Pourquoi le consortium Mobilité de la Capitale, dernier en lice, a-t-il été contraint d’abandonner le projet de tramway de Québec ? Cette question, fondamentale, m’a turlupiné dès l’annonce du maire de Québec, mercredi matin.

En fouillant, j’ai fini par avoir des détails intéressants à ce sujet, de très bonnes sources. Selon mes informations, le consortium a jeté l’éponge parce qu’il n’est pas parvenu à obtenir le financement requis pour un projet de cette envergure, estimé à plusieurs milliards de dollars.

Dans tout projet de construction, faut-il savoir, les entrepreneurs doivent obtenir une caution de la part d’institutions financières, qui requiert des entrepreneurs de fournir des actifs en garantie. La caution permet au client – ici la Ville de Québec – de s’assurer que le projet sera achevé advenant que le consortium devienne incapable de terminer, par exemple en cas de faillite.

Or, le consortium Mobilité de la Capitale, formé de Pomerleau, du groupe français Vinci et de la firme de construction EBC, ne serait pas parvenu à obtenir cette caution.

Cinq institutions se sont mises ensemble pour cautionner le projet, dont Intact Assurances, selon mes informations. Le groupe aurait jugé que l’entreprise Pomerleau, entre autres, ne pouvait pas fournir suffisamment d’actifs en garantie pour ce mégaprojet, compte tenu de son imposant carnet de commandes, qui nécessitent chaque fois une caution.

La Ville de Québec estime maintenant la facture du projet de 19 km à 8,4 milliards de dollars, alors qu’elle était de 4 milliards l’an dernier et de 3,4 milliards en 2021. Les deux tiers du projet sont pour la partie infrastructure, sur laquelle Mobilité de la Capitale devait soumissionner.

Un de mes informateurs m’indique que Mobilité, avant de déposer sa soumission officielle, aurait testé un chiffre pour sa partie auprès de la Ville qui aurait fait grimper le coût global à 10,8 milliards, somme que Bruno Marchand aurait jugée trop élevée. C’est après ce test que Mobilité a jeté l’éponge, invoquant des problèmes de caution.

Il faut dire que la caution d’exécution de ce genre de contrat couvre jusqu’à 50 % de dépassement de coûts, habituellement. Une offre trop basse aurait pu excéder plus rapidement le seuil jugé critique, selon ma compréhension.

Le consortium Mobilité avait travaillé ardemment depuis un an. En mettant fin au processus, la Ville de Québec doit d’ailleurs lui verser 14 millions de dollars. En revanche, elle peut utiliser tous les documents qui émanent de ces travaux.

Le gouvernement du Québec s’était engagé à assumer 55 % de la facture du projet, contre 36 % pour le fédéral et 9 % pour la Ville. Le gouvernement du Québec s’est toutefois montré réticent à poursuivre cet engagement dans le contexte de l’inflation des coûts, alors qu’Ottawa est plus ouvert (voir le texte de Tommy Chouinard dans la section Actualités).

EBC et la Ville de Québec ne m’ont pas rappelé ou n’ont pu être joints. Quant à Pomerleau, la porte-parole Stéphanie Lassonde m’écrit que l’entreprise ne « peut pas commenter pour des raisons commerciales et confidentielles ».

À ce jour, plus de 500 millions ont été dépensés pour préparer les infrastructures souterraines du projet et l’entrée du tunnel Jean-Paul-L’Allier.

De plus, deux ententes ont été conclues à ce jour, l’une avec Alstom pour la construction des voitures et l’autre avec la firme CSinTrans pour le système d’exploitation du réseau. L’autre consortium pour les infrastructures, Modernicité, s’est retiré l’automne dernier, laissant seul Mobilité de la Capitale.

La Ville de Québec compte orchestrer elle-même les travaux et segmenter le projet en trois, rendant les bouchées moins grosses pour les soumissionnaires – et donc les cautions –, facilitant ainsi le financement. À ce jour, la Ville s’est adjoint les services de la société française Systra.

La Ville n’aurait pas elle-même à se doter d’une caution pour l’ensemble du projet, ne pouvant faire faillite. La Ville a une cote de crédit Moody’s de Aa2, la même que le gouvernement du Québec.

Bien que la Ville veuille en faire elle-même la gestion, le projet est visiblement sur la corde raide. Avec un projet de 10,8 milliards, le gouvernement du Québec devrait avancer 6 milliards de dollars, soit 3,8 milliards de plus que prévu l’an dernier.

Reste à voir ce que diront François Legault et la ministre des Transports, Geneviève Guilbault.