Deux clients satisfaits plaident pour que des cliniques privées continuent d’offrir de la kétamine, malgré les critiques adressées à ces dernières1.

« J’ai compris que je m’en sortirai toujours »

Tracey Gervais, établie en Outaouais, a grandi avec une mère toxicomane, puis subi une longue série d’épreuves traumatisantes. Après l’arrêt de ses antidépresseurs, la mort de sa belle-mère et de ses deux chats, elle avait récemment perdu le goût de vivre. Et a donc fait six séances de kétamine depuis la fin de janvier.

J’ai d’abord essayé d’être admise dans plusieurs hôpitaux, mais ça ne marchait jamais, pour toutes sortes de raisons différentes, et une clinique privée ne m’a jamais répondu après avoir reçu la recommandation de mon psychiatre. Quand j’ai vu le site web du Centre canadien pour la guérison psychédélique [fusionné avec Field Trip], je ne le trouvais pas très professionnel. J’hésitais. Mais j’ai eu un bon feeling pendant ma consultation virtuelle avec l’infirmière.

Tu parles à un thérapeute au début de chaque séance, avant de prendre une pastille de kétamine qui doit fondre dans ta bouche. C’est long et ça a un goût horrible ! Un jour, un gars criait dans une autre pièce, mais on m’a dit que ça ne lui est plus arrivé ensuite.

Une fois la pastille fondue, tu t’allonges avec un bandeau sur les yeux et tu passes 45 minutes à réfléchir à la vie. Tu peux mettre des écouteurs et entendre des sons de la nature mêlés à des sons électroniques.

Je n’ai jamais eu d’hallucinations, j’ai juste vu des couleurs. Et je me suis sentie trop « high » une seule fois, parce qu’on avait augmenté la dose.

Je n’ai pas eu d’illumination ; je ne me suis pas dit : « Mon Dieu ! Tout est réglé ! » Mais j’ai ressenti des choses très profondes et j’ai découvert des façons très intéressantes de penser.

Quand tu es déprimée et que les gens te disent : « C’est la vie ; il faut que tu l’acceptes », tu as envie de leur faire ravaler leurs conseils. Mais sous kétamine, tu parviens à cette prise de conscience d’une manière beaucoup plus incarnée, et tu n’as plus l’impression que quelqu’un te donne un conseil stupide ! Ça m’a beaucoup aidée à accepter ma rupture et mon besoin d’antidépresseurs. Il m’arrive encore d’être triste, mais ma tristesse n’est pas aussi profonde. J’ai compris que je m’en sortirai toujours, et ça me donne un peu plus confiance en moi.

Beaucoup de gens font ces traitements parce qu’ils ont des traumatismes qu’ils n’ont jamais essayé de résoudre auparavant. Je pense que mes 18 ans de psychothérapie m’ont donné un grand avantage.

Il y a des cliniques qui ne pensent qu’à l’argent. Tout ce qu’elles veulent, c’est profiter d’une tendance, sans se soucier de toi. Mais il y en a aussi des bonnes. Il faut savoir faire la différence entre les deux, ce qui est difficile quand tu traverses un moment de désespoir.

« J’ai trouvé une paix intérieure qui me permet d’aller de l’avant »

En 2010, une explosion a grièvement blessé le caporal ontarien Grant Miller en Afghanistan. Onze ans plus tard, le diplômé en économie a commencé une thérapie assistée par kétamine et est devenu consultant pour la chaîne de cliniques Field Trip et pour d’autres acteurs de l’industrie des psychédéliques.

PHOTO FOURNIE PAR GRANT MILLER

Caporal retraité de l’armée, l’Ontarien Grant Miller, 37 ans, milite en faveur des thérapies assistées par kétamine ou par hallucinogènes.

Nous étions en patrouille à pied quand mon coéquipier et ami a touché à un engin explosif improvisé. Il est mort une semaine plus tard. C’est une chose dont on ne se remet pas…

Après plusieurs opérations chirurgicales, j’ai été renvoyé au Canada et on m’a diagnostiqué un trouble de stress post-traumatique et des lésions cérébrales. Je souffrais aussi de douleurs chroniques.

J’ai suivi de nombreuses thérapies au fil des ans, mais on s’occupait de mes problèmes au quotidien, sans régler mes traumatismes. J’avais l’impression qu’il me manquait des parties de moi. Quand j’ai obtenu mon diplôme, j’étais exténué.

Deux gars avec qui j’avais servi dans l’armée m’ont dit que la psychothérapie assistée par la kétamine avait changé leur vie. Et ç’a été pareil pour moi. J’ai fait six séances avec Field Trip en 2021. Un professionnel formé m’aidait à donner un sens à ce que j’expérimentais.

Pendant une séance, je me suis senti plus détendu que je ne l’avais jamais été, même avant l’Afghanistan. Une autre fois, j’ai halluciné que j’étais de retour là-bas. C’était une expérience folle, mais elle m’a permis de faire la paix avec cette partie traumatisante de ma vie, pour aller de l’avant.

La kétamine a soulagé ma dépression, mon anxiété et ma douleur. Je serais incapable de diriger mon entreprise autrement. C’est le traitement le plus efficace et le plus rentable que j’ai jamais eu !

J’ai besoin d’en recevoir deux par année, mais le ministère des Anciens Combattants a arrêté de les financer il y a un an. En février, j’ai dû payer 350 $ moi-même. J’ai du mal à accepter ça, puisque c’est le traumatisme que j’ai vécu pendant mon service qui rend ces traitements nécessaires. Je me bats avec eux pour qu’ils recommencent à les couvrir.

1. Leurs propos ont été adaptés par souci de concision.