’abandon.

« On a payé 5 millions pour la disparition de 13 hectares de milieux humides et on s’engage à restaurer de 30 à 50 hectares de terrains dans la région pour compenser l’abattage d’arbres sur le site. On a suivi toutes les directives gouvernementales », estime le PDG.

Paolo Cerruti rejette d’un revers de main l’argument qui veut que Québec ait modifié sa réglementation pour que le projet Northvolt échappe à une étude du BAPE.

« Ce règlement a été modifié avant nos tout premiers échanges avec Québec. On n’a rien eu à voir là-dedans. On a un projet dans lequel convergent trois grandes problématiques : l’émergence climatique, l’aménagement du territoire et l’intervention de l’État dans le développement d’une nouvelle filière industrielle. Ça fait beaucoup et il faut que les gens décantent tout cela », évalue le PDG.

Est-ce qu’il regrette d’avoir choisi le Québec pour implanter son usine qui aurait pu s’installer dans les États américains de New York ou du Michigan ?

« On regrette les distractions, mais pas d’être au Québec qui est un actionnaire de Northvolt et qui a comme nous tout intérêt à ce que le projet réussisse. L’énergie à zéro émission carbone du Québec va nous permettre d’avoir une batterie à trois fois moins d’intensité carbone que les batteries asiatiques et qui deviendront à dix fois moins d’intensité carbone en 2030 », anticipe Paolo Cerruti.

L’urgence d’agir

N’empêche, plusieurs observateurs s’interrogent sur l’urgence qu’invoque Northvolt pour aller de l’avant avec son projet comme s’il y avait pressurisation du temps.

« Il y a effectivement une urgence d’agir parce qu’il y a une coïncidence de marché qu’il faut respecter. Notre gros client américain d’amorçage – qu’on ne peut pas nommer pour ne pas mettre en péril ses approvisionnements – souhaite qu’on entre en production en 2027 et pour ça il faut commencer à fabriquer des cellules dès l’été 2026 », explique Paolo Cerruti.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Terrain de la future usine de Northvolt, en Montérégie

Si Northvolt rate cette fenêtre d’opportunité, l’entreprise risque de laisser le marché aux fabricants asiatiques qui ont inventé les batteries ion-lithium il y a une trentaine d’années pour le marché électronique grand public. D’abord créées par les Japonais, avant d’être reprises par les Coréens et les Chinois.

Est-ce que Northvolt a subi le même genre de pression lors de son implantation en Suède ou plus récemment en Allemagne ?

« Non, pas du tout. On a eu droit à des ovations lorsqu’on a annoncé notre implantation à Skellefteå, dans le nord de la Suède, tout comme on a été très bien reçus à Hambourg, en Allemagne », souligne le PDG.

Comment se fait-il que Northvolt ait accepté de construire une usine de cellules de batteries en Allemagne avec une participation financière de l’État allemand de seulement 1,3 milliard contre plus de 2,7 milliards au Québec ?

Au Québec, on construit une usine de matériaux de cathode, une usine de cellules de batteries et une usine de recyclage. En Allemagne, c’est seulement une usine de cellules de batteries. Les cathodes vont être fabriquées en Suède.

Paolo Cerruti, PDG de Northvolt Amérique du Nord

Un journal financier suédois, rapportait jeudi Le Journal de Montréal, avance que Northvolt a essuyé une perte de 1,4 milliard au cours des neuf premiers mois de 2023, est-ce que l’entreprise est menacée ?

« On est en montée de puissance. Notre usine de Skellefteå a commencé en 2023 la fabrication de cellules de batteries, on va investir encore dans nos usines. Si on était en péril, on n’aurait pas levé 5 milliards US il y a deux semaines et 1,5 milliard US il y a quelques mois.

« Tesla a mis 13 ans avant de livrer ses premiers bénéfices. Il faut relativiser. Au Québec, on prévoit fabriquer nos premières cellules de batteries à l’été 2026 pour devenir pleinement opérationnel à l’été 2027 », signale le PDG qui vient tout juste d’acheter une maison à Montréal où il a déménagé avec sa femme, laissant ses trois enfants adultes en Europe.

Northvolt a organisé la semaine dernière trois jours de rencontres avec les grandes sociétés de construction québécoises et canadiennes pour mieux les connaître en vue de prochains appels d’offres.

L’entreprise compte 65 employés et devrait terminer l’année avec 250 personnes principalement en gestion de projet parce que Northvolt va rester le maître d’œuvre du chantier de McMasterville et Saint-Basile-le-Grand.