En fouillant, j’ai découvert cinq faits plutôt méconnus qui touchent l’économie, les finances publiques et le ministère des Finances du Québec. La plupart des renseignements se trouvent dans le nouveau plan stratégique du ministère (2023-2027), rendu public le 7 juin.

Gros roulement de personnel au gouvernement

Saviez-vous que le ministère des Finances du Québec souffre lui aussi de la pénurie de main-d’œuvre ? Qu’il peine à garder certains employés malgré les bons avantages sociaux et la permanence au gouvernement ?

Cette année, le taux de roulement au MFQ est de 13,8 %, le plus élevé depuis quatre ans. En 2019-2020, avant la pandémie, ce taux était de 10,2 %. Le Ministère manque notamment de comptables, et il a de la difficulté à retenir les jeunes qui y commencent leur carrière après l’université.

« Une croissance du nombre de départs dans l’organisation est prévue pour les prochaines années. Des efforts doivent donc être investis pour infléchir cette tendance, en offrant aux employés une expérience positive, qui les fidélisera et les mobilisera », est-il écrit dans le plan du MFQ.

Le MFQ n’est pas le seul à souffrir de la pénurie. En fait, 16 des 21 ministères ont vu leur taux de roulement augmenter depuis deux ans. Le Secrétariat du Conseil du trésor (SCT) a le taux de départ volontaire le plus élevé, à 23,6 % en 2021-2022 (dernière année disponible), suivi des ministères du Tourisme (19,9 %) et de la Famille (19,8 %).

Bon dernier, le Secrétariat du Conseil du trésor m’explique que la pénurie fait mal. « Des entrevues de départ ont permis de constater que ceux-ci s’effectuent principalement chez les employés travaillant depuis moins de trois ans auprès du Secrétariat », m’écrit le SCT, qui dit travailler à la rétention, notamment en offrant de la formation et des perspectives de progression de carrière à l’interne.

Le plus bas taux revient au ministère du Revenu, avec seulement 8,6 % de roulement (voir le tableau répertoriant tous les ministères à la fin de la chronique). Le taux comparé englobe les employés qui quittent volontairement leur poste pour un autre employeur ou qui prennent leur retraite, essentiellement.

Lourde facture informatique en vue

Le système de collecte des revenus du gouvernement, qui date de plus de 40 ans, est périmé. Et le ministère des Finances projette de le remplacer, nous apprend le plan stratégique du Ministère. Traduction : une autre grosse facture informatique s’en vient au gouvernement.

Selon le plan stratégique, « la gestion des revenus, recettes et comptes à recevoir gouvernementaux est supportée par un système comptable en désuétude, conçu au cours des années 1980. L’optimisation des processus n’est plus possible depuis une quinzaine d’années ». Oh boy !

Les revenus de tous les ministères et organismes budgétaires du gouvernement sont gérés par ce même système, appelé SYGBEC-revenus. Il s’agit du système frère de celui qui a été remplacé pour le volet dépenses, appelé SYGBEC-dépenses.

Or, le remplacement de SYGBEC-dépenses a coûté une fortune au gouvernement ces dernières années.

L’implantation ultime du nouveau système SAGIR, qui gère notamment les payes des employés, a nécessité plusieurs années et coûté 1,28 milliard plutôt que les 83 millions prévus à l’origine, selon une enquête du Journal de Montréal.

Quand fera-t-on le volet revenu ? Le Ministère prévoit « définir les nouveaux processus d’affaires du gouvernement en gestion des revenus, des recettes et des comptes à recevoir d’ici le 31 mars 2025 », est-il indiqué dans le plan stratégique.

Au ministère des Finances, on m’indique que « le dossier d’opportunité est en cours de rédaction, en collaboration avec le ministère de la Cybersécurité et du Numérique. La solution de remplacement n’est pas identifiée à ce jour. L’estimation des coûts dépendra du choix qui sera fait par le gouvernement ».

À suivre attentivement.

L’impôt est plus bas… au Québec !

Par ailleurs, dans son plan stratégique, le ministère des Finances s’engage à maintenir l’avantage du Québec en matière d’imposition des entreprises. Un avantage ? Oui oui, vous avez bien lu.

Le Québec cherche à faire en sorte que le TEMI pour les investissements soit considérablement plus bas qu’ailleurs. Le quoi ? Le TEMI, soit « le taux effectif marginal d’imposition ».

À la différence du taux d’imposition statutaire sur le revenu des entreprises, le TEMI incorpore dans son calcul, pour les entreprises qui investissent, les mesures fiscales favorables à l’investissement. Des exemples ? La déduction additionnelle pour amortissement de 30 % ou le crédit d’impôt à l’investissement et à l’innovation (C3i).

Le TEMI a été de 8 % au Québec entre 1999 et 2022, comparativement à une moyenne canadienne de 13,4 %, ce qui représente un écart de 40 % à l’avantage du Québec, selon le MFQ.

Dans son plan, le Ministère s’engage à maintenir cet écart entre 20 % et 40 % d’ici quatre ans.

Bon à savoir…

Faire travailler les « vieux »

Par ailleurs, le Ministère s’est donné comme mission d’augmenter le taux d’emploi des 60-69 ans pour le faire passer de 37 % en 2022 à 39 % d’ici 2027.

Dans son dernier budget, Eric Girard a annoncé qu’à partir du 1er janvier 2024, les cotisations au RRQ seront facultatives à partir de 65 ans, afin de ne pas pénaliser les plus âgés qui voudraient continuer de travailler.

En mai, la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, a annoncé que les enseignants admissibles à la retraite qui acceptent de rester en poste à temps plein durant la prochaine année scolaire recevront un chèque de 12 000 $.

D’autres mesures pourraient être mises de l’avant par le gouvernement pour atteindre cet objectif, bien qu’aucune mesure spécifique ne soit mentionnée dans le plan stratégique.

Le Québec a vivement besoin de ses travailleurs d’expérience pour maintenir le cap. En 2022, le taux d’emploi des 60-69 ans au Québec était de 37 %, comparativement à 43,8 % en Ontario.

L’étonnant rattrapage des Québécois

On le sait, les Québécois sont encore moins riches que les Ontariens, du moins quand on s’en remet au PIB par habitant.

On sait aussi que le Québec a fait du rattrapage ces dernières années, l’écart du PIB réel par habitant avec l’Ontario étant passé de 16,4 % en 2018 à 13,8 % en 2022. Le PIB par habitant est le reflet du niveau de vie.

Ce qu’on ne sait pas, c’est si ce rattrapage se poursuivra. Or, le plan stratégique nous apprend que le gouvernement croit être en mesure de ramener l’écart Québec-Ontario de 13,8 % aujourd’hui à 10 % en 2027, soit une baisse d’environ un point de pourcentage chaque année.

François Legault n’est pas le seul à en faire une marotte. Il y a 22 ans, dans le tout premier plan stratégique du ministère des Finances, il était mentionné, au sujet de ce même PIB par habitant : « Le Québec a réalisé un rattrapage depuis la Révolution tranquille, mais l’écart à combler [avec l’Ontario] demeure élevé, soit 23 %. »

C’était en 2001. La ministre des Finances d’alors, Pauline Marois, n’avait pas fixé d’objectif spécifique de rattrapage. Tout de même, nous avions alors un retard de 23 %, et nous sommes maintenant à 13,8 %, en route vers 10 %.

Tout de même…

Allez, bonnes vacances à tous !