Un jeune couple, assis devant sa tente à moitié effondrée, est occupé à préparer sa pipe à crack, dans un petit parc du Vieux-Montréal. Non loin, les travailleurs et les touristes se pressent vers le métro, en cette fin d’après-midi de décembre.

Nicholas Singcaster, intervenant à la Mission Old Brewery, s’approche du couple et se présente. « Si vous êtes intéressés, on peut vous aider à vous inscrire à un programme d’aide au logement », dit cette armoire à glace sur un ton bienveillant.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

L’intervenant Nicholas Singcaster recueille du matériel dans la clinique mobile de la Mission Old Brewery.

Les campeurs déclinent son offre, mais lui demandent s’il peut leur fournir du matériel pour consommer de la drogue de façon sécuritaire. Un autre habitant du campement, qui compte environ six tentes, demande de la naloxone, un produit qui peut sauver une vie en cas de surdose d’opioïdes.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

L’intervenant Nicholas Singcaster discute avec des sans-abri qui campent dans un parc du Vieux-Montréal.

L’intervenant a tout ça dans sa clinique mobile, avec laquelle il sillonne les rues de Montréal pour offrir de l’aide aux sans-abri.

Lien de confiance

« Fournir du matériel d’inhalation et d’injection nous permet de bâtir un lien de confiance, mais notre but est surtout le relogement », explique Nicholas Singcaster, qui a aussi dans sa camionnette tous les formulaires d’inscription pour les programmes d’aide au logement.

Mais aborder les personnes qui vivent dans les campements pour les inciter à quitter leurs tentes n’est pas une tâche facile.

Le campement du Vieux-Montréal que nous visitons avec M. Singcaster est régulièrement démantelé par les employés municipaux, mais les campeurs s’y réinstallent aussitôt. Les intervenants de la Mission Old Brewery ont maintenant une entente avec l’arrondissement de Ville-Marie pour qu’on les informe du moment des démantèlements.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Le campement du Vieux-Montréal visité par l’intervenant de la Mission Old Brewery est régulièrement démantelé par les employés municipaux, mais les campeurs s’y réinstallent aussitôt.

« Mais les campeurs ne sont pas de bonne humeur à ce moment-là, donc ils ne sont pas très ouverts à nos services », confie Nicholas Singcaster.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Marie-Pier Therrien, responsable des communications de la Mission Old Brewery, et l’intervenant Nicholas Singcaster

« De toute façon, dans certains cas, je ne suis pas sûre qu’ils accepteraient de respecter le code de vie de nos refuges », ajoute Marie-Pier Therrien, responsable des communications de la Mission Old Brewery, faisant référence aux consommateurs de drogues dures. Les problèmes de santé mentale sont aussi fréquents.

« Ça prendrait un intervenant dédié pour chaque personne dans la rue. »

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Le Café Mission, en janvier dernier

Plusieurs des habitants de ce campement, qui a poussé au cours des derniers mois, fréquentent le Café Mission, qui se trouve tout près et est ouvert presque 24 heures sur 24. Ils vont y manger, s’y réchauffer, prendre une douche, utiliser les toilettes et laver leurs vêtements.

Vers les gens dans le besoin

Avec sa clinique mobile, qui a commencé à rouler en avril dernier, c’est la première fois que l’organisme communautaire sort de ses locaux pour tenter de rejoindre dans leur milieu des gens dans le besoin qui n’iront pas nécessairement demander de l’aide par eux-mêmes.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

La clinique mobile de la Mission Old Brewery

On y offre de l’information sur les services disponibles, quelques produits de première nécessité. Et aussi, quelques heures par semaine, les services d’une infirmière et d’étudiantes en soins infirmiers qui soignent les plaies et maladies bénignes et qui peuvent faire des références à des spécialistes.

Des représentants de la Clinique juridique itinérante sont parfois à bord pour répondre aux questions.

On a affaire à une clientèle vulnérable qui ne connaît pas toujours ses droits. Ils veulent parfois savoir s’il y a un mandat contre eux, si la police les cherche, quand est leur prochaine date de cour, s’ils ont des recours en cas de perte de leur logement, etc.

Marie-Pier Therrien, responsable des communications de la Mission Old Brewery

Les intervenants n’ont pas eu de succès en abordant les campeurs du Vieux-Montréal, mais la clinique mobile se révèle tout de même efficace dans certaines situations.

Brian Busby, par exemple, a vu le minibus alors qu’il errait à la place Émilie-Gamelin. Après avoir quitté un appartement infesté de punaises, il n’avait nulle part où aller. En rencontrant Nicholas Singcaster, il a pu intégrer un dortoir de la Mission Old Brewery et entreprendre, avec du soutien, des démarches pour trouver un nouveau logement.

« C’est un peu long, j’ai hâte que ça débloque », dit l’homme de 61 ans, qui a notamment travaillé comme agent de sécurité sur des lieux de tournage.

« On veut que les gens passent le moins de temps possible dans les refuges d’urgence, explique Mme Therrien. La solution, c’est le logement, mais il en manque. »

Nicholas Singcaster a fait d’autres heureux, lors de la première chute de neige de la saison, quand il a distribué des bottes à de nouveaux arrivants. « Ils se promenaient nu-pieds dans leurs gougounes, dans la neige, se désole-t-il. Je les ai obligés à mettre des bottes sur-le-champ. »