Le Québec comptait 58 049 étudiants étrangers dans ses universités, à l’automne 2023, 6,9 % de plus que l’année précédente, selon les plus récentes données du Bureau de coopération interuniversitaire (BCI), publiées le 5 octobre.

D’où vient cet engouement pour les étudiants d’ailleurs ? Pourquoi en veut-on toujours plus, malgré des bémols exprimés à la fin du mois d’août par le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, dans le sillage de la crise du logement ? Ce sont en effet 3728 étudiants étrangers de plus qu’en 2022 qui ont dû trouver un toit.

Les gouvernements, les universités et les milieux économiques ont chacun leurs raisons pour les accueillir à bras ouverts.

1. Des droits de scolarité

Pour les universités, le facteur le plus évident, c’est que les étudiants d’ailleurs paient des droits de scolarité beaucoup plus élevés que les résidants québécois, ce qui en fait une source de revenus appréciable.

Au Québec, les droits de scolarité sont solidement encadrés, autour de 3000 $ par année pour les étudiants québécois et les résidents permanents, en 2023. Les droits demandés aux étudiants étrangers, eux, sont déréglementés. Ils varient selon les universités et les programmes, mais en général, ils sont compris entre 20 000 $ et 30 000 $ par année scolaire.

Le gouvernement a annoncé, le 13 octobre, que le tarif établi pour les étudiants internationaux inscrits au 1er et au 2e cycle professionnel sera d’environ 20 000 par an, à partir de l’automne 2024, soit moins que ce qui est déjà exigé dans la plupart des universités.

Les revenus provenant des frais de scolarité des étudiants internationaux ont procuré aux universités québécoises des sommes supplémentaires de 407 millions entre 2019 et 2022, dont 282 millions à McGill, Concordia et Bishop’s.

Les universités se défendent toutefois d’accueillir des étudiants étrangers « pour remplir leurs coffres ».

« Ce n’est pas un gain financier énorme pour nous, assure le recteur de l’Université de Montréal, Daniel Jutras. La première question à se poser, ce n’est pas le gain financier, c’est la manière dont ces gens-là contribuent à nos programmes, à la diversité des discours dans les cours, les labos, dans les équipes de recherche, et à la qualité de la formation des étudiants québécois. Toutes les grandes universités du monde attirent beaucoup d’étudiants internationaux dans cet objectif, non pas pour remplir leurs coffres. »

2. Des places à pourvoir

L’inscription des étudiants joue un autre rôle, celui de compenser l’érosion des clientèles locales. Les effets de la démographie font en sorte que, après une croissance forte, les effectifs étudiants ont commencé à plafonner à partir de 2014. En 2023, le nombre total d’étudiants, soit 313 589, était à peine plus élevé que celui de 2015, qui était de 310 516.

Mais le nombre d’étudiants locaux, qu’ils soient québécois, résidents permanents ou canadiens des autres provinces, lui, a baissé. De 272 103 en 2015, il est passé à 257 375 en 2022 et à 255 540 en 2023.

Pendant cette période, le nombre d’étudiants internationaux a explosé. En 2015, ils étaient 38 294. Cette année, 58 049 étudient dans une université québécoise. Résultat : l’arrivée des étudiants étrangers a empêché une baisse des clientèles.

Cet impact est important en région, où certains programmes ont pu être préservés grâce aux étudiants internationaux.

3. Un apport à la recherche

Un autre facteur, c’est l’apport de ces étudiants à la recherche et au savoir.

« L’UQAM s’inscrit dans une perspective d’internationalisation depuis déjà quelques décennies, souligne la porte-parole, Caroline Tessier. L’internationalisation fait référence à l’intégration d’une dimension internationale en enseignement et en recherche, ainsi qu’en matière de services aux collectivités. »

Si, dans le cas des résidants québécois, 76,6 % sont inscrits au premier cycle, c’est 49,6 %, soit un peu moins de la moitié, pour les étudiants internationaux. L’autre portion de 51,4 % poursuit des études de deuxième et troisième cycle. Cela correspond à un phénomène répandu, selon lequel les étudiants vont faire des études avancées à l’étranger. Les Québécois font de même.

Il n’en reste pas moins que si les étudiants internationaux comptent pour 18,5 % des effectifs totaux, ils représentent 28 % des étudiants à la maîtrise et 48 % des étudiants au doctorat.

C’est un apport essentiel en recherche et en innovation pour les universités.

« Ces étudiants apportent une super belle contribution à la vie universitaire », affirme Yan Cimon, vice-recteur adjoint aux affaires internationales et à la francophonie à l’Université Laval.

« La présence d’étudiants étrangers est critique au bon fonctionnement de nombreux laboratoires, dont le mien », ajoute Roger Lippé, professeur et chercheur au département de pathologie et biologie cellulaire de l’Université de Montréal.

4. Des candidats idéaux à l’immigration

Pour les gouvernements, la principale raison, c’est que les étudiants internationaux diplômés ici sont des candidats idéaux pour la résidence permanente. Souvent jeunes, ils possèdent des compétences professionnelles recherchées, en plus d’avoir séjourné pendant au moins deux ans au Québec, ce qui favorise leur intégration à long terme.

Ces étudiants sont un pilier de la stratégie d’immigration au Québec et au Canada.

La nouvelle version du Programme de l’expérience québécoise (PEQ) vise d’ailleurs à favoriser la rétention des étudiants étrangers francophones diplômés ici, en leur offrant une voie rapide vers l’immigration.

« On a des étudiants qui ont une expérience très intéressante du Québec et du Canada, qui comptent parmi les meilleurs talents dans leur pays puisqu’ils réussissent à passer au travers des exigences d’admission de nos établissements », souligne M. Cimon.

Mais, attention, la concurrence nationale et internationale s’intensifie pour gagner la faveur des étudiants étrangers de haut niveau.

5. Des retombées économiques

La présence de ces étudiants a aussi un impact économique important.

En 2019-2020, outre les droits de scolarité, les 50 000 étudiants de l’extérieur du Québec qui fréquentaient des établissements d’enseignement de Montréal ont généré des dépenses estimées à 722,3 millions, selon une étude de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

Ces dépenses ont contribué à hausser le PIB de 427,4 millions et ont généré 52,5 millions en recettes fiscales directes et indirectes, note la Chambre.

Une nouvelle tarification sans grand impact

Le nouveau modèle de tarification pour les étudiants venant de l’extérieur du Québec, dévoilé le 13 octobre, devrait avoir peu d’effets sur les étudiants étrangers. Il affectera surtout les étudiants des autres provinces canadiennes. Même si les détails précis sur ce projet restent à venir, le communiqué de la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, indique que la principale mesure affectera les étudiants canadiens hors Québec, dont les droits de scolarité vont passer de 9000 $ à environ 17 000 $ par an, soit le coût de leur éducation s’ils s’inscrivent dans une des trois universités anglophones. Le tarif plancher qui sera imposé aux étudiants étrangers sera d’environ 20 000 $ par an. Cependant, ce montant est inférieur aux frais en vigueur dans la plupart des universités. En outre, les étudiants qui bénéficient d’une exemption des droits de scolarité supplémentaires, notamment les Français, ne sont pas visés par les nouvelles mesures. Or, les étudiants français représentent environ la moitié de l’effectif des étrangers dans les universités francophones, et sont le troisième groupe en importance à McGill et à Concordia. De plus, les étudiants non québécois inscrits au deuxième cycle en recherche et au troisième cycle ne seront pas touchés par ces nouvelles mesures. Ces étudiants constituent autour de 50 % des étudiants étrangers dans les universités québécoises.

La part des universités francophones

La part des universités francophones ne cesse de croître. Selon les données récentes du BCI, le nombre d’étudiants étrangers dans les trois universités anglophones du Québec a baissé très légèrement, de 20 598 en 2022 à 20 449 en 2023, en raison d’une stabilisation des inscriptions à McGill et à Concordia. Mais les inscriptions de ces étudiants dans les universités francophones ont bondi, passant de 33 723 à 37 600, soit une hausse de 11,5 %. Cette augmentation s’explique essentiellement par de très fortes croissances hors de la métropole : Laval (15,4 %), Sherbrooke (18,5 %) et plusieurs établissements du réseau de l’Université du Québec, à Rimouski (48,9 %), en Outaouais (40,0 %), à Trois-Rivières (34,8 %). Résultat : la part des étudiants étrangers inscrits dans les universités de langue anglaise a poursuivi son déclin. D’un sommet de 44,9 % en 2020, leur proportion était passée à 37,9 % en 2022. En 2023, elle se situe maintenant à 35,2 %. À Montréal, où se concentrent les universités anglophones, on observe aussi une réduction. McGill et Concordia, qui attiraient 56 % des étudiants étrangers, devançant ainsi l’Université de Montréal, Polytechnique, HEC, l’UQAM et l’ETS, ont vu leur poids baisser à 50 % en 2022 et à 49 % en 2023.