La Banque Laurentienne est à vendre et l’institution financière québécoise cogne déjà à différentes portes dans l’espoir de se trouver un nouveau propriétaire. Dans l’éventualité où elle serait achetée par une rivale déjà bien implantée au pays, cela n’augure rien de bon pour le siège social qui est situé à Montréal.

Septième banque en importance au pays en matière d’actif, la Laurentienne s’est limitée à dire, mardi, qu’elle examinait ses « options stratégiques ». Toutefois, selon des sources au fait du dossier, mais qui ne sont pas autorisées à s’exprimer publiquement, le processus est déjà bien en marche.

D’après nos informations, le prêteur québécois a retenu les services de JPMorgan Chase pour l’épauler dans ses démarches. Des approches ont même déjà été tentées, notamment auprès d’institutions financières québécoises.

« La banque ne compte pas communiquer d’autres informations à ce sujet avant que la revue soit terminée », s’est limitée à indiquer la Laurentienne, sans offrir plus de détails à propos des prochaines étapes.

Silencieux

Par courriel, le Mouvement Desjardins n’a pas voulu dire s’il était intéressé par les actifs de la Laurentienne. Au moment où ces lignes étaient écrites, la Banque Nationale n’avait pas répondu aux questions de La Presse. La Banque Scotia pourrait être une candidate. En avril dernier, son président et chef de la direction, Scott Thomson, avait exprimé le souhait d’accroître l’empreinte de la banque néo-écossaise dans des marchés comme le Québec, où elle est « sous-représentée ».

La Banque Royale du Canada et la Banque TD – les deux plus importantes au pays – devraient demeurer sur les lignes de côté. La première doit boucler le rachat des activités canadiennes de HSBC pour 13,5 milliards tandis que la seconde a davantage les yeux rivés sur le marché américain.

« Je ne suis pas étonné [de l’annonce] », souligne le professeur de stratégie à HEC Montréal, Louis Hébert, spécialisé entre autres dans les fusions et acquisitions. « La conjoncture n’est pas favorable à une plus petite banque. Dans le secteur canadien, qui est concentré, il est difficile de se trouver une voix. »

Fondée en 1846, la Laurentienne exploitait 58 succursales à la fin de son dernier exercice financier, le 31 octobre. Son actif est d’environ 51 milliards et elle offre des prêts au Québec, au Canada et aux États-Unis.

À moins que la banque ne serve de tremplin à un acteur étranger qui souhaite s’établir au Canada, les perspectives du siège social de la Laurentienne ne sont pas reluisantes, estime M. Hébert.

« Si c’est une acquisition de consolidation d’un acteur canadien, c’est certain que le siège social va disparaître, dit l’expert. On voudra réaliser des économies d’échelle et amoindrir les coûts de gestion. Toutes les promesses de maintien de siège social ont une date de péremption. »

Au Québec, la banque compte 1500 salariés. Elle n’a pas précisé combien de personnes travaillaient à son siège social, où l’on retrouve des fonctions qui gravitent notamment autour des finances, des affaires juridiques, des ressources humaines et des technologies de l’information.

Des montagnes russes

Les dernières années ont été mouvementées à la Laurentienne. À la fin de 2021, la présidente et cheffe de la direction, Rania Llewellyn, avait dévoilé un nouveau plan de transformation afin de mettre l’accent sur des créneaux spécialisés. La stratégie mise en place en 2015 par son prédécesseur François Desjardins, qui consistait à moderniser les systèmes de la banque et à réduire de moitié le nombre de succursales, n’avait pas porté ses fruits et pesait sur les résultats.

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Rania Llewellyn, présidente et cheffe de la direction de la Banque Laurentienne

Mme Llewellyn avait réussi à redonner du lustre à la performance de la Laurentienne. En 2022, le bénéfice par action avait affiché une progression de 22 %, bien au-delà de la cible initiale de 5 %. Le portrait a toutefois changé dans un contexte de ralentissement économique, d’augmentation des taux d’intérêt – ce qui pèse sur la croissance du portefeuille de prêts – ainsi que de nouvelles règles exigeant que les banques conservent davantage de capital dans leurs réserves.

À cela s’ajoutent des campagnes de désyndicalisation. Deux tentatives avaient échoué en 2018. Le scénario avait cependant été différent quelques années plus tard. Après une présence de plus de cinq décennies au sein de l’institution financière, le syndicat, affilié à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, avait été officiellement dissous en avril 2021 à la suite d’un vote des employés.

Selon les données de la firme Refinitiv, il n’y a qu’un actionnaire québécois parmi les dix principaux propriétaires de la Laurentienne, soit la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Le bas de laine des Québécois est le plus important actionnaire avec sa participation de 8,1 %.

« Nous ne ferons pas de commentaire spécifique comme c’est une société publique, a souligné la porte-parole de l’institution, Kate Monfette. Mais nous allons suivre le processus de près. »

Le son de cloche a été similaire du côté du gouvernement Legault. Claudia Loupret, attachée de presse du ministre des Finances, Eric Girard, a seulement indiqué que Québec allait surveiller les différentes étapes du processus.

À la Bourse de Toronto, mardi, le titre de la Laurentienne a clôturé à 33,53 $, en hausse de 15 cents, ou 0,45 %. Cela confère une valeur boursière de 1,46 milliard au prêteur.

Banque québécoise, dirigeants d’ailleurs

Si le siège social de la Banque Laurentienne se trouve à Montréal, la majorité des décisions semblaient se prendre en Ontario, où la présidente est domiciliée. L’an dernier, 7 des 10 « cadres supérieurs » de l’organisation demeuraient à l’extérieur du Québec, selon la notice annuelle du prêteur. Le portrait n’est guère plus reluisant du côté du conseil d’administration. Seulement 2 administrateurs sur 11 proviennent du Québec. Au moment d’être nommée à la tête de la Laurentienne, en 2020, Mme Llewellyn ne maîtrisait pas le français.

Une version antérieure du graphique publié avec cet article attribuait une capitalisation boursière erronée à BMO. Nos excuses.

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  • 3000 personnes
    Effectif de la Banque Laurentienne
    2020
    Année où Rania Llewellyn a été nommée présidente et cheffe de la direction