La hausse des taux d’intérêt et le ralentissement économique ont eu des effets directs sur les activités en capital de risque au Canada et ont réduit les ardeurs des investisseurs au cours de la dernière année. Tout comme la faillite de la Silicon Valley Bank pourrait entraîner un resserrement du financement des jeunes pousses et des entreprises en développement, révèle une étude de BDC Capital, l’investisseur en capital de risque le plus actif au Canada.

Le rapport de BDC Capital sur le secteur canadien du capital de risque, dont les résultats sont dévoilés ce mercredi, démontre clairement que la hausse soutenue et rapide des taux d’intérêt a entraîné une baisse de l’ordre de 34 % du montant des financements par capital de risque, en 2022.

De 15 milliards qu’ils ont totalisé en 2021, les investissements en capital de risque (CR) ont chuté à 10 milliards en 2022, reflétant ainsi la détérioration anticipée des conditions économiques au pays et la hausse des taux d’intérêt. En 2021, 805 transactions de capital de risque avaient été enregistrées contre 706 pour 2022.

« On prévoit que le mouvement de repli se poursuivra en 2023 avec un retour au niveau des financements que l’on observait avant la pandémie, soit autour de 8 milliards, mais il est difficile de prévoir exactement ce qui nous attend au chapitre des taux d’intérêt », observe Christopher Gillam, vice-président opérations et stratégie de BDC Capital.

Si la débarque semble importante, il faut préciser que l’année 2021 avait été l’année de tous les records. Les investisseurs en capital de risque et les entreprises ont largement profité de la relance post-COVID, appuyée par un généreux financement public, et une forte reprise des marchés boursiers.

En 2021, le Canada a enregistré le nombre record de 23 nouvelles licornes, ces entreprises à qui on attribue une valorisation de 1 milliard. En 2022, leur nombre est tombé à 3.

En 2021, on a aussi enregistré un nombre record de 12 premiers appels publics à l’épargne et la création de 8 sociétés d’acquisition à vocation spéciale. En 2022, aucune entreprise n’a procédé à un premier appel public à l’épargne et trois sociétés ont cherché à profiter du statut de société d’acquisition à vocation spéciale.

Une hausse brusque qui fait mal

C’est sans contredit la hausse brusque et soutenue des taux d’intérêt qui a affecté l’écosystème du capital de risque (CR) au Canada. Dans son rapport, la BDC rappelle que l’industrie du CR a chuté de 50 % durant les quatre années qui ont suivi le krach boursier de 2000 alors que les taux d’intérêt étaient maintenus élevés.

Lors de la crise mondiale de 2008-2009, l’industrie du CR a chuté de 30 %, mais a atteint son niveau plancher en 2009 avant de revenir à un niveau plus élevé qu’avant la crise en 2011.

Durant la crise de 2008, le taux directeur a été maintenu à 0,25 % durant 13 mois. Durant la pandémie de 2020, le taux directeur est resté à 0,25 % durant 24 mois. De 2008 à 2022, les taux n’ont jamais été plus élevés que 2 %. Le choc de mars 2022 a donc fait mal au capital de risque.

Si l’industrie canadienne du capital de risque a généré un rendement moyen de 15 % sur 10 ans, le rendement du capital de risque à l’échelle mondiale a été de -5 % en 2022, ce qui n’est pas un rendement qui appelle à la prise de risque…

« L’industrie reste résiliente et les entreprises aussi. Elles ont en moyenne les liquidités nécessaires pour les 12 prochains mois. Après, certaines entreprises vont devoir se refinancer à des conditions moins avantageuses que la ronde précédente ou certaines vont devoir choisir le chemin des fusions et des acquisitions pour poursuivre leurs activités », évalue Christopher Gillam.

Lorsque l’on segmente les différents stades de développement des jeunes entreprises, on constate que le financement d’amorçage a très peu souffert de la contraction du marché, avec 1 % seulement de baisse du capital investi en 2022.

Le capital de démarrage a reculé de 37 %, ce qui est moins prononcé qu’aux États-Unis ou au Danemark et en Irlande à -50 %.

C’est au chapitre des investissements de croissance que le coup a été le plus rude à absorber pour les entreprises qui ont atteint ce stade, avec une baisse de 73 % du capital investi et de 33 % du nombre de transactions réalisées pour l’ensemble de 2022.

Si on se fie aux enseignements du passé, la baisse prochaine des taux d’intérêt – attendue pour fin 2023/début 2024 – devrait permettre à l’industrie du capital de risque de retrouver son attrait et son entrain et de redonner aux entreprises en démarrage et aux entreprises en croissance le financement indispensable à leur développement.

Le rapport de la BDC nous rappelle que l’industrie du capital de risque s’est passablement développée au Canada au cours des 10 dernières années. En 2014, on recensait 22 fonds de capital de risque, alors qu’on en dénombrait plus de 70 en 2022. Un écosystème plus mature et mieux développé devrait normalement mieux absorber le choc passager que traverse l’industrie.