D’ici quelques mois, Negar Joharinia, 32 ans, va conclure sa maîtrise en recherche à l’Université de Montréal. Elle est venue d’Iran, en 2021, avec l’idée de s’établir au Québec. Mais cela n’arrivera pas.

Negar Joharinia va plutôt aller en Ontario… « à cause des changements à l’immigration qui lui rendraient les procédures plus complexes ici », se désole son professeur Roger Lippé, qui l’a recrutée en Iran pour étudier dans son laboratoire qui approfondit les interactions entre les virus et nos cellules.

« La masse d’étudiants diplômés au Canada disposés à faire de la recherche scientifique n’est pas suffisante pour combler la demande, explique-t-il dans son laboratoire, au centre de recherche de l’hôpital Sainte-Justine, où se côtoient des étudiants venus d’un peu partout sur la planète.

Le départ prochain de Negar Joharinia, étudiante à la maîtrise en microbiologie et immunologie à la faculté de médecine de l’Université de Montréal, va lui faire perdre une étudiante « très douée ». « C’est dommage pour la recherche, dit M. Lippé. Negar est hyper compétente et très bien formée. Qui de mieux qu’une personne qu’on vient de former pour faire le boulot ? »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Roger Lippé, professeur au département de pathologie et biologie cellulaire de l’Université de Montréal

C’est une roue. Si on a du bon personnel, on fait de la bonne recherche, on peut aller chercher d’autres subventions et on recommence. Donc, c’est handicapant à plusieurs égards, pas juste à court terme, ça peut avoir un impact à plus long terme. Ça veut dire qu’il faut former quelqu’un de nouveau. On recommence à zéro.

Roger Lippé, professeur au département de pathologie et biologie cellulaire de l’Université de Montréal

« J’ai encore besoin d’étudier »

Le problème, pour Negar, c’est l’apprentissage du français. L’étudiante suit des cours à temps partiel, mais elle craint que ce ne soit pas suffisant pour obtenir le certificat de sélection du Québec, préalable à la résidence permanente.

« J’aime vraiment Montréal, confie-t-elle, dans un mélange de français et d’anglais. Mais, de ce que je sais, il y a deux programmes qui nous permettent de rester après nos études au Québec. Et dans les deux cas, il faut prouver qu’on a une bonne connaissance du français. C’est la partie la plus difficile. Atteindre ce niveau prend énormément de temps et d’énergie, et je suis une étudiante à temps plein. Je dois travailler à temps plein. Je suis des cours de français, mais j’ai encore besoin d’étudier. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Negar Joharinia, étudiante à la maîtrise en microbiologie et immunologie à la faculté de médecine de l’Université de Montréal

Le français n’est pas vraiment un problème à la maîtrise en recherche parce que la langue de communication est l’anglais. Mais si Negar veut demander la résidence permanente, elle doit réussir un test de connaissance intermédiaire du français. « En sciences, c’est l’anglais, la langue internationale, explique M. Lippé. Donc, il faut que tous les gens de mon labo soient bilingues. On n’a pas le choix. Ils doivent tous comprendre l’anglais. »

Negar Joharinia aurait été une candidate idéale pour occuper, après l’obtention de son diplôme, un poste d’assistante de recherche, croit-il. « Son expertise serait fort utile pour faire avancer notre recherche. Qui veut-on, au Québec, si ce n’est des gens avec beaucoup de compétences comme ça ? C’est des gens qui viennent bonifier la société. »