Plusieurs questions restent en suspens après le rejet de la poursuite de 8 millions de dollars intentée par une femme qui a accepté 50 000 dollars du milliardaire montréalais Robert Miller, renonçant implicitement à tout recours contre lui. Une juriste espère que la Cour d’appel clarifie la situation.

« Je pense qu’il serait très utile que la Cour d’appel se penche sur cette affaire », souligne la directrice générale de Juripop, Sophie Gagnon.

Mardi, La Presse rapportait que la Cour supérieure avait rejeté la poursuite de 8 millions de dollars intentée par une femme alléguant avoir eu une relation sexuelle avec Robert Miller, alors qu’elle était mineure.

Dans sa décision, le juge Marc St-Pierre faisait valoir que la plaignante avait auparavant accepté 50 000 $ de la part du milliardaire, renonçant implicitement à tout recours futur contre lui.

Implicitement, car la plaignante n’a jamais signé la quittance dans laquelle elle devait sy’engager à une telle condition. Or, le fait qu’elle soit partie avec l’enveloppe indique qu’elle y consentait, selon le juge.

Depuis, les avocats de la femme ont annoncé qu’ils porteraient la décision en appel. Pour Sophie Gagnon, l’affaire soulève une question de droit « importante à clarifier ».

« Une partie vulnérable, comme c’est le cas d’une personne victime, peut-elle consentir tacitement par son seul comportement à une quittance ? », soutient-elle.

Si c’est le cas, la juriste rappelle que les victimes de violences sexuelles sont des personnes vulnérables, et que leur comportement peut être affecté par les traumatismes qu’elles ont subis.

« Lorsque les personnes victimes replongent dans leur récit, qu’elles revoient les personnes qui ont été impliquées dans les faits, cela peut susciter toute une gamme de comportements », dont la désorganisation.

« La personne peut poser des gestes qui paraissent irrationnels, qui sont difficiles à comprendre », énumère-t-elle.

Une décision qui ne lie pas toutes les victimes

D’autres femmes pourraient-elles se retrouver dans la même situation que la plaignante ?

L’avocat de Robert Miller a déjà déclaré que plusieurs femmes avaient contacté directement les représentants de l’homme d’affaires pour s’entendre avec lui.

« Ma crainte, c’est qu’une décision comme ça donne à penser à tort que toute situation similaire à celle-ci mènera au même résultat », affirme MGagnon.

« C’est important de mentionner que la décision qui a été rendue ne lie pas l’ensemble des autres victimes. Chaque personne victime peut tenter de faire valoir ces droits, même si elle a eu un comportement similaire », plaide-t-elle.

Des victimes souvent mal conseillées

La négociation peut être une avenue intéressante pour les victimes, note Sophie Gagnon. « Elle leur permet de mettre fin à un processus judiciaire qui est long, qui est incertain, qui est coûteux », énumère-t-elle.

Or, cette décision « illustre l’importance que les personnes victimes soient accompagnées quand elles renoncent à des droits ».

Car il arrive encore trop souvent qu’elles soient mal conseillées pendant le processus de négociation.

Conséquence, « elles vont souvent renoncer trop facilement à leurs droits ou accepter des montants qui sont trop inférieurs eu égard à ce dont elles auraient droit devant les tribunaux », déplore MGagnon.

En février 2023, une dizaine de femmes alléguaient dans une enquête de Radio-Canada avoir eu des relations sexuelles avec le milliardaire Robert Miller en échange d’argent. Plusieurs affirmaient qu’elles étaient mineures au moment des faits.

Menacé d’une action collective, Robert Miller a toujours nié les allégations des plaignantes à son endroit.

Dans une version précédente de ce texte, nous écrivions que Sophie Gagnon était la fondatrice de la clinique Juripop. Or, elle est en la directrice générale. Nos excuses.