Que reste-t-il de cette poignée de main historique qui devait ouvrir la voie de la paix en Israël ?

Septembre 1993. Réunis par le président Bill Clinton sur le gazon de la Maison-Blanche, le premier ministre israélien, Yitzhak Rabin, et le leader palestinien, Yasser Arafat, se serrent la main. Par ce geste symbolique, les deux hommes scellent les Accords d’Oslo, du nom de la capitale norvégienne où la réconciliation entre les deux peuples ennemis avait été négociée en secret.

Trente ans plus tard, les efforts de paix ont cédé la place à une escalade de violence comme on n’en avait pas vu depuis plusieurs décennies.

PHOTO J. DAVID AKE, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Réunis par le président Bill Clinton sur le gazon de la Maison-Blanche en septembre 1993, le premier ministre israélien, Yitzhak Rabin, et le leader palestinien, Yasser Arafat, se sont serré la main.

L’attaque-surprise lancée par le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, a semé la terreur en Israël. Des morts par centaines. Des jeunes assassinés en pleine fête. Des civils innocents pris en otage.

On ne peut que condamner ces gestes d’une cruauté atroce que rien ne peut justifier.

La colère de la population israélienne appelle à une réplique musclée contre le Hamas, ce qui risque de se terminer dans un bain de sang si les forces israéliennes pénètrent dans la bande de Gaza. Cependant, Israël doit mesurer sa riposte pour éviter de mettre les otages en péril.

À l’heure actuelle, il est donc bien difficile de prédire comment la situation évoluera. Mais on peut retourner en arrière pour comprendre comment on en est arrivé là.

Que s’est-il donc passé pour que l’espoir des Accords d’Oslo s’évanouisse ?

Peut-être que le ver était dans la pomme dès le départ…

Les deux peuples ont reconnu le droit à l’autre d’exister, ce qui valait bien une poignée de main. Mais ils ont laissé sur la table les aspects plus complexes de la négociation, à commencer par l’épineuse question de Jérusalem et l’établissement des frontières définitives.

Ces éléments devaient être tranchés au cours d’une période de transition de cinq ans qui aurait débouché sur la création d’un État palestinien. Mais comme on ne s’est jamais entendu, la période transitoire s’est étirée.

Pendant ce temps, Israël a accéléré la colonisation en Cisjordanie, annexant lentement mais sûrement les terres palestiniennes. Et les Palestiniens ont poursuivi leurs attentats terroristes qui ont mené à la deuxième intifada.

Bref, les positions radicales ont eu raison des voix modérées. C’est la tyrannie des extrêmes qui règne.

Désormais, on se retrouve avec un gouvernement israélien d’extrême droite qui tient en place grâce à une coalition avec des partis politiques intégristes religieux. Et le premier ministre Benyamin Nétanyahou, accusé de corruption, tente d’imposer une réforme judiciaire qui affaiblira la Cour suprême. Et la démocratie.

De l’autre côté, le Fatah dirigé par Mahmoud Abbas reste à la tête de l’Autorité palestinienne, même s’il n’y a pas eu d’élections depuis des lustres. Mais le Hamas a pris le contrôle de la bande de Gaza.

Les rivalités dans le camp palestinien ont laissé croire à Benyamin Nétanyahou qu’il n’y avait rien de trop grave à craindre, alors que son attention était accaparée par les manifestations monstres des Israéliens contre sa réforme judiciaire.

Cette impression était partagée par la communauté internationale. Il n’y a même pas deux semaines, le conseiller américain à la sécurité nationale Jake Sullivan affirmait que le Moyen-Orient était plus calme qu’il ne l’avait jamais été en deux décennies.

Fort de l’appui indéfectible des Américains, Israël a péché par excès de confiance en s’imaginant que la sécurité de sa population était assurée grâce à ses services secrets perfectionnés, son bouclier antimissile et son mur encerclant Gaza.

Il s’est bercé d’illusions en croyant qu’il pourrait normaliser ses relations avec le monde arabe, dans le cadre des Accords d’Abraham, en reléguant au second rang la question palestinienne.

Après des ententes avec Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Maroc et le Soudan, la perspective d’un accord avec la puissante Arabie saoudite faisait craindre aux Palestiniens que leur cause soit liquidée au rabais. Et à l’Iran qu’il perde de son influence dans la région.

L’attaque de samedi prouve que rien n’est réglé. Que les aspirations des Palestiniens à la souveraineté sont toujours bien vivantes, même si la planète a détourné son attention.

La communauté internationale est peut-être à court de solutions face à une crise qui s’étire depuis si longtemps. Mais l’inertie ne règle pas les problèmes. Et le statu quo n’est pas acceptable.

Mais de part et d’autre, les extrémistes qui ont enterré Oslo n’ont rien offert comme solution de rechange. Ils ont plutôt creusé le fossé qui les sépare, alors que la paix ne pourra venir que d’un compromis.

Il y a 30 ans, Yitzhak Rabin avait avoué qu’il n’avait pas été facile pour un ancien soldat comme lui d’en arriver à une entente avec ceux qu’il avait combattus.

Sur le gazon de la Maison-Blanche, le chef israélien avait déclaré : « Nous qui avons combattu contre vous, les Palestiniens, nous vous disons aujourd’hui d’une voix forte et claire : ‟Assez de sang et de larmes ! Assez !” »

Deux ans plus tard, il était assassiné par un extrémiste religieux juif.

La position de La Presse

La planète doit condamner les gestes atroces qui font craindre l’escalade de violence en Israël. Mais tôt ou tard, elle devra aussi se mobiliser pour trouver une solution de paix.