Comme voyageur, mieux vaut allumer des lampions et prier son dieu pour que tout se passe bien. Car même si Québec et Ottawa ont créé des mécanismes d’indemnisation et de remboursement, les délais interminables pour obtenir gain de cause leur enlèvent de la crédibilité.

Au moment où vous lisez ces lignes, plus de 37 000 plaintes sont en attente d’examen par l’Office des transports du Canada (OTC). Au rythme de croisière de 2022, soit 217 dossiers analysés en moyenne par semaine, ça prendra plus de trois ans pour passer à travers la pile. Un délai qui se compare à celui pour voir un juge des petites créances.

L’OTC cherche le moyen d’accélérer la cadence. Il y est arrivé dans les derniers mois, en traitant 260 plaintes par semaine. Mais quand on sait que 6000 nouveaux dossiers ont été reçus en janvier seulement, cela relativise les attentes.

Du côté de Québec, 2900 demandes de remboursement liées à la pandémie n’ont toujours pas été traitées par le Fonds d’indemnisation des clients des agents de voyages (FICAV), à quelques jours du troisième anniversaire de l’évènement. Celui-ci est administré par l’Office de la protection du consommateur (OPC), qui a confié le mandat à PriceWaterhouseCooper (PwC) de gérer le flot de demandes liées à la COVID-19.

Dimanche, je vous racontais que les voyages scolaires étaient jugés complexes pour le FICAV, parce que la facture des adolescents avait été payée par leurs parents et leur école⁠1.

Vous avez été nombreux à me faire part de votre exaspération envers le FICAV.

« Tout ce qui est clair avec ce fonds, c’est la perception de la cotisation », m’écrit Christian, un brin cynique.

Denis Chauvette me raconte qu’il a transmis ses documents « à plusieurs reprises, par courrier, par leur plateforme, par poste recommandée ». Il s’est même rendu aux bureaux de PwC à Place de la Cité, à Québec, dans l’espoir de faire avancer sa demande. Il a été « accueilli par un appareil téléphonique situé à l’extérieur du local », un local qu’il qualifie de « bunker » inaccessible au public. Il n’a pas parlé à un humain.

Même s’il n’attend pas les 3000 $ réclamés au FICAV pour être heureux, M. Chauvette promet de ne pas lâcher le morceau. Il envisage d’ailleurs de poursuivre le FICAV et PwC devant la Cour des petites créances. « Avec une facture impliquant les intérêts, mes frais d’hôtel et repas à Québec, mon temps, ma frustration, et sûrement d’autres éléments », énumère-t-il.

L’agent de voyages Simon Patry attend lui aussi un remboursement de 3000 $ pour une croisière qu’il devait faire en famille. Les délais l’exaspèrent. Pire, même s’il facture comme il se doit l’assurance de la FICAV à ses clients, il ne croit plus en son utilité. « Ça ne sert à rien du tout. » C’est tout dire.

Le Protecteur du citoyen à la rescousse

« Comment peut-on faire valoir nos droits ? Quels sont nos recours ? Doit-on soumettre une poursuite (petites créances) contre la firme comptable ou le FICAV ? », me demande Jacques L.

Il est possible de faire une plainte en téléphonant au Bureau de la qualité des services de l’OPC. Si le résultat n’est pas satisfaisant, rien n’empêche de poursuivre l’OPC aux petites créances.

Mais Annie L. propose une autre avenue qui a fonctionné pour elle et pour d’autres lecteurs de La Presse. Elle a contacté le Protecteur du citoyen. « Après avoir fait notre plainte, quelqu’un nous a pris en charge très rapidement chez PwC et nous avons été remboursés en deux semaines par la suite. » Elle espère que son conseil aidera un maximum de personnes.

Le Protecteur du citoyen peut intervenir auprès de l’OPC. Il invite d’ailleurs les citoyens à l’appeler en cas de difficultés avec le FICAV, m’a dit sa porte-parole Carole-Anne Huot.

L’an dernier, 20 plaintes ont été reçues relativement au remboursement de voyages. En théorie, le dossier est analysé et des recommandations sont formées. « Mais ça se peut qu’on règle le dossier juste en faisant un appel. Des fois, ça débloque sans même aller plus loin. »

Il n’est donc pas étonnant que les voyageurs, traumatisés par les épisodes rocambolesques dans les aéroports, se ruent vers l’assurance voyage, comme l’écrivait ma collègue Isabelle Dubé, mercredi. Cela me semble à la fois sage et symptomatique d’un stress qui n’existait pas avant la pandémie. Tout le monde connaît quelqu’un qui a mis 25 mois à se faire rembourser un billet d’avion après avoir perdu des heures dans la paperasse et en attente au téléphone.

Croix Bleue du Québec, par exemple, vend 20 % plus de polices d’assurance annulation qu’en 2019. Une étude de l’organisation nous apprend aussi que 69 % des Québécois ne prendraient pas l’avion sans assurance voyage, contre 58 % des Canadiens. Les Québécois ont le score le plus élevé de toutes les provinces⁠2.

Encore faut-il que les assurances remboursent, me direz-vous…

1. Lisez la chronique « Toujours pas remboursés après trois ans » 2. Lisez l’article « Ruée vers l’assurance voyage »