Notre problème, ce n’est pas la pauvreté de notre recherche et développement (R&D). Notre problème, c’est la faiblesse du marketing.

Voilà, résumée simplement, l’une des grandes conclusions d’une analyse éclairante sur les carences permanentes du Canada en matière de productivité. L’étude a été publiée le mois dernier par le respecté Institut C.D. Howe, organisme de Toronto qui soutient les recherches sur les politiques publiques⁠1.

« Après des années d’améliorations marginales de la productivité, il est temps de changer notre façon de penser. Au lieu de nous concentrer uniquement sur la R&D, nous devrions reconnaître le rôle que jouent les ventes et le marketing dans la création de grandes entreprises et miser sur des politiques et programmes axés sur ce domaine longtemps négligé », écrit l’auteur Charles Plant, consultant financier et économiste.

Selon l’étude, par exemple, les entreprises canadiennes de développement logiciel consacrent 36 % de leurs revenus à la commercialisation de leurs produits, contre 47 % pour leurs concurrentes des États-Unis.

Certes, les entreprises canadiennes dépensent davantage en commercialisation qu’en recherche et développement. Mais aux États-Unis, ce ratio de l’un sur l’autre n’est pas de 134 %, comme au Canada, mais de 212 %.

Plus encore, l’auteur constate que s’il y a un certain exode des cerveaux vers les États-Unis, il est davantage présent chez les experts en ventes et marketing que chez ceux en recherche et développement. Plus précisément, il y a 59 % plus d’experts canadiens en commercialisation qui travaillent aux États-Unis que de talents canadiens en R&D.

Selon l’analyse, ce problème de commercialisation explique pourquoi le Canada a des entreprises plus petites et moins productives qu’ailleurs dans le monde depuis de très nombreuses années.

La productivité est mesurée en divisant le produit intérieur brut (PIB) par les heures travaillées. Elle est un reflet de notre niveau de vie.

Dans son étude, l’auteur rappelle que le Canada a la plus faible croissance de la productivité des pays du G7 depuis 1970. Et parmi les pays de l’OCDE dont les données sont disponibles depuis 1970, le Canada est au 21e rang sur 23. Le classement des provinces canadiennes n’est pas évoqué, mais on sait que le Québec a de piètres résultats à long terme.

La croissance de la productivité est intimement liée à l’innovation – et donc à la R&D –, mais cette innovation est bien plus présente dans les grandes firmes que dans les petites, selon plusieurs recherches. Or, le Canada, par ses politiques publiques, a cherché à encourager l’innovation, mais en négligeant l’importance de la taille des entreprises, selon l’étude.

De fait, aujourd’hui, le Canada est le pays qui compte le moins de grandes entreprises manufacturières parmi les 35 pays industrialisés recensés. Plus précisément, il y a ici moins de 15 entreprises manufacturières de 250 employés et plus par million d’habitants, contre plus de 30 au Japon, au Danemark, en Finlande, en Suisse et en Allemagne, entre autres.

Bref, moins de grandes entreprises, donc moins d’innovations, et moins d’innovations, donc moins de productivité.

Mais pourquoi nos entreprises sont-elles plus petites ? Outre la faiblesse du marketing, l’auteur évoque divers éléments touchant aux marchés et aux capitaux.

D’abord, le marché canadien est petit et les entrepreneurs n’ont pas, d’abord, en tête d’exporter, ce qui limite leur croissance. Ensuite, nos entreprises ciblent davantage les marchés horizontaux que verticaux, comparativement à leurs pairs américains. Les marchés horizontaux s’adressent à tous, alors que les marchés verticaux visent des niches.

Enfin, nos entreprises ont un moins grand accès au capital. Ici, les anges investisseurs, qui sont essentiels dans la phase suivant le démarrage, sont au nombre de 23,1 par million d’habitants, contre 53,9 aux États-Unis.

Par la suite, dans la phase de croissance, les sommes recueillies par les entreprises sont 24 % moins importantes, en moyenne, qu’aux États-Unis. Il faut aussi plus de temps aux entrepreneurs avant d’accéder à une ronde de financement plus substantielle.

Autre constat : le Canada compte un grand nombre de firmes de capital-risque liées aux gouvernements. Ces firmes publiques ont même financé 47 % des 4678 transactions de capital-risque en 2022. En revanche, les firmes privées de capital-risque sont plus petites qu’aux États-Unis.

L’auteur Charles Plant a passé en revue les budgets fédéraux entre 2012 et 2022, et il a calculé que les mots recherche et développement apparaissent 34 fois plus souvent que commercialisation.

Bref, notre niveau de vie dépend de notre marketing, et le gouvernement ferait bien d’y voir dans sa stratégie. Point de vue intéressant, quand même !

Consultez l’étude (en anglais)