La bureaucratie aime les petites cases sur les formulaires et les personnes qui entrent dans ces petites cases. C’est ainsi qu’à la veille du troisième anniversaire de la pandémie, des parents attendent encore le remboursement du voyage scolaire de leur adolescent par le FICAV, ce fonds d’indemnisation de l’Office de la protection du consommateur (OPC).

« Ça me fâche de savoir que plein de parents vont peut-être baisser les bras parce que c’est trop compliqué. C’est infini, les dédales, ça n’a pas de bon sens », me dit Geneviève Bélisle, mère de deux adolescents qui devaient découvrir la Grèce, au printemps 2020.

« Ce qui me choque, c’est qu’on parle d’un voyage pour des enfants. Mon fils a travaillé au Super C pour se ramasser 1000 $. En plus, c’est l’Office de la protection du consommateur et il faut se battre pour faire valoir nos droits », dénonce Stéphanie Blais, mère d’un adolescent qui prévoyait s’envoler vers le Costa Rica avec ses camarades.

Pour ceux qui l’ignorent, le FICAV est le Fonds d’indemnisation des clients des agents de voyages. Administré par l’OPC, il rembourse les services touristiques non rendus (vols, nuitées, excursions, croisières) à cause d’une faillite, d’une catastrophe naturelle ou d’une pandémie forçant l’annulation des voyages non essentiels. Son financement provient de la contribution obligatoire de 0,35 % ajoutée à la facture des voyageurs.

Ce fut très long et frustrant, comme je l’ai déjà écrit, mais des milliers de voyageurs ont fini par être remboursés pour des voyages bousillés par la COVID-19.

Encore 2900 dossiers ne sont pas réglés, dont 150 concernant des voyages scolaires, m’a précisé l’OPC. Ces derniers semblent particulièrement compliqués à gérer. Car, voyez-vous, la facture n’a pas été payée par les ados eux-mêmes, mais par leurs parents et au moyen de campagnes de financement. Ce n’est guère étonnant, les mineurs détiennent rarement une carte de crédit.

Fin janvier, le fils de Stéphanie, Édouard Dalphond, a appris que le FICAV refusait sa demande de remboursement de 2800 $ sous prétexte qu’il n’avait pas lui-même payé le voyage. « En juin 2022, quand je leur ai parlé, ils n’avaient pas le goût de me dire que la demande n’avait pas été faite au bon nom ? », s’insurge la mère.

En plus, Édouard a payé une partie de son voyage de 4e secondaire en vendant du chocolat, des fromages et de la confiture. L’argent recueilli était administré par la fondation de l’école qui a payé l’agence de voyages en son nom. Pour le FICAV, cela semble ajouter une couche de complexité incroyable à l’affaire.

Dans son formulaire, Geneviève avait pris la peine de bien détailler qui a payé quoi pour ses deux enfants. « Si quelqu’un l’avait lu avec juste un peu de bienveillance, il aurait pu faire un suivi en disant : “Écoutez, je vois que ce ne sont pas les enfants qui ont payé, il faudrait refaire la demande à votre nom.” Mais il n’y a personne qui nous dit ça. » Elle réclame 3300 $.

Les communications déficientes et difficiles avec le FICAV et PricewaterhouseCoopers (PwC), chargé de traiter les réclamations, sont une source d’irritation majeure pour les Québécois.

« C’est impossible de parler à quelqu’un », déplore Marc Tremblay, père d’un jeune qui devait aller au Costa Rica avec son école. » Il y a comme deux modèles de courriels qu’ils t’envoient : “Il manque des documents” ou “Vous n’avez pas envoyé les documents”. J’ai reçu ça au moins cinq fois. »

Geneviève raconte avoir laissé un message vocal contenant une question précise sur la notion de payeur. On l’a rappelée après plusieurs jours. Sans réponse. « La dame était sur la défensive et me disait qu’elle n’était au courant de rien. C’est super frustrant, car on ne peut pas parler à quelqu’un qui va nous répondre de façon intelligente et cohérente sur ce qu’il faut faire pour que notre dossier avance. »

L’attente, qui se compte désormais en années, et les complexités administratives ressemblent à une « stratégie pour ne pas payer », lâche Marc Tremblay. Il demeure tout de même optimiste de ravoir son argent.

« Dès que c’est compliqué ou que ça ne fitte pas dans leurs petites cases, c’est comme s’ils se disaient que ça ne remplit pas leurs conditions, alors tant pis. C’est plate parce que ce sont des enfants, des adolescents. Certains ont travaillé au salaire minimum pour faire ce voyage-là et ils perdent leur argent. Ce sont des voyages organisés à l’école. Ça me fend le cœur », s’anime Geneviève.

Du côté de l’OPC, on m’a précisé que les délais s’expliquent par le fait que les dossiers de voyages scolaires ont parfois nécessité des « vérifications complémentaires » afin de s’assurer « que les sommes qui ont été versées au bénéfice des étudiants leur appartiennent ».

Si les voyages forment la jeunesse, les lourdeurs bureaucratiques enseignent la nécessité d’être patient et acharné.

Réclamations au FICAV pour l’évènement COVID-19

  • 45 200 demandes reçues
  • 11 500 remboursements effectués
  • 19 500 demandes annulées par des réclamants remboursés par un tiers
  • 9000 demandes rejetées
  • 2300 dossiers de « réclamants fantômes » où PwC n’a aucune nouvelle du demandeur
  • 2900 dossiers complexes en traitement

En date du 23 janvier 2023

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