(Lévis) Depuis qu’il est revenu en politique, Bernard Drainville marque les esprits avec sa personnalité colorée, qui lui a valu l’honneur (s’il en est un) d’être parodié lors du dernier Bye bye dans un sketch somme toute dur envers le politicien.

« On me fait des reproches, mais on reproche en même temps aux politiciens d’être cassette, ternes et dans une langue de bois. Ben moi, je suis comme je suis. Je suis la même personne en privé qu’en public. Je dis les choses parfois crûment, mais c’est comme ça », affirme M. Drainville, allergique aux personnes « phony-baloney ».

Selon lui, « les citoyens préfèrent la franchise, quitte à ce que ça soit parfois controversé ». Il dit avoir appris cette leçon lorsqu’il était ministre péquiste responsable des Institutions démocratiques, sous le gouvernement de Pauline Marois. Avec la Charte des valeurs, se rappelle-t-il, « il avait la majorité du monde médiatique contre [lui], mais la majorité des citoyens avec [lui] ». « J’en ai tiré des leçons. »

Dans une entrevue récemment accordée à des jeunes rassemblés au sein de l’organisme Partenaires 12-18, dans le Centre-du-Québec, le ministre concède toutefois qu’il est maintenant moins populaire qu’il ne l’était quand il animait à la radio.

Le sondage des personnalités politiques de Léger de la dernière fois a démontré que j’ai pris une descente incroyable. Il y a beaucoup de gens qui m’aimaient qui ne m’aiment plus aujourd’hui […] C’est surtout lié au fait que j’ai fait des erreurs pendant mes six premiers mois en tant que ministre de l’Éducation. Ça a donné la possibilité aux médias de me critiquer très férocement, à juste titre jusqu’à un certain point.

Bernard Drainville

Bernard Drainville entend corriger le tir et se fixe même des objectifs qu’il détaille à La Presse en prévision des élections de 2026.

Priorité sur la pénurie d’enseignants

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Le ministre Drainville lors d’une série de rencontres à son cabinet

Dans une salle de conférence à son cabinet, face aux fenêtres qui dévoilent une vue spectaculaire sur les montagnes laurentiennes, le ministre de l’Éducation rencontre virtuellement Catherine Cano, représentante du Québec au sein de la délégation canadienne auprès de l’UNESCO à Paris. Elle lui rappelle qu’il manque à ce jour 44 millions d’enseignants dans le monde pour atteindre l’objectif d’un enseignement primaire et secondaire pour tous d’ici 2030.

Le sujet de la pénurie d’enseignants, Bernard Drainville le connaît. L’été dernier, il a fini par promettre qu’il y aurait à tout le moins un adulte par classe à la rentrée, alors que les écoles n’arrivaient pas à pourvoir tous les postes. Depuis quelques années, le nombre d’enseignants non qualifiés a d’ailleurs explosé.

D’ici aux prochaines élections, le ministre veut faire en sorte que la pénurie perde de la vitesse. « D’ici 2026, il faut qu’il y ait des signes concrets que la pénurie commence à se résorber. Pourquoi ? Parce que ça va donner de l’espoir et […] je vais pouvoir créer de nouvelles classes, donner de meilleurs services aux élèves à besoins particuliers et donner davantage de services en francisation. » Le Ministère compile déjà le nombre de postes d’enseignants non pourvus dans le réseau. Ce chiffre sera plus que jamais scruté à la loupe.

M. Drainville veut également convaincre les universités d’offrir un programme court en pédagogie pour donner rapidement le brevet d’enseignement aux profs qui ont un bac dans une autre matière et qui sont déjà nombreux à enseigner dans les écoles. Cet objectif figurait déjà dans ses sept priorités, dévoilées en janvier 2023, mais le ministre constate plusieurs « résistances ».

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Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, lors d’une journée de travail au parlement

Parmi les autres indicateurs sur lesquels il souhaite être jugé, M. Drainville cible également l’augmentation du nombre de projets pédagogiques particuliers dans les écoles publiques, la présence d’aides à la classe dans une classe du primaire sur deux et le lancement du nouveau programme d’enseignement du français, un chantier fort attendu.

Manquera-t-il de temps ?

Pour les intervenants interviewés par La Presse dans le cadre de ce reportage, il est désormais urgent que les réformes caquistes livrent des résultats. Selon la présidente de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), Mélanie Hubert, « c’est une chose de signer une convention collective, mais faire en sorte qu’elle livre ses promesses, ça en est une autre ».

La présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ), Josée Scalabrini, espère que le ministre sera le porte-voix du réseau.

On a besoin de quelqu’un qui est prêt à défoncer des portes. Bernard Drainville, s’il se met en mode action, il pourrait être capable de faire ça. Mais il faut qu’il le fasse avec nous.

Josée Scalabrini, présidente de la FSE-CSQ

Le ministre de l’Éducation jure qu’il est conscient de tous ses défis. « Je ne suis pas venu en politique en touriste. Je suis venu en politique pour faire des changements. Je dérange parce que je veux changer les choses », promet-il.

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Bernard Drainville et les membres de son cabinet après une rencontre avec la lieutenante-gouverneure du Québec pour sanctionner un projet de loi

Les Québécois croient-ils encore qu’il est le politicien requis pour redresser le système scolaire ? M. Drainville est convaincu qu’il lui reste assez de temps pour le prouver, avec son équipe, si le premier ministre François Legault le laisse à l’Éducation.

« On est loin d’être morts. Prenez-en note. On est loin d’être morts et on va se battre jusqu’en 2026 », conclut-il.