Les PDG canadiens sont plus pessimistes que leurs homologues mondiaux quant aux perspectives économiques pour l’année qui s’amorce, mais ils sont plus enclins que ces derniers à utiliser l’intelligence artificielle générative pour assurer la pérennité de leur entreprise à moyen terme, malgré les risques que cette voie implique.

Voilà deux des grandes constatations qui émergent de la dernière enquête annuelle que réalise PwC auprès des grands PDG du monde entier. Pour cette édition 2024, la firme comptable a interrogé plus de 4700 chefs de direction dans 150 pays, dont 114 au Canada.

J’aime bien cette enquête annuelle mondiale que réalise PwC parce qu’elle permet de comparer les attentes des PDG canadiens par rapport à celles de leurs semblables du monde entier, ce qui nous permet de mieux comprendre ce qui les distingue et les caractérise.

Ce sont 55 % des chefs de direction canadiens qui prévoient une baisse de la croissance économique intérieure cette année, contre 37 % seulement des PDG mondiaux qui appréhendent pareil scénario dans leur pays.

Il faut souligner que l’an dernier, le consensus avait été plus grand à l’échelle planétaire, alors que 76 % des chefs de direction canadiens et 73 % des PDG mondiaux prévoyaient une dégradation des conditions économiques de leur pays.

Ce pourcentage de pessimisme élevé s’est d’ailleurs avéré dans la réalité à peu près partout dans le monde. Au Canada, la croissance économique s’est même contractée durant le 3trimestre de 2023 avant, a-t-on appris mercredi, qu’elle entreprenne une légère remontée surprise au 4e trimestre.

Mais pourquoi les chefs de direction canadiens perçoivent-ils leur environnement économique de façon plus négative que les PDG du reste du monde ?

Selon Nochane Rousseau, vice-président et associé directeur, région du Québec et de l’est du Canada de PwC Canada, les PDG canadiens considèrent que le contexte économique canadien sera plus impacté en 2024 qu’ailleurs dans le monde en raison de l’affaissement du taux d’épargne des consommateurs et de leur revenu disponible.

« La hausse des taux d’intérêt va encore affecter le taux d’épargne des consommateurs canadiens qui vont affronter un mur de renouvellements de prêts hypothécaires en 2024 et 2025, des gens qui ont contracté des prêts à très faible taux devront les renouveler avec des hausses importantes », souligne M. Rousseau.

Les PDG canadiens comme ceux de partout dans le monde sont inquiets des nombreux conflits géopolitiques et de l’incertitude électorale globale qui va régner cette année alors que la moitié de l’humanité va vivre une élection en 2024.

Mais le pessimisme des PDG canadiens s’est amplifié cette année par rapport à la viabilité de leur entreprise à plus long terme alors que 32 % des dirigeants affirment se demander si leur organisation sera encore viable dans 10 ans, contre 45 % des PDG mondiaux. L’an dernier, le pourcentage des PDG canadiens incertains quant à la sérénité de leur organisation n’était que de 24 %.

Pessimisme et risques

Le pessimisme des PDG est largement attribuable, selon Nochane Rousseau, aux bouleversements climatiques qui se font sentir violemment et de façon de plus en plus fréquente dans la vie des entreprises.

On n'a qu’à penser aux incendies de forêt qui ont terrorisé des régions entières du Québec l’été dernier ou aux multiples épisodes d’inondations qui surviennent de façon soudaine aux quatre coins du pays.

PwC a voulu savoir comment les PDG entendent réinventer leur entreprise pour leur permettre de durer dans le temps et à quel point l’IA générative – capable de générer du texte ou des images – allait leur être utile pour atteindre cet objectif.

Les PDG canadiens sont plus nombreux que les PDG mondiaux à avoir commencé à utiliser l’IA générative, à 36 % contre 32 %, et leurs appréhensions diffèrent de celles de leurs semblables mondiaux.

En effet, seulement 14 % des PDG canadiens estiment que l’IA va entraîner une réduction de leurs effectifs au cours de l’année contre 25 % chez les répondants mondiaux.

« On a des hubs importants en IA générative au Canada et à Montréal en particulier. Nos PDG sont plus sensibilisés aux gains qu’elle peut générer en matière de revenus, mais surtout en réduction de coûts. Ils sont plus nombreux à l’adopter », observe Nochane Rousseau.

L’IA générative va donc, selon 60 % des PDG canadiens, changer la façon dont leur entreprise crée, livre et capte de la valeur dans les années à venir, et déjà 29 % prévoient qu’elle va permettre d’augmenter leurs revenus dès cette année.

Toutefois, le défi de l’intelligence artificielle ne suscite pas que des espoirs de rentabilité accrue et de meilleure productivité pour les PDG canadiens : sa plus grande utilisation va augmenter sensiblement les niveaux de risques dans l’entreprise.

Ainsi, 66 % des chefs de direction canadiens s’attendent à ce que les risques liés à la cybersécurité augmentent dans leur entreprise, 52 % entrevoient des risques de désinformation et 47 % sont d’avis que la responsabilité juridique et la réputation de leur organisation pourraient être mises à l’épreuve.