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Est-ce qu’on va modifier le type d’asphalte des rues à cause des changements climatiques ?

Jean Pellerin

Oui, mais au Canada, cela risque de ne pas être suffisant pour éviter des routes plus crevassées qu’auparavant.

« Avec les changements climatiques, on doit avoir des bitumes qui résistent à des températures plus élevées, mais on doit conserver une résistance aux températures les plus froides », explique Alan Carter, ingénieur spécialiste de l’asphalte à l’École de technologie supérieure (ETS). « Alors l’asphalte va devoir résister à une plus grande plage de températures. Ça va facilement être de 20 % à 30 % plus cher. »

Comme on l’a vu l’hiver dernier, les changements climatiques vont aussi s’accompagner de réchauffements subits en hiver.

PHOTO TIRÉE DU SITE DE L’ETS

Alan Carter, ingénieur spécialiste de l’asphalte à l’ETS

On va avoir plus de cycles de gel et dégel. Ça affecte la durabilité de l’asphalte. Et en ce moment, on n’a pas d’outils pour quantifier la durabilité en fonction du nombre de cycles gel-dégel.

Alan Carter, ingénieur spécialiste de l’asphalte à l’ETS

L’asphalte est composé de 95 % de granules de pierre et de 5 % de bitume, un résidu lourd du pétrole. « Les cailloux se foutent des changements climatiques, dit M. Carter. Ils deviennent plus chauds, plus froids, c’est tout. La température affecte la colle, le bitume. »

L’asphalte est caractérisé par un « indice de performance » (PG) qui indique la température maximale et minimale qu’il peut supporter. Dans le sud du Québec, il faut du PG 58-34, ce qui signifie qu’il peut supporter des températures allant de -34 à 58 degrés Celsius.

PHOTO TIRÉE DU SITE DU DÉPARTEMENT DES TRANSPORTS DE L’INDIANA

Orniérage causé par le dépassement de la température maximale de l’indice de performance de l’asphalte.

Réservoir thermique

« Le sol est un réservoir thermique, explique l’ingénieur de l’ETS. Alors, il va se réchauffer en surface davantage que l’air, parce qu’il se refroidit moins durant la nuit. Et l’hiver, la chaleur de la profondeur du sol va tempérer la température de surface de l’asphalte. »

Quand il fait chaud, l’asphalte prend de l’expansion et quand il fait froid, il se contracte. Ça crée un mouvement qui peut créer des fissures si le PG est dépassé. « Et il y a une limite au nombre de cycles thermiques chaud-froid que l’asphalte peut supporter. Après, il devient moins élastique et des fissures apparaissent lors des changements de température trop brusques. »

Comme il y a davantage d’augmentations et de chutes brusques de température, particulièrement l’hiver, on travaille à mettre au point un indice qui mesurerait la capacité à supporter plus ou moins de cycles de températures.

Alan Carter, ingénieur spécialiste de l’asphalte à l’ETS

Ces changements de température hivernaux expliquent pourquoi nos routes sont plus crevassées qu’en France, par exemple, selon M. Carter. « Les changements climatiques vont amener des hivers moins rudes en moyenne, mais avec plus de changements de température. Alors finalement, ça va être plus dur pour l’asphalte. »

Le dépassement de la température maximale du PG crée des ornières. Pour les températures sous le minimum du PG, des fissures thermiques apparaissent perpendiculairement au sens de la circulation. Elles surviennent à des intervalles correspondant à la largeur de la rue. Pour une rue de 1 kilomètre qui fait 20 mètres de large, il va donc y avoir 50 fissures séparées par 20 mètres chacune.

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  • 77,4 %
    Proportion des chaussées de responsabilité provinciale au Québec qui étaient en bon état en 2022. En 2006, cette proportion était de 63,2 %.
    SOURCE : Transports et Mobilité durable Québec