(Ottawa) Des officiers supérieurs canadiens au NORAD ont révélé vendredi que le présumé « ballon espion chinois » était passé près de plusieurs bases militaires et à travers des « angles morts radar » lors de son vol au-dessus du Canada.

Mais jusqu’à ce que les restes du ballon soient analysés, les responsables canadiens et américains ne sauront pas exactement de quoi il était capable — et quelles informations il aurait pu recueillir.

Par contre, le major-général Paul Prévost, directeur de l’état-major interarmées stratégique des Forces armées canadiennes, a déclaré vendredi que le ballon suspect n’avait pas survolé de sites particulièrement névralgiques au Canada.

« Il est descendu à peu près de l’Alaska jusqu’au Yukon et dans le centre de la Colombie-Britannique, à peu près entre la frontière de l’Alberta et la côte (du Pacifique), a déclaré le major-général Prévost devant le comité de la défense de la Chambre des communes. Il n’y avait aucune infrastructure importante des Forces canadiennes sur sa trajectoire. »

M. Prévost témoignait vendredi matin en compagnie du lieutenant-général Alain Pelletier, commandant adjoint, canadien, du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD).

Les parlementaires ont pu pour la première fois interroger des officiers supérieurs de l’armée sur le ballon chinois et trois autres objets volants non identifiés qui ont été abattus au-dessus de l’Amérique du Nord en fin de semaine dernière.

Un de ces engins, qui a été abattu au-dessus du centre du Yukon samedi dernier, a été décrit par M. Pelletier comme un « ballon présumé ». Un autre objet volant a été abattu le lendemain au-dessus du lac Huron, entre le Michigan et l’Ontario.

Des recherches ont été aussitôt lancées pour retrouver les épaves de ces deux objets ainsi que d’un troisième, abattu celui-là au large des côtes de l’Alaska le vendredi 10 février. La Gendarmerie royale du Canada, l’armée canadienne et la Garde côtière canadienne ont toutes été sollicitées pour participer aux opérations. Les recherches dans le lac Huron ont été suspendues jeudi.

Le lieutenant-général Pelletier a confirmé vendredi que le ballon chinois, qui avait été détecté pour la première fois dans l’espace aérien de l’Alaska le 28 janvier, a traversé le Canada les 30 et 31 janvier avant d’entrer au-dessus des États-Unis, où sa présence a été révélée publiquement.

« Le NORAD a surveillé la trajectoire de vol du ballon pendant la majeure partie de sa trajectoire au-dessus du Canada », a-t-il déclaré.

M. Pelletier a ajouté qu’il y avait eu quelques plages « sans couverture radar sur une partie de sa trajectoire de vol […] Le ballon de surveillance à haute altitude s’est approché de certaines bases canadiennes, mais je ne peux pas parler de la façon dont ces bases canadiennes ont réagi. »

Le Canada possède plusieurs bases militaires en Alberta et en Colombie-Britannique, dont l’une de ses principales escadres d’avions de chasse, à Cold Lake, en Alberta. Mais le major-général Prévost a minimisé toute atteinte à la sécurité nationale : « il n’y avait aucune infrastructure importante des Forces canadiennes sur sa trajectoire ».

Retrouver les épaves

Le lieutenant-général Pelletier a aussi précisé vendredi que les militaires canadiens et américains aimeraient bien en savoir plus sur les capacités du ballon, y compris non seulement sa capacité à recueillir des informations, mais aussi s’il pourrait être utilisé à d’autres fins.

Les deux officiers supérieurs de l’armée canadienne ont également été interrogés vendredi matin sur les trois autres objets abattus après le ballon chinois, et sur la capacité des CF-18 vieillissants du Canada à les abattre.

Le président américain Joe Biden a suggéré jeudi que les trois objets abattus au-dessus de l’Alaska, du Yukon et du lac Huron ne constituaient pas une menace pour la sécurité nationale.

MM. Pelletier et Prévost n’ont pas fourni beaucoup plus de détails : ils ont plutôt souligné l’importance de trouver les épaves de ces objets pour déterminer ce qu’ils étaient réellement. Ils ont par contre laissé entendre que ces recherches pourraient bien ne rien donner.

En annonçant jeudi qu’elle suspendait ses recherches dans le lac Huron, la GRC a blâmé la détérioration des conditions météorologiques et une faible probabilité de succès. Pour ce qui est du Yukon, le major-général Prévost a décrit la recherche comme une tentative de trouver « une aiguille dans un banc de neige ».

L’objet a « atterri en terrain montagneux, avec environ un mètre à un mètre et demi de neige, a-t-il déclaré. Imaginez un objet tombant de 20 000 pieds dans cette neige. »

Mais quoi qu’ils soient, « ce que nous savons de ces objets, c’est qu’ils n’étaient pas autorisés, qu’ils étaient indésirables », a précisé M. Prévost.

Le major-général a également expliqué aux membres du comité que si c’est un avion de chasse F-22 américain qui a détruit l’objet suspect au-dessus du Yukon, au lieu d’un CF-18 canadien, c’est essentiellement une question de temps. Il a expliqué que deux avions de chasse canadiens qui se dirigeaient vers ce secteur étaient à environ cinq minutes de l’endroit où le chasseur américain a tiré. Il a indiqué que le F-22 américain était au bon endroit lorsque la première occasion s’est présentée, « juste au moment où l’objet traversait la frontière ».

Certains observateurs se sont demandé si les vieux CF-18 canadiens auraient vraiment pu abattre un petit ballon se déplaçant lentement à haute altitude, d’autant plus que leurs capteurs et armes de combat sont désuets et n’ont pas encore été mis à niveau.

M. Prévost a convenu vendredi que les CF-18 transportaient une version plus ancienne du type de missile que le F-22 a utilisé pour détruire le ballon au-dessus du Yukon, et que des essais auraient été effectués avant un tir canadien. Le major-général croit que le CF-18 « aurait pu tenter » le tir : « ça aurait été la première tentative d’un F-18. Et avant de tirer, on aurait pu faire quelques essais ».