Le même groupe d’économistes fait cette analyse depuis une quinzaine d’années, essentiellement. Et pour la première fois, ceux-ci tirent une conclusion fort encourageante sur l’avenir budgétaire à long terme du Québec.

Quelle est-elle, cette conclusion ? Qu’en vertu des paramètres économiques et démographiques prévisibles, le gouvernement du Québec maintiendra une situation financière saine à long terme et même à très long terme, bref, qu’il n’y aura pas d’iniquité intergénérationnelle.

« C’est la première fois qu’on peut dire aux jeunes que l’avenir budgétaire n’empirera pas, qu’il y aura une équité entre les générations », explique l’économiste Luc Godbout, l’un des auteurs de l’étude sur la soutenabilité budgétaire avec Yves St-Maurice et Suzie St-Cerny.

Il y a un bémol aux résultats, cependant, mais j’y reviendrai, ne gâchons pas notre plaisir⁠1.

Une multitude de facteurs ont été pris en compte pour faire les projections jusqu’en 2063. En plus de la démographie, les auteurs ont simulé les taux d’emploi futurs, le taux de productivité, les transferts fédéraux et la croissance de dépenses en santé, en éducation et tout le reste, notamment.

Résultat : au rythme où vont les choses, le déficit sera relativement modeste et gérable à long terme et à très long terme, soit après 2039. Ce déficit variera entre 0,2 % et 0,3 % du PIB sur l’essentiel de cette période, après avoir augmenté progressivement jusqu’à 0,7 % du PIB entre 2027 et 2037, prévoient les auteurs.

En comparaison, ce déficit excédait 1 % du PIB de 1973 à 1998 et 0,7 % du PIB au début de la décennie 2010, selon mes recherches, publiées dans une chronique en 2020⁠2. Et dans la dernière projection des auteurs, en 2021, il fallait envisager des déficits avoisinant 1,9 % du PIB à long terme. Ouch !

Évidemment, il s’agit de projections basées sur les facteurs connus aujourd’hui. Les auteurs postulent que le gouvernement caquiste parviendra à réaliser sa promesse d’équilibrer le budget en 2027, comme indiqué au budget de mars dernier.

Tout pourrait basculer si des paramètres changeaient de façon importante, selon les évènements économiques et le parti au pouvoir. Tout de même, l’exercice permet de mieux comprendre les impacts à long terme de notre rigueur et de l’environnement économique d’aujourd’hui.

Essentiellement, deux grands facteurs minaient l’équité intergénérationnelle par le passé, soit le gonflement de la dette du Québec, engraissée notamment par les déficits répétés, et surtout, le vieillissement accéléré de la population.

Or, pour la dette, le Québec est bien parti pour gagner la bataille, notamment grâce au Fonds des générations et à la rigueur budgétaire. Quant au vieillissement de la population, il ralentira significativement après 2032, après la vague des baby-boomers.

Concrètement, la part de la population âgée de 65 ans ou plus augmente de plus de 2 points de pourcentage chaque décennie depuis 1972. À l’époque, 7 % avaient plus de 65 ans, contre 21 % aujourd’hui. Ce rythme de croissance reculera à 1 point de pourcentage entre 2032 et 2042 et stagnera par la suite, à 27 % de la population.

L’effet est majeur, car les plus âgés pèsent lourd sur le système de santé. Passé 80 ans, les dépenses de santé excèdent 18 000 $ annuellement par habitant, contre moins de 4000 $ avant 50 ans.

Ce réajustement de la démographie fera chuter la croissance des dépenses de santé, réduisant ainsi la pression sur les budgets du Québec. Selon les auteurs, les dépenses de santé progresseront de 4,7 % par année entre 2027 et 2039, puis de 4 % entre 2039 et 2051, avant de reculer à 3,6 % entre 2051 et 2063.

Malgré certaines périodes de déficits se répercutant sur la dette, il sera possible à la future génération de bénéficier d’un même niveau de services, sans alourdir son fardeau fiscal ou son niveau d’endettement.

Extrait de l'étude

N’est-ce pas réjouissant ? L’étude prend soin de préciser que ce constat présume que le niveau de services publics et la qualité des infrastructures resteront essentiellement les mêmes qu’aujourd’hui. Autrement dit, il y aurait la même quantité de nids-de-poule dans les routes, notamment.

Pour avoir de meilleurs services, il faudrait que certains paramètres changent. Le plus important est probablement la croissance de la productivité, soit la valeur des produits et services par heure travaillée. Cette croissance suppose une plus grande et une meilleure utilisation des technologies, notamment.

Et maintenant, le bémol ?

Les projections tiennent compte de l’impact négatif du réchauffement climatique sur la croissance économique, et donc les revenus du gouvernement, ce qui est une nouveauté par rapport à l’exercice précédent.

Cependant, les auteurs n’ont pas tenu compte des effets sur les dépenses de l’État, outre ce qui est déjà prévu aux projections du gouvernement jusqu’en 2027. Sachant que le réchauffement ira en s’accroissant, il est à prévoir que le gouvernement devra consacrer une part croissante de son budget à l’adaptation aux effets du réchauffement, qu’on pense aux incendies de forêt ou à l’érosion des berges et aux inondations et tutti quanti.

Tout de même, l’avenir budgétaire à long terme apparaît bien plus radieux que par le passé, et cette projection fait du bien à entendre, surtout pour notre jeunesse.

1. Consultez l’étude au complet  2. Lisez la chronique