La mairesse de Montréal a défendu la stratégie de démantèlements périodiques des campements pour sans-abri dans la métropole, plaidant qu’on ne peut laisser des gens dormir dehors. Le gouvernement du Québec, lui, assure faire le nécessaire en respectant l’autorité de chacun.

Dans un campement, « il y a beaucoup de criminalité, il y a des risques d’incendie, il y a des attaques [comme on l’a vécu à Montréal], des viols également », a dit Valérie Plante, mardi matin, en réponse à une question du chef de l’opposition. « La plupart des itinérants, ce qu’ils demandent, ce n’est pas de dormir dans une tente, ce n’est pas de dormir dans un refuge, […] c’est d’avoir un toit au-dessus de leur tête. »

« Du logement pérenne, ça, c’est la vraie dignité. C’est ce qu’une société comme la nôtre devrait accepter, a-t-elle continué. Pas de dormir dans une tente, pas de dormir dans la rue. »

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Valérie Plante, mairesse de Montréal

La Presse a révélé mardi matin1 que Montréal a démantelé au moins 460 campements de sans-abri depuis le début de l’année 2023, dont 420 dans l’arrondissement de Ville-Marie. Seulement pour cet arrondissement, c’est quatre fois plus qu’en 2021.

Québec laisse la gestion aux villes

Au cabinet du ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, on assure suivre « de près la situation de l’itinérance et ses différentes dynamiques dans toutes les régions du Québec ». Questionné sur le nombre record de démantèlements de campements de sans-abri survenus à Montréal, Québec dit que « la gestion des campements demeure la prérogative des municipalités et de leurs corps policiers ».

« Notre cabinet a régulièrement des discussions avec les [CISSS, les CIUSSS] et les municipalités afin de favoriser une action coordonnée qui réponde aux besoins des personnes en situation d’itinérance ou à risque de le devenir », explique l’attaché de presse du ministre, Lambert Drainville, rappelant l’investissement de 9,7 millions de dollars annoncé le mois dernier par le ministre Carmant pour la lutte contre l’itinérance à Montréal. Une somme qui permet l’ajout et la pérennisation de centaines de places en refuge d’urgence en prévision de l’hiver, précise-t-il.

Montréal n’a pas de portrait global de la situation des campements sur son territoire, a aussi révélé notre enquête.

C’est Québec – par l’entremise du ministère de la Santé et des Services sociaux et de ses CIUSSS – qui a « la capacité » de dresser ce genre de portrait, selon les autorités municipales. Les CIUSSS montréalais joints par La Presse n’avaient pas davantage de statistiques à offrir.

Au cabinet du ministre Carmant, on répond que « le Dénombrement des personnes en situation d’itinérance visible au Québec 2022, paru en septembre dernier, donne un portrait détaillé des réalités régionales » et que le ministre s’est engagé à tenir un prochain dénombrement dès 2024 « afin, notamment, d’évaluer le résultat des actions mises en place ainsi que les besoins ».

Des organismes préoccupés

Au Mouvement pour mettre fin à l’itinérance à Montréal – organisation qui regroupe la vaste majorité des refuges de la métropole –, on est inquiet de la prolifération des campements ainsi que de leur démantèlement.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Julie Grenier, porte-parole du Mouvement pour mettre fin à l’itinérance à Montréal

« Les campements nous préoccupent parce que cela ne respecte pas la dignité des personnes et contribue à augmenter leur vulnérabilité en les mettant à risque de toutes sortes d’incidents », dit sa porte-parole Julie Grenier. Cela étant dit, précise-t-elle, « en démantelant des campements, on ne fait que déplacer le problème si nous n’avons pas [de solution de remplacement] à offrir ».

Le logement est un droit de la personne, rappelle le Mouvement pour mettre fin à l’itinérance à Montréal.

[Les campements], cela ne devrait jamais être une solution. C’est le reflet d’une crise sur plusieurs fronts, celle du logement certes, mais aussi celle des personnes hautement désaffiliées pour toutes sortes de raisons, dont souvent d’importants problèmes de consommation qui les empêchent d’accéder à d’autres lieux.

Julie Grenier, porte-parole du Mouvement pour mettre fin à l’itinérance à Montréal

L’organisation a été créée en 2013 sur la prémisse de pouvoir avoir des données permettant de prendre des décisions éclairées. Elle a été l’instigatrice du premier dénombrement de sans-abri à Montréal en 2015, en plus d’investir dans un tableau de bord permettant de suivre le nombre de personnes accompagnées en logement par les refuges. « Malheureusement, ce sont parmi les rares données colligées à ce jour sur l’itinérance et elles continuent de tenir sur du financement précaire », ajoute Mme Grenier.

Par ailleurs, preuve, comme le révélait notre enquête, que la crise de l’itinérance est désormais bien visible dans des quartiers excentrés de Montréal : la ministre responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire, Chantal Rouleau, a annoncé mardi une aide financière de quelque 80 000 $ à un organisme de Pointe-aux-Trembles. Le projet-pilote de l’organisme de l’est de la ville vise à mettre en relation les personnes à risque ou en situation d’itinérance avec des intervenants de la communauté pour leur offrir des services comme des haltes-chaleur.

1. Lisez « Campements de sans-abri à Montréal : plus de 460 démantèlements »