(Ottawa) L’économie canadienne a progressé plus rapidement que prévu au cours des trois premiers mois de l’année et a probablement aussi pris de l’expansion en avril, alimentant la spéculation voulant que la Banque du Canada puisse augmenter de nouveau les taux d’intérêt lors de sa réunion de la semaine prochaine.

Le produit intérieur brut réel a augmenté à un taux annualisé de 3,1 % au premier trimestre de 2023, a indiqué mercredi Statistique Canada.

Les plus récentes données montrent que la croissance a dépassé les propres prévisions de l’agence fédérale, qui visaient une croissance de 2,5 % pour le trimestre. L’estimation préliminaire de Statistique Canada suggère maintenant que l’économie a progressé de 0,2 % en avril, après être restée stable en mars.

L’économie canadienne a réussi à continuer de dépasser les attentes, même si la Banque du Canada espérait que des taux d’intérêt plus élevés entraîneraient un recul plus important des dépenses des consommateurs et des entreprises.

« Il est un peu surprenant de constater la résilience, je dirais, du consommateur canadien […] compte tenu du nombre de hausses de taux d’intérêt qui ont été mises en place au cours de la dernière année », a observé Dawn Desjardins, économiste en chef chez Deloitte.

Le taux d’intérêt directeur de la Banque du Canada est de 4,5 %, son niveau le plus élevé depuis 2007.

La résilience soutenue de l’économie augmente la probabilité d’une nouvelle hausse des taux d’intérêt, ont prévenu des économistes, alors que la Banque du Canada s’approche de sa prochaine décision sur sa politique monétaire, la semaine prochaine.

« La série de solides données augmente sans aucun doute les chances que la Banque du Canada doive revenir au puits des hausses de taux, et lui donne même une chance d’agir dès sa décision de la semaine prochaine », a observé l’économiste en chef de la Banque de Montréal, Douglas Porter, dans une note à ses clients.

Mais M. Porter et d’autres économistes de banques commerciales ont indiqué que la banque centrale pourrait aussi reporter à cet été la décision de relever à nouveau les taux.

« Cependant, étant donné le contexte incertain et la possibilité que l’inflation ait fortement baissé en mai, la Banque du Canada pourrait choisir de patienter un peu plus longtemps et signaler qu’elle est ouverte à une hausse en juillet si cette vigueur persiste. »

L’agence fédérale affirme que la croissance des exportations et des dépenses des ménages a contribué à stimuler la croissance au premier trimestre.

Parallèlement, le ralentissement de l’accumulation des stocks ainsi que la baisse des investissements des ménages et des entreprises en machines et matériel ont pesé sur la croissance.

Les chiffres des dépenses des ménages montrent que les dépenses en biens et en services ont augmenté au cours des trois premiers mois de l’année, après avoir enregistré une croissance minimale au cours des deux trimestres précédents.

Cependant, Statistique Canada a noté que le revenu disponible avait diminué pour la première fois depuis le quatrième trimestre de 2021. L’agence fédérale affirme que le revenu disponible a diminué de 1 %, en grande partie en raison de l’expiration des mesures gouvernementales visant à aider les gens à faire face à l’inflation.

La combinaison de dépenses plus élevées et de revenus plus faibles a fait baisser le taux d’épargne des ménages.

Plusieurs éléments changeants

Les économistes ont du mal à se faire une idée de l’économie puisque les données se sont révélées volatiles. Mme Desjardins souligne que les forces convergentes, de la pandémie de COVID-19 à l’évolution démographique en passant par la croissance démographique, sont à blâmer.

« Il y a beaucoup de choses qui changent au sein de l’économie. Et il est très difficile de vraiment se concentrer sur ce qui est le facteur qui stimule cette croissance, ou qui va être celui qui va nous conduire dans une trajectoire de croissance beaucoup plus lente », a affirmé Mme Desjardins.

Les prévisionnistes s’attendaient auparavant à ce que le cycle dynamique de hausse des taux de la Banque du Canada, qui a commencé en mars 2022, plonge l’économie dans une récession dès la fin de 2022.

Ces prévisions se sont révélées trop pessimistes, mais des économistes, comme Mme Desjardins, tablent toujours sur un ralentissement cette année.

« Je pense que les ménages vont commencer à ressentir la pression », a-t-elle estimé.

L’ampleur de cette pression dépendra de la sévérité du marché du travail, a poursuivi Mme Desjardins. Jusqu’à présent, le marché de l’emploi a gardé son élan alors que le taux de chômage oscille à 5,0 %, juste au-dessus de son creux record de 4,9 %.

La banque centrale a interrompu son cycle de hausse des taux plus tôt cette année, pour tenir compte du décalage qui existe généralement entre les modifications des taux d’intérêt et leurs effets sur l’économie.

Mais le gouverneur de la banque centrale, Tiff Macklem, a signalé que la banque essayait toujours de déterminer si les taux d’intérêt étaient suffisamment élevés pour étouffer l’inflation.

L’inflation annuelle a légèrement augmenté pour atteindre 4,4 % en avril, restant bien au-dessus de l’objectif de 2,0 % de la banque centrale. On s’attend toujours à ce qu’elle ralentisse davantage cette année, mais les économistes et la Banque du Canada craignent que le retour à une inflation de 2,0 % ne prenne plus de temps qu’ils ne l’auraient espéré.