Est-ce qu’il est encore pertinent, nécessaire ou même efficace d’accorder des subventions aux entreprises pour qu’elles réalisent des projets d’investissement ? Selon l’Institut Fraser, d’obédience libertarienne, il aurait été plus avantageux pour le gouvernement du Québec d’éliminer l’impôt sur le revenu des entreprises plutôt que de continuer à leur accorder des subventions comme il l’a fait durant la période de 2007 à 2019.

Dans une étude publiée mardi, l’Institut Fraser, un institut de recherche sur les politiques publiques établi à Vancouver et qui a des bureaux à Calgary, Toronto et Montréal, revient sur un sujet passablement prisé par les partisans du laisser-faire économique : les subventions aux entreprises, leur coût et leur impact sur l’activité économique.

L’étude, qui couvre l’ensemble des subventions accordées aux entreprises au Canada par tous les ordres de gouvernement – fédéral, provincial et local – pour la période de 2007 à 2019, juste avant l’aide financière généralisée qui a été consentie durant la pandémie, nous apprend que les dépenses des gouvernements ont totalisé 352 milliards. Une somme ajustée en fonction de l’inflation.

Durant cette période de 13 ans, les subventions fédérales se sont élevées à 76,7 milliards, celles des gouvernements provinciaux, à 223,3 milliards et celles des gouvernements locaux, à 52,1 milliards.

Pour bien évaluer la pertinence de ces subventions et mesurer leur poids relatif par rapport aux revenus que les gouvernements ont obtenu de l’impôt sur le revenu des sociétés, les chercheurs de l’Institut Fraser ont établi la comparaison par province.

C’est l’Île-du-Prince-Édouard qui affiche le plus haut niveau de subventions provinciales par rapport aux revenus que la province a tirés de l’impôt sur le revenu des sociétés, soit un rapport de 162,9 %, c’est-à-dire que pour chaque dollar d’impôt perçu, l’Île-du-Prince-Édouard a dépensé 1,60 $ en subventions.

Vous vous y attendez tous, c’est le Québec qui arrive au deuxième rang des provinces canadiennes qui affichent les plus fortes dépenses en subventions par rapport aux revenus perçus de l’impôt sur le revenu des sociétés.

Le gouvernement québécois a réalisé de 2007 à 2019 79,6 milliards de dépenses de subventions aux entreprises, ce qui fait que les subventions ont représenté 100,9 % des revenus annuels de l’impôt sur le revenu des sociétés, tout juste au-dessus du Manitoba, qui affiche un score de 97,6 %.

« Au Québec et au Manitoba, le gouvernement provincial aurait effectivement pu éliminer tous les impôts provinciaux sur le revenu des sociétés au cours de la période s’il avait également mis fin aux subventions provinciales aux entreprises », souligne l’Institut Fraser dans son étude.

L’aide sociale aux entreprises

L’Institut Fraser, qui qualifie les subventions gouvernementales aux entreprises comme de « l’aide sociale aux entreprises », arrive à la conclusion que ce sont finalement les contribuables qui assument le coût fiscal des subventions aux entreprises.

Il faut préciser ici que les dépenses en subventions ne tiennent pas compte du soutien autre qu’apportent les gouvernements, que ce soient les crédits d’impôt, les garanties de prêt, les investissements directs comme a fait Québec, par exemple, en prenant une participation en actions dans le programme A220 d’Airbus ou lorsqu’il achète des actions d’une société minière comme Stornoway.

En additionnant les subventions de tous les ordres de gouvernement, l’Institut Fraser calcule que c’est en Saskatchewan que le coût des subventions totales a été le plus élevé par contribuable qui a payé de l’impôt, atteignant 18 785 $ sur la période de 13 ans.

Encore ici, le Québec arrive au deuxième rang au Canada alors qu’un déclarant fiscal a payé 18 344 $ pour les subventions aux entreprises accordées par tous les ordres de gouvernement au Québec, ce qui inclut les subventions fédérales et municipales.

On comprend bien que les programmes de subventions ne se font pas à coût nul et que les gouvernements doivent les financer à partir des revenus dont ils disposent.

Mais lorsqu’on regarde ce que coûtent les dépenses en subventions aux entreprises au Québec, on constate qu’elles sont restées à peu près stables en se maintenant autour de 6 milliards par année depuis 2007 avant d’atteindre un sommet soudain à 7,2 milliards en 2019.

Ce n’est pas en abolissant l’impôt sur le revenu des sociétés que les entreprises en difficulté, en démarrage ou en transformation – qu’elle soit numérique, énergétique, écologique – vont se mettre à investir davantage.

Le coup de pouce de l’État est souvent le déclencheur qui permettra la réalisation d’un projet, et le gouvernement doit aussi avoir des leviers pour pouvoir assurer le meilleur équilibre possible de développement économique pour l’ensemble des régions.

Et il est tout à fait dans l’ordre des choses qu’une entreprise qui réalise des milliards de revenus annuels paie sa juste part d’impôts, malgré les nombreux avantages fiscaux dont elle pourra bénéficier.

Abolir les subventions aux entreprises pour permettre aux entreprises prospères de cesser de payer de l’impôt est une façon simpliste, à la rigueur réductrice, d’appréhender l’économie. Surtout au moment même où tous les efforts doivent être mobilisés pour réaliser la transition écologique.