Aicha* a cru qu’elle se retrouverait à la rue avec son fils de 10 ans, en septembre dernier, lorsqu’elle a dû quitter son travail en catastrophe pour retourner chez elle, à LaSalle, où des huissiers étaient en train de vider son appartement.

« Ils avaient sorti toutes mes affaires dans le couloir, tout mis pêle-mêle dans des sacs de poubelle, la nourriture mélangée avec les vêtements et les papiers importants. Un monsieur que je ne connais pas avait pris mes chatons », relate-t-elle, encore secouée par l’évènement.

Pourquoi était-elle évincée du logement qu’elle occupait depuis 2014 ? À cause d’une dette de 500 $ qu’elle avait envers son propriétaire.

Elle s’était pourtant entendue avec lui pour rembourser cette somme le mois suivant. Le propriétaire lui avait dit qu’il renonçait à la traîner devant le Tribunal administratif du logement.

« Je payais souvent mon loyer en retard, mais j’ai toujours fini par le rembourser, avec les intérêts », dit Aicha, qui avait perdu son emploi et s’est retrouvée temporairement prestataire de l’aide sociale, avant de commencer un nouveau travail comme femme de chambre dans un hôtel.

Avec son maigre salaire, elle avait du mal à payer son loyer de 1025 $. L’appartement n’était pas très bien entretenu, mais la mère de famille monoparentale ne voulait pas déménager parce qu’elle vivait près de l’école de son fils et pas trop loin de son travail, à Dorval. De toute façon, les loyers abordables sont très rares, en période de crise du logement.

Sans famille ni amis à Montréal pouvant l’héberger, Aicha était désemparée. Allait-elle se retrouver avec son fils dans un refuge pour sans-abri ?

Bouée de secours

Heureusement, sa patronne savait que l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM) pouvait venir en aide aux ménages se retrouvant sans logement. Aicha a donc pu profiter du programme Passerelle et est hébergée dans un hôtel du centre-ville depuis son éviction.

La situation n’est pas idéale : avant la grève, elle devait aller conduire son fils à l’école à LaSalle avant de se rendre à son travail à Dorval, ce qui l’obligeait à partir à 6 h chaque matin. En raison de ses retards au service de garde en fin de journée, elle a accumulé des amendes salées.

Mais tout cela tire à sa fin : Aicha emménage cette semaine dans un nouveau logement à Lachine où, grâce au programme de soutien au logement (PSL), elle ne paiera que 25 % de son revenu en loyer, le reste étant assumé par le gouvernement.

En plus du programme Passerelle, Aicha a pu profiter du programme de prévention de l’itinérance et de soutien au logement de la Mission Old Brewery, qui a permis de lui trouver un appartement. Elle continuera aussi de recevoir un suivi psychosocial de la part d’une intervenante.

« Je suis tellement contente ! Je ne m’attendais pas à recevoir une telle aide. Je remercie le bon Dieu », s’exclame Aicha, alors qu’elle essuie les larmes qui lui coulent sur les joues, dans sa chambre d’hôtel exiguë.

C’est une bénédiction. Si j’avais été seule, j’aurais pu dormir n’importe où, mais avec mon enfant, je ne pouvais pas m’imaginer me retrouver à la rue. Là, je vais pouvoir passer Noël avec lui dans mon nouveau logement.

Aicha

Le programme de la Mission Old Brewery prévoit même une aide financière pour l’achat de meubles, puisqu’elle n’a pu placer qu’une petite partie de ses biens en entreposage.

Évaluer le risque

« C’est une nouvelle approche qu’on a développée depuis deux ans. On aide les personnes à risque d’itinérance avant qu’elles se retrouvent à la rue, pour éviter qu’elles passent par les refuges », explique Marie Henninger, coordonnatrice des services de prévention et de soutien au logement de la Mission Old Brewery.

Des organismes comme les centres de détention, les centres d’aide aux réfugiés et l’OMHM dirigent vers la Mission Old Brewery des personnes à risque. Elles sont ensuite évaluées selon l’urgence de leur situation.

Si quelqu’un est sur le point d’être évincé de son logement, les intervenants peuvent par exemple négocier une entente avec le propriétaire et faire ensuite avec le locataire un plan budgétaire pour éviter les retards de paiement.

Mais dans bien des cas, il faut relocaliser la personne, ce qui n’est pas une mince affaire en période de pénurie de logements.

Le programme s’est fait recommander environ 300 personnes jusqu’à maintenant et a réussi à replacer la moitié d’entre elles. « Les profils sont très variés, dit Marie Henninger. On a des hommes, des femmes, des personnes âgées, des demandeurs d’asile, et même des familles, qui sont parfois à risque d’itinérance. »

* Prénom d’emprunt utilisé pour préserver son anonymat

En savoir plus
  • 19
    Nombre de ménages dans le programme d’hébergement d’urgence de l’Office municipal d’habitation de Montréal, dont 2 depuis la période du 1er juillet
    SOURCE : Office municipal d’habitation de Montréal