Des ballons dans le ciel ? Ça ne date pas d’hier ! Et le Canada a sa part d’histoires aérostatiques. En voici quelques-unes.

Depuis 2009, les Forces armées canadiennes (FAC) ont consacré 62,6 millions de dollars à l’achat et l’entretien d’un Système de surveillance permanente (SSP), comprenant des aérostats (ballons captifs), destinés à assurer la détection et l’observation de menaces.

Ces systèmes assurent la protection des installations militaires, mais aussi celle d’autres infrastructures dites critiques. Les FAC les ont notamment utilisés lors des Jeux olympiques de Vancouver en 2010, au sommet du G20 de Toronto en 2010, près de leurs bases en Afghanistan ainsi qu’au Sommet du G7 de juin 2018 dans Charlevoix.

« Les contrats initiaux s’élevaient à environ 26 millions de dollars combinés. Depuis ce temps, nous avons combiné et modifié les systèmes pour répondre aux besoins changeants des FAC. La valeur totale depuis 2009 est d’environ 62,6 millions de dollars », indiquent les Forces armées dans un échange de courriels avec La Presse.

Au départ, les FAC ont fait affaire avec Thales Canada et Rheinmetall Canada (autrefois Oerlikon), qui demeure l’unique fournisseur. L’armée possède huit unités de SSP en stock1.

Les ballons utilisés par les FAC ne sont pas stratosphériques comme celui abattu par un F-22 américain le 4 février à 18 300 mètres (60 000 pieds) au-dessus de Myrtle Beach, en Caroline du Sud. Loin de là ! Ces systèmes sont en fait formés d’un « aérostat doté d’un capteur électro-optique opérant à 300 mètres au-dessus du sol » et d’une « tour de surveillance permanente de 32 mètres montée sur remorque à l’extrémité de laquelle sont installés un capteur électromagnétique et un radar (en option) », lit-on sur le site de Rheinmetall Canada.

Le type de ballon employé par les FAC est dit captif. « Les aérostats sont attachés à une station d’amarrage et sont récupérables », nous a-t-on précisé, ajoutant n’avoir jamais perdu un seul de ces systèmes.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’AGENCE SPATIALE CANADIENNE

Ballon stratosphérique lancé lors de la campagne Strato Science 2015, de Timmins, en Ontario

Agence spatiale canadienne

Depuis les 10, 11 et 12 février, où ont été abattus des objets volants suspects au-dessus de l’Amérique du Nord, chacun a été à même de comprendre que les ballons-espions et les ballons-sondes météorologiques et autres aéronefs servant à diverses recherches étaient très nombreux dans le ciel.

Au Canada, l’Agence spatiale canadienne (ASC) utilise notamment des ballons stratosphériques et fait des lancements annuels2.

L’ASC utilise les ballons stratosphériques pour mettre à l’essai et valider de nouvelles technologies conçues pour les missions spatiales de longue durée, et pour réaliser des expériences scientifiques dans un environnement s’apparentant à l’espace.

Information tirée du site de l’Agence spatiale canadienne

Selon l’ASC, ces ballons, hauts comme la tour Eiffel, peuvent atteindre 42 000 mètres d’altitude, et ce, à un coût jusqu’à 40 fois inférieur à celui d’un satellite. D’ailleurs, l’ASC permet à des scientifiques d’utiliser ces vols pour faire des expériences.

Ç’a été le cas pour Yves-Alain Peter, professeur titulaire au département de génie physique de Polytechnique Montréal. « Nous avions placé nos senseurs de gaz sur un de ces ballons, dit-il. Pour nous, il fallait traverser une certaine couche de l’atmosphère pour voir les différences de composition et mesurer des concentrations gazeuses à différentes altitudes. »

Ces dernières années, Environnement Canada a aussi utilisé des ballons-sondes. Durant les Jeux olympiques et paralympiques de Vancouver de 2010, des ballons météorologiques étaient relâchés quatre fois par jour à Whistler et à la base des FAC de Comox, dans l’île de Vancouver.

Des reportages médiatiques diffusés en 2018 et 2019 indiquent aussi l’usage de ballons-sondes par l’organisme fédéral.

Et les services de renseignement ?

La Presse a par ailleurs communiqué avec le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) afin de savoir s’ils étaient préoccupés par les questions de ballons-espions et quels étaient leurs moyens d’action.

Porte-parole du SCRS, Brandon Champagne a répondu que cet organisme utilisait tous les pouvoirs qui lui sont conférés pour enquêter sur des menaces à la sécurité nationale.

Son collègue Evan Koronewski, du Centre de la sécurité des télécommunications, a de son côté indiqué ceci : « Le CST travaille avec ses partenaires nationaux de la sécurité et du renseignement, y compris les Forces armées canadiennes, pour appuyer l’intervention du gouvernement du Canada par rapport aux évènements récents concernant des objets observés à une altitude très élevée. Des responsables canadiens de la sécurité nationale travaillent en étroite collaboration avec nos homologues américains sur cette question. »

Quant aux techniques de travail utilisées, elles relèvent du secret.

En 1962, un ballon de la CIA tombé au Nouveau-Brunswick

PHOTO DE LA FAMILLE MCPHERSON PUBLIÉE SUR LE COMPTE TWITTER DE LA CBC

Le bûcheron néo-brunswickois David McPherson et sa curieuse découverte, en 1962. La famille a conservé une dizaine de photos de la boîte retrouvée dans une forêt de Lutes Mountain.

À l’automne 1962, David McPherson, bûcheron au Nouveau-Brunswick, découvre une mystérieuse boîte en fibre de verre rattachée à un ballon dans une forêt de la région de Lutes Mountain, au nord-ouest de Moncton. Il a fallu attendre 55 ans avant de résoudre le mystère ; c’était un ballon-espion de la CIA destiné à survoler l’URSS.

C’est ce qu’indiquait le journaliste Shane Fowler dans un reportage de CBC News diffusé en juillet 20171. Quelques jours avant, la CBC avait publié un reportage indiquant que le mystère de la découverte de Lutes Mountain restait entier. On y voyait entre autres une photo de la boîte en forme de gondole. Très vite, des auditeurs ont fait les bons liens.

La boîte de 181 kg ressemblait à s’y méprendre à celles utilisées par la CIA pour le projet « Genetrix Photography » qui, pendant quelques années à partir de 1956, avait pour but de photographier différents sites dans plusieurs pays communistes.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’US AIR FORCE

Lancement d’un ballon du projet Genetrix Photography

Daté du 12 avril 1956, un mémorandum déclassifié de la CIA, que La Presse a consulté en ligne, indique que les cibles à photographier se trouvaient en URSS, en Chine, en Pologne, en Bulgarie, en Irak, en Yougoslavie, en Corée du Nord, en Albanie et autres pays sous surveillance. Quelques éléments du document restent caviardés.

L’armée sur le cas

La Presse a aussi retrouvé dans les archives un article au titre révélateur de La Presse Canadienne publié le 5 décembre 1962 dans le quotidien Le Droit : « Un mystérieux objet trouvé au N.-Brunswick ».

On lit dans le texte que « l’appareil ne portait aucune marque distinctive de sa nationalité », mais qu’il était doté « de radios et de caméras » et qu’il était attaché à « un parachute en décomposition ».

Mais, attention ! Un major de l’armée canadienne a indiqué que « les pièces de l’un des radios semblent être de fabrication britannique ou nord-américaine ».

L’armée canadienne ? Eh oui, dès qu’elle a eu vent de l’affaire, l’armée a envoyé une équipe récupérer précipitamment la boîte à des fins d’analyses.

Selon le reportage de la CBC, l’armée semble avoir essayé de voler la boîte pour ensuite promettre à la famille McPherson de lui expliquer l’origine de celle-ci en échange de sa remise. Mais les réponses ne sont jamais venues.

Le ballon transportant la boîte-espion a peut-être dérivé de sa course vers l’URSS. Mais c’était peut-être aussi un des prototypes mis à l’essai en 1955 par les services de renseignement américains.

Voyez le reportage de 2017 de la CBC (en anglais) 1. Voyez une vidéo du Système de surveillance permanente de Rheinmetall 2. Voyez le déroulement d’une journée de lancement de ballons

Avec la CBC

En savoir plus
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    Les Forces armées canadiennes possèdent huit unités de Système de surveillance permanente (SSP).
    Source : Forces armées canadiennes