La Banque Laurentienne veut se faire acheter, mais qui en veut ? C’est la question que se posent les analystes financiers, qui doutent de l’intérêt des grandes banques canadiennes envers l’institution financière québécoise.

Selon nos informations, la Laurentienne, épaulée par JPMorgan Chase, a déjà tenté des approches, notamment auprès d’acteurs québécois. Rien ne garantit qu’elle réussira à convaincre l’un des principaux acteurs du secteur bancaire, croient les analystes.

Les difficultés des dernières années se reflètent sur le bilan de la banque établie à Montréal, mais dirigée de Toronto. Il n’est pas particulièrement reluisant, souligne Gabriel Dechaine, de la Financière Banque Nationale. Dans un rapport, l’analyste souligne que la base de déposants n’est pas « solide », que l’institution financière est exposée aux prêts dans l’immobilier commercial et que les prêts aux particuliers stagnent depuis quelques années.

« Ironiquement, les raisons qui font en sorte que la Laurentienne pourrait être vendue sont les mêmes qui limitent ses perspectives de croissance à long terme », écrit-il.

Qu’arrive-t-il avec mon argent ?

Vous êtes un client de la Banque Laurentienne ? Ne craignez rien, votre argent est en sécurité malgré une vente potentielle de la banque. Le prêteur québécois figure parmi les membres de la Société d’assurance-dépôts du Canada. Cela signifie que les dépôts assurables sont protégés jusqu’à concurrence de 100 000 $ par catégorie de dépôt. Les autres grandes banques canadiennes sont aussi membres de la société d’État fédérale. En cas de transaction, cette protection demeurerait en vigueur.

Les spéculations entourant l’avenir du prêteur québécois ont néanmoins fait bondir le cours de son action à la Bourse de Toronto. Elle s’est appréciée de 27 % ou 8,93 $, pour clôturer à 42,46 $. Cela conférait une valeur boursière d’environ 1,9 milliard à l’institution montréalaise. Au cours de la séance, le titre a temporairement atteint un sommet quotidien de 48,23 $ avant de se stabiliser.

Survenue mardi après la fermeture des marchés, l’annonce de la banque régionale a surpris les analystes financiers puisque cette dernière est au milieu du plan de transformation présenté en 2021 par sa présidence et cheffe de la direction Rania Llewellyn.

Lisez De l’incertitude pour le siège social

M. Dechaine n’est pas le seul à poser des questions sur ce qui attend la Laurentienne. À la Banque Scotia, Meny Grauman n’est pas convaincu que l’on assistera à une vente.

« Nous estimons que la valeur stratégique de ses activités [à la Laurentienne] est limitée, car nous pensons que le risque de rétention de la clientèle est élevé, particulièrement au Québec », croit-il.

Les prétendants

Il ne semble pas non plus y avoir de consensus sur l’identité du repreneur potentiel. Chez Valeurs mobilières Desjardins, Doug Young croit que les options sont limitées.

Dans une note, il rappelle que Banque Royale du Canada est occupée à boucler l’acquisition des activités canadiennes de HSBC pour 13,5 milliards. La Banque TD a déjà consolidé ses activités canadiennes, la Banque de Montréal digère sa plus récente prise aux États-Unis (Bank of the West) et les acquisitions ne semblent pas figurer parmi les priorités de la Banque Nationale, estime l’analyste.

« Il ne reste plus que la Scotia et la Western Canadian Bank, mais nous ne savons pas pourquoi l’une ou l’autre serait intéressée, écrit M. Young, dans une note. Même si nous saluons les efforts déployés par la Laurentienne pour explorer différentes options, nous avons de la difficulté à identifier les grandes banques canadiennes qui pourraient être intéressées. »

M. Dechaine identifie également la Scotia et la Banque TD comme des repreneurs potentiels plus motivés. Le président et chef de la direction du prêteur établi en Nouvelle-Écosse, Scott Thomson, n’a pas caché son désir d’accroître l’empreinte de la Scotia dans des marchés comme le Québec et la Colombie-Britannique, où elle est « sous-représentée ».

« La Scotia est l’ancien employeur de la présidente de la Laurentienne, ce qui aurait pu déclencher des discussions », affirme l’analyste de la Financière Banque Nationale.

Interrogée par La Presse, mercredi, la banque néo-écossaise n’a pas voulu commenter ces hypothèses.

La Laurentienne se met en vente dans un contexte moins favorable au secteur bancaire. En plus du ralentissement économique, la montée des taux d’intérêt pèse sur la croissance des portefeuilles de prêts chez les institutions financières. De nouvelles règles obligent également les banques à conserver davantage de capital dans leurs réserves, ce qui accroît la pression financière.

Selon les données de la firme Refinitiv, on ne retrouve qu’un actionnaire québécois parmi les principaux actionnaires de la banque régionale. Il s’agit de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), qui détient une participation de 8,1 %. Il risque donc d’être difficile d’empêcher un transfert de propriété vers l’extérieur du Québec advenant la conclusion d’une vente.

La Banque Laurentienne en bref

Année de fondation : 1846

Siège social : Montréal

Effectif : 3000 personnes

Actifs : Environ 51 milliards

Présence géographique : Québec, reste du Canada et États-Unis

En savoir plus
  • 1500 personnes
    C’est l’effectif de la Banque Laurentienne au Québec.
    Banque Laurentienne